Le IXe siècle a vu se créer la Maison de la sagesse à Baghdad. Son rôle était d’offrir un lieu d’accueil pour les savants, les chercheurs, les étudiants afin de développer, échanger et transmettre leurs savoirs, mais aussi constituer des collections de tous les écrits disponibles, y compris les traduire sur place : rassembler ainsi les connaissances et les compétences pour mieux les enrichir et les diffuser.

Au XVIIIe siècle, les encyclopédistes en Europe eurent la même ambition en se donnant pour objectif de rassembler toutes les connaissances disponibles.
Ce sont là deux périodes historiques fondamentales qui ouvrent chacune une nouvelle ère de développement du savoir immense.
La première ère est marquée par le manuscrit, la seconde par l’imprimerie.
Nous en sommes aujourd’hui à l’ère du numérique.

L’Afrique est enserrée dans l’acquisition, la formation et la diffusion des connaissances transmises par ceux qui les produisent et en sont les détenteurs. Il se trouve que ceux qui les produisent sont les puissances dominantes l’ont soumise à l’esclavage puis au colonialisme depuis un d’un demi-millénaire maintenant. C’est une toile d’airain forgée pendant des siècles, d’où il est difficile de se soustraire. Nos dirigeants politiques comme nos élites intellectuelles pensent dans le format même de ce qui leur a été transmis : le même schéma de définition d’une question, le même type de perception des choses, ce qui induit le même schéma d’élaboration d’une solution. 
Ce sont les mêmes élites ayant accepté ce formatage qui sont aux commandes des lieux de pouvoir, les uns en tant que dominants, les autres portant les habits de dominés. Nos dirigeants, quand bien même le souhaiteraient-ils, sont dans l’incapacité objective, de se soustraire à ce formatage. Incapacité de par cette “nature” intériorisée, mais aussi des écueils immenses qu’ils auraient à affronter.

L’Afrique, depuis la période de l’esclavage jusqu’à l’ère coloniale et contemporaine, a produit des luttes, des analyses, des pensées, des recherches et des concepts pour faire face à ces formes de domination, et ce, dans tous les pays où ses enfants ont été déportés. Ces productions restent malheureusement séparées, isolées les unes des autres et d’autant mieux noyées dans le flot de la production et de la diffusion des idées et des connaissances, flot d’une puissance démultipliée par le numérique qui est à l’imprimerie ce que celle-ci a été au manuscrit, mais à un niveau exponentiel.

Il est nécessaire, dans le même esprit que ce qui a eu cours aux IXe et XVIIIe siècles à Baghdad puis en Europe, que l’Afrique puisse rassembler à son tour tous les savoirs dont elle est l’objet, et plus particulièrement dont elle est la productrice, objets de savoirs mais aussi donc sujets de ces savoirs, compétences, objets de recherche, méthodologie et jusqu’aux élaborations pédagogiques. C’est une condition sine qua non pour qu’elle puisse être actrice de son éducation comme de son histoire, puisant dans ses forces internes et ses valeurs endogènes, mais aussi être partenaire à part entière de la production universelle.

Le numérique en est l’outil fondamental, central et essentiel. Précisons clairement qu’il est l’une des matrices du développement en Afrique. Toute civilisation qui entre dans une ère de développement, pour se donner les moyens de son défi, se doit de respecter la loi du développement inégal et combiné et doit en conséquence s’emparer des dernières technologies en cours. Nous ne referons pas le chemin des encyclopédistes en nous centrant sur les règles de la production imprimée, et encore moins d’un temple physique des savoirs. Ce serait un combat perdu d’avance qui entraînerait dans son sillage bien des énergies, des compétences et investissements matériels démesurés. L’outil de cette ambition est le numérique, et dans sa forme la plus légère.
Une telle entreprise, fondée sur le numérique, demande essentiellement une équipe de compétences, diverse, solidaire et ouverte, et peu de moyens matériels, avec pour objectifs :
– la création d’un logiciel libre, gratuit et collaboratif, selon le même principe que Wikipédia, qui nourrit des articles et agrège toutes publications ayant trait à l’Afrique
– l’élaboration d’un système de classification des domaines de savoirs et de recherches.
– une équipe de modérateurs
Tout cela se gère en ligne, y compris à l’appui de rencontres par visioconférence.

Scandre Hachem

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