Il y a dix ans : Le désarmement du Hezbollah, un défi pour le Liban

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Au lendemain du conflit de juillet à septembre 2006, beaucoup voyaient le Hezbollah comme affaibli. Les 10 années qui se sont depuis écoulées, ont démontrée que le mouvement chiite s’en est plutôt sorti renforcé.

Retour sur une analyse en date de septembre 2006 publiée sur Libnanews.com. 


Après que le conflit actuel se soit terminé, il est nécessaire de faire un nouvel inventaire de la situation, de voir quels sont les nouveaux défis que va traverser le Liban et comment répondre justement à ces défis.

Le 1er constat est que le Hezbollah est comme on pouvait s’y attendre le grand gagnant de la situation post conflit.

Il était prévisible depuis le début du conflit que le Hezbollah ne pouvait être défait militairement. On ne peut défaire une milice qui jouit du soutien populaire d’une large partie de sa population. Pour rappel, le Hezbollah a représenté l’année dernière 15.8 % des suffrages lors des élections législatives de 2005, et il est le 1er parti politique de la 1ère minorité libanaise, la population chiite (soit un peu plus de 30% de la population libanaise)

Politiquement tout d’abord, le Hezbollah devient le parti de référence sur lequel les autres partis politiques libanais sont quasiment obligés de s’aligner. On a déjà bien vu le 1er ministre Saniora, durant le conflit, faire l’apologie du parti chiite, lui qui pourtant est pro-américain et dont la famille politique est proche de la France.

La proposition de reconstruction des domiciles détruits par le conflit actuel de la part du Hezbollah va encore une fois renforcer le soutien populaire de cette population à cette organisation.

Militairement, l’armée israélienne, au bout de 31 jours de conflit, a du aligner plus de 30 000 soldats pour faire face officiellement aux 2 000 hommes mobilisés par le Hezbollah. Au dernier jour du conflit encore plus de 250 roquettes de type Katioucha ont été tirées sur le nord d’Israël, rappelant à l’Etat hébreu que ses structures militaires sont quasiment intactes.

Le début du retrait israélien, commencé bien avant le déploiement de l’armée libanaise et de la force multinationale, laisse à penser que Tsahal a failli dans sa mission de prises de positions stratégiques au Sud Liban. Pire encore, les fortes pertes militaires israéliennes face à une milice démontrent l’incapacité d’une armée de type traditionnel à traiter le problème que pose une guérilla soutenue par la population locale à l’image de ce qui se passe en Irak.

Il faut ici rappeler que, d’après des estimations faites par des services de renseignement occidentaux, le Hezbollah compterait 600 miliciens à temps plein, 2000 miliciens mobilisables à tout moment et de 60 000 à 90 000 personnes mobilisables qui ont plus ou moins subi dans le passé un entrainement militaire.

Cependant, la nouvelle résolution 1701 demande le retrait du Hezbollah au-delà du fleuve Litani dans un 1er temps et rappelle la mise en application de la résolution 1559 qui précise que les milices encore existantes au Liban doivent être désarmées.

Sur un plan interne encore, malgré que la stratégie militaire israélienne visait toutes les régions qu’elles soient chrétiennes, musulmanes, une union nationale dans le malheur s’est créée, la solidarité inter-communautaire a prouvé que la notion même de peuple libanais existe.

Cette vision de la situation volontairement simplifiée démontre aujourd’hui toutes les difficultés que va traverser le Liban et l’on voit bien justement le défi futur pour désarmer le Hezbollah, le principal défi étant de ne pas tomber dans le piège qui consisterait à nous pousser vers une nouvelle guerre civile.

A court terme, le désarmement du Hezbollah ne peut se faire qu’avec l’accord politique de celui-ci. Il semble que le principe de celui-ci ne peut être acquis, spécialement depuis les déclarations de la ministre des affaires étrangères israélienne, Livni pour ne pas la nommer, posant une nouvelle condition bien après le vote de la résolution 1701, acceptant non plus le désarmement du Hezbollah mais demandant tout simplement son démantèlement.

Il s’agissait me semble-t-il de retrancher le Hezbollah dans le déni de cette résolution qui était auparavant acceptée par celui-ci et ainsi augmenter les difficultés auxquelles fait face le gouvernement libanais.

Si le désarmement se fait par la force, tout d’abord les résultats ne sont pas surs, Tsahal a bien compris qu’une offensive terrestre sur le Liban lui coûterait cher en terme de vies humaines. Les projections des pertes israéliennes, d’après certains analystes militaires, auraient été de 400 hommes rien que pour occuper le sud Liban. Aucune armée qu’elle soit libanaise ou internationale n’a la puissance de l’armée israélienne dans la région. Elles n’auront donc pas la capacité à agir pour désarmer le Hezbollah, peut-être du moins à pouvoir contrôler leur théâtre d’opération.

De même, il n’est pas souhaitable que l’armée libanaise use de la force contre une partie de la population libanaise. Les risques de plonger le pays dans une guerre civile serait trop grand. L’armée Libanaise ne peut agir que pour prévenir une guerre civile et non pas comme élément déclencheur d’une guerre civile.

La solution pour désarmer le Hezbollah ne peut-être que dans un moyen ou long terme.

On peut, je pense obtenir le retrait des hommes du Hezbollah au-delà du Litani comme spécifié par la résolution 1701, on se doit de remettre en branle le processus politique de dialogue pour diminuer les tensions communautaires qui pourraient resurgir.

L’Etat libanais dont les finances sont déjà mal en point se doit de prouver aux populations touchées par le conflit qu’il existe une alternative au Hezbollah.

Les services sociaux de l’état doivent entrer en concurrence avec ceux du Hezbollah.

L’armée libanaise doit pouvoir défendre la mère patrie aux yeux de la population chiite.

On aura donc bien compris, que cela prendra du temps, mais il faut pour désarmer le Hezbollah prouver que l’Etat peut exister. Il faut vendre aux populations du Sud Liban, la notion d’Etat de droit, d’Etat-justice, d’Etat-protecteur.

Aux yeux de ces populations, l’Etat les a abandonnés depuis la fin des années 60, depuis les accords du Caire, depuis la création du Fatah land, puis ensuite l’occupation israélienne du sud Liban. Le Hezbollah s’est en fait substitué à l’Etat libanais parce que l’Etat libanais a cessé d’exister. L’existence du Hezbollah est avant tout, on l’aura compris le symptôme de la démission de l’Etat des années durant. On ne peut pas demander au Hezbollah de se désarmer sans répondre aux attentes des populations abandonnées par l’Etat depuis temps d’années.

Il faut obliger le Hezbollah de se retrancher comme un parti purement politique et non plus militaire et seul le fait de rogner l’appui populaire dont il jouit peut y arriver.

Cela a déjà certes mal commencé, comme je l’ai déjà dis plus haut, le Hezbollah se propose de reconstruire les domiciles détruits, d’offrir les meubles de ces maisons et en attendant de donner 1 an de loyer.

A défaut d’accord politique pour parvenir au désarmement du Hezbollah, il faut donc désormais adopter une politique, dans un 1er temps, qui diminue les risques de partition civile et la guerre qui en découlerait et dans un deuxième temps construire une politique dont l’objectif serait au moyen voir au long terme pour renforcer l’Etat libanais et obtenir la remise des armes d’une manière pacifique.

On aura donc compris qu’il faut construire l’Etat pour désarmer le Hezbollah.

Malheureusement, cette crise nous a largement prouvé que les hommes politiques libanais manquent d’une vision au long terme. Accepter le Hezbollah l’année dernière au sein du gouvernement a permis aux israéliens d’avoir une excuse pour tous nous attaquer. Cela était prévisible. Il semble que déjà l’union nationale de la crise s’effrite aujourd’hui et malheureusement leur vision généralement à court terme et orientée vers leur intérêt privé ne leur permet pas justement de promouvoir une politique au long terme.

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