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La dollarisation atteint 99,1 % des dépôts privés et 97,7 % des prêts privés au Liban en 2024

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Une dollarisation exacerbée par la crise libanaise

En 2024, le système financier libanais affiche une dollarisation quasi totale, avec 99,1 % des dépôts du secteur privé et 97,7 % des prêts privés libellés en devises étrangères, principalement en dollars américains, selon les estimations de l’Institute of International Finance (IIF). Cette progression, passant de 96,3 % pour les dépôts et 90,9 % pour les prêts en 2023, traduit une érosion complète de la confiance dans la livre libanaise (LBP), dans un pays ravagé par une crise économique sans précédent, des restrictions bancaires draconiennes et les répercussions du conflit entre Hezbollah et Israël. Les données de la Banque du Liban (BdL) révèlent que les dépôts totaux ont atteint 8 209,7 trillions de LBP (91,7 milliards de dollars) fin 2024 au taux officiel de 89 500 LBP/USD, tandis que les prêts au secteur privé représentent 17,2 % du PIB, soit environ 5,64 milliards de dollars sur un PIB nominal de 32,8 milliards de dollars. Ce phénomène, ancré dans le contexte libanais, reflète une nécessité pratique et une réponse à l’instabilité chronique.

Historique et accélération dans le contexte libanais

La dollarisation n’est pas nouvelle au Liban, où le dollar américain a longtemps coexisté avec la livre, notamment depuis la guerre civile (1975-1990), qui avait déjà érodé la confiance dans la monnaie locale. Jusqu’en 2019, le taux de change fixe de 1 507,5 LBP/USD maintenait une parité artificielle, mais la crise économique déclenchée cette année-là a bouleversé cet équilibre. En 2022, 76,1 % des dépôts privés et 50,7 % des prêts étaient en devises, un niveau élevé mais encore modéré. Entre 2022 et 2023, ces taux ont grimpé à 96,3 % (+20,2 points) et 90,9 % (+40,2 points), avant d’atteindre 99,1 % et 97,7 % en 2024 (+2,8 et +6,8 points), selon l’IIF. Cette accélération coïncide avec une dévaluation massive de la livre, qui a perdu presque toute sa valeur depuis 2019, et une unification du taux de change à 89 500 LBP/USD en 2024. Le tableau suivant retrace cette évolution :

AnnéeDépôts en devises (%)Prêts en devises (%)Taux de change moyen (LBP/USD)PIB nominal (milliards USD)
202276,150,727 08724,9
202396,390,985 80524,3
202499,197,789 50032,8

Dans le contexte libanais, cette dollarisation est une réponse à l’hyperinflation (171,2 % en 2022, 221,3 % en 2023, 45,2 % en moyenne en 2024, selon l’IIF) et aux restrictions bancaires imposées depuis octobre 2019, qui ont bloqué l’accès aux dépôts, poussant les citoyens et les entreprises à privilégier le dollar pour toute transaction significative.

Les dépôts bancaires dans un système en crise

Fin 2024, les dépôts totaux au Liban s’élevaient à 8 209,7 trillions de LBP, soit 91,7 milliards de dollars, selon la BdL, en légère baisse par rapport aux 8 305,7 trillions de LBP (92,8 milliards de dollars) de septembre 2024. Les dépôts à terme dominaient avec 4 421,7 trillions de LBP (54 %), tandis que les dépôts à vue représentaient 3 788 trillions de LBP (46 %). Sur ces montants, les dépôts en devises du secteur privé résident atteignaient 35,3 milliards de dollars (38,5 %), suivis par ceux des non-résidents à 12,3 milliards de dollars (13,4 %). Les dépôts en LBP du secteur privé résident étaient négligeables, à 26,06 trillions de LBP (0,3 %), soit environ 291 millions de dollars. Cette répartition illustre une dépendance quasi exclusive au dollar, exacerbée par la crise de liquidité qui a vu les dépôts à terme chuter de 117,1 milliards de dollars depuis septembre 2019, date du début des restrictions informelles sur les retraits.

Le tableau suivant détaille les dépôts fin 2024 :

CatégorieMontantÉquivalent (milliards USD)% du total
Dépôts totaux8 209,7 trillions LBP91,7100
Dépôts à terme4 421,7 trillions LBP54
Dépôts à vue3 788 trillions LBP46
Dépôts privés en devises (résidents)35,338,5
Dépôts privés en devises (non-résidents)12,313,4
Dépôts privés en LBP (résidents)26,06 trillions LBP0,2910,3

Dans le contexte libanais, cette dollarisation reflète une méfiance généralisée envers les banques, accusées de retenir les fonds des déposants, et une réalité sociale où le dollar est devenu la monnaie de facto pour les loyers, les salaires dans le secteur privé et les achats de biens importés, qui représentent 16,9 milliards de dollars en 2024 selon l’Administration des douanes.

Les prêts privés dans une économie en contraction

Les prêts au secteur privé se sont élevés à 8,32 milliards de dollars fin 2023, soit environ 5,64 milliards de dollars estimés pour fin 2024 (17,2 % du PIB de 32,8 milliards de dollars), contre 6 % du PIB en 2023 (1,46 milliard de dollars sur 24,3 milliards), selon la BdL. Avec 97,7 % en devises, les prêts en LBP ne représentent que 2,3 %, soit environ 130 millions de dollars. Cette dollarisation des prêts découle de la nécessité pour les entreprises et les particuliers d’emprunter dans une monnaie stable, face à une inflation qui, bien qu’en baisse à 15,4 % en novembre 2024, reste élevée (moyenne annuelle de 45,2 %, selon l’IIF). Depuis décembre 2022, les prêts ont chuté de 58,5 % (de 20,05 milliards de dollars), en raison des restrictions bancaires et d’une activité économique en berne, marquée par une contraction réelle du PIB de 5,7 % en 2024, liée au conflit Hezbollah-Israël.

Contexte libanais : crise bancaire et restrictions

La dollarisation s’est intensifiée dans un contexte de crise bancaire déclenchée en octobre 2019, lorsque les banques ont imposé des contrôles de capitaux informels, limitant les retraits à des montants dérisoires. En février 2025, la BdL a relevé les plafonds à 250 dollars mensuels (Circulaire 728) pour les comptes antérieurs à juin 2023 et à 500 dollars (Circulaire 729) pour ceux avant octobre 2019, soit des maximums annuels de 3 000 et 6 000 dollars. Ces montants, bien qu’en hausse, restent infimes face aux 94,75 milliards de dollars de dépôts privés fin 2023, illustrant l’incapacité des déposants à récupérer leurs fonds. Les manifestations de 2019, les accusations de corruption contre les élites bancaires et politiques, et le défaut sur les Eurobonds en mars 2020 (31,3 milliards de dollars, plus 9 milliards d’arriérés d’intérêts) ont amplifié cette crise de confiance.

Impact du conflit Hezbollah-Israël

Le conflit entre Hezbollah et Israël, qui a escaladé en septembre 2024, a aggravé la situation. Les dommages physiques sont estimés à 3,4 milliards de dollars et les pertes économiques à plus de 5 milliards, accentuant la dépendance aux devises pour financer les importations et l’aide humanitaire (1,6 milliard de dollars via le Lebanon Response Plan). Les réserves de change de la BdL, qui ont atteint 10,7 milliards de dollars début 2024, ont chuté de 391 millions en octobre, limitant les liquidités disponibles dans un système où le dollar domine.

Réalités sociales et économiques au Liban

Dans le contexte libanais, la dollarisation a des implications profondes. Les salaires dans le secteur public, payés en LBP, ont perdu presque toute valeur, un enseignant gagnant l’équivalent de 50 dollars par mois au taux officiel, contre 1 000 dollars avant 2019. Le secteur privé exige souvent des paiements en dollars « frais » (fresh dollars), hors du système bancaire, tandis que les petits commerçants, agriculteurs et ménages dépendent du marché noir pour obtenir des devises, malgré la plateforme Sayrafa de la BdL, ajustée à 89 500 LBP/USD en décembre 2023. Cette situation creuse les inégalités, avec une classe moyenne décimée et une population dont 80 % vit sous le seuil de pauvreté, selon les estimations de l’ONU, dans un pays où le PIB réel a reculé de 7 % en 2024.

Données sur les institutions citées

  • Banque du Liban (BdL) : Fondée en 1963, la BdL supervise le système bancaire. En 2024, ses réserves de change ont atteint 10,7 milliards de dollars (début d’année), gérant 94,75 milliards de dollars de dépôts privés fin 2023.
  • Institute of International Finance (IIF) : Fondé en 1983, l’IIF regroupe plus de 400 institutions financières mondiales. Basé à Washington, il estime le PIB libanais à 32,8 milliards de dollars en 2024.
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Newsdesk Libnanews
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