Un déficit commercial en légère amélioration en 2024
En 2024, le Liban a enregistré une réduction de son déficit commercial de 2,3 %, passant de 14,529 milliards de dollars en 2023 à 14,2 milliards de dollars, selon les données publiées par l’Administration des douanes libanaises. Cette diminution résulte d’une baisse plus prononcée des importations que des exportations, dans un contexte économique marqué par une crise financière persistante et les répercussions du conflit entre Hezbollah et Israël. Les importations totales ont atteint 16,9 milliards de dollars, en recul de 3,6 % par rapport aux 17,524 milliards de dollars de 2023, tandis que les exportations ont diminué de 9,6 %, passant de 2,995 milliards de dollars à 2,7 milliards de dollars. Cette évolution a ramené le ratio exportations/importations à 16 % en 2024, contre 17,1 % l’année précédente, indiquant une légère érosion de la couverture commerciale. La baisse des importations, évaluée à 662,4 millions de dollars, a été partiellement contrebalancée par un repli des exportations de 288 millions de dollars, expliquant ainsi la réduction nette du déficit.
Analyse détaillée des importations et exportations
Les importations non-hydrocarbures ont diminué de 2,8 %, soit 365,1 millions de dollars, pour s’établir à 12,5 milliards de dollars en 2024, tandis que les importations de carburants et minerais, représentant 26 % du total des importations (contre 26,5 % en 2023), ont reculé de 5,5 %, soit 257,3 millions de dollars, à 4,4 milliards de dollars. En volume, les importations de carburants ont cependant augmenté, passant de 6,01 millions de tonnes en 2023 à 7,12 millions de tonnes en 2024, ce qui suggère une baisse des prix unitaires ou un changement dans la composition des importations énergétiques. Parmi les principales catégories d’importations non-hydrocarbures, les perles, pierres précieuses et métaux ont dominé avec 2,58 milliards de dollars, suivies des produits chimiques (1,4 milliard de dollars) et des machines et instruments électriques (1,3 milliard de dollars). Les importations de produits alimentaires préparés ont augmenté de 16,4 %, atteignant 1,2 milliard de dollars, tandis que celles de véhicules ont chuté de 29,6 %, à 810,6 millions de dollars, reflétant une priorisation des besoins essentiels au détriment des biens durables.
Du côté des exportations, la baisse de 9,6 % est liée à des contractions dans plusieurs secteurs clés. Les exportations de perles, pierres précieuses et métaux ont diminué de 24,7 %, soit 188,1 millions de dollars, suivies des machines et instruments électriques (-20,7 %, soit 80,2 millions de dollars) et des véhicules (-56,2 %, soit 25,8 millions de dollars). Les exportations de produits végétaux et de métaux de base ont également reculé, respectivement de 11 % (22,7 millions de dollars) et 5,4 % (23,2 millions de dollars). En revanche, les réexportations ont légèrement progressé, passant de 488,7 millions de dollars en 2023 à 511,4 millions de dollars en 2024. Sur le plan géographique, les exportations vers la Corée du Sud ont bondi de 36,4 %, celles vers les États-Unis de 26 %, tandis que les ventes vers la Turquie ont plongé de 47,4 % et celles vers la Syrie de 28,4 %, illustrant les tensions régionales et les réorientations commerciales.
Revenus douaniers en forte hausse grâce aux ajustements du taux de change
Les revenus douaniers ont totalisé 42 554 milliards de livres libanaises (LBP) sur les dix premiers mois de 2024, en hausse de 39 % par rapport aux 30 598 milliards de LBP de la même période en 2023, selon les chiffres de la Banque du Liban (BdL). Cette augmentation est principalement due aux ajustements successifs du taux de change appliqué aux douanes. Fin 2022, le taux est passé de 1 507,5 LBP à 15 000 LBP par dollar, puis à 45 000 LBP début 2023, avant d’atteindre 86 000 LBP à partir du 13 mai 2023. Ces révisions ont mécaniquement accru les recettes en livres, malgré une diminution en volume des importations. Par trimestre, les revenus ont atteint 10 014,6 milliards de LBP au premier trimestre (+163 % par rapport à 2023), 14 422 milliards au deuxième trimestre (+53 %), et 14 106,1 milliards au troisième trimestre (+8,2 %), tandis qu’octobre 2024 a enregistré une baisse de 7,4 % à 4 011 milliards de LBP par rapport à octobre 2023 (4 331,1 milliards de LBP).
Le tableau suivant détaille l’évolution des revenus douaniers :
Période | Revenus douaniers (LBP milliards) | Variation par rapport à 2023 (%) |
---|---|---|
1er trimestre 2024 | 10 014,6 | +163 |
2e trimestre 2024 | 14 422 | +53 |
3e trimestre 2024 | 14 106,1 | +8,2 |
Octobre 2024 | 4 011 | -7,4 |
Total (10 mois) 2024 | 42 554 | +39 |
Cette progression contraste avec les années précédentes : les revenus s’élevaient à 1 837 milliards de LBP sur les dix premiers mois de 2022 (+1 566 % par rapport à 2021) et à 1 329,1 milliards de LBP en 2021, soulignant l’impact des dévaluations successives de la livre libanaise.
Réserves de change de la BdL : une dynamique contrastée
Les réserves de change de la Banque du Liban ont connu une augmentation notable en début 2024, atteignant 10,7 milliards de dollars, soit une hausse de 1 milliard de dollars par rapport à fin 2023, selon l’European Bank for Reconstruction and Development (EBRD). Cependant, cette tendance s’est inversée avec une baisse de 391 millions de dollars en octobre 2024, coïncidant avec l’escalade du conflit entre Hezbollah et Israël à partir de septembre. Cette diminution reflète les pressions sur les liquidités en devises, mobilisées pour financer des importations essentielles et répondre aux besoins humanitaires. Historiquement, les réserves ont diminué de 7,3 % entre décembre 2022 (10,4 milliards de dollars) et décembre 2023 (9,64 milliards de dollars), avant cette reprise temporaire en début 2024. Les données mensuelles montrent une légère progression entre août 2023 (8,82 milliards de dollars) et décembre 2023 (9,64 milliards de dollars), mais la volatilité reste forte dans un contexte de dollarisation quasi complète de l’économie.
Prévisions de croissance du PIB : un rebond attendu après une contraction
L’EBRD a estimé une contraction du PIB réel libanais de 5,7 % en 2024, attribuée aux dommages causés par le conflit Hezbollah-Israël, évalués à 3,4 milliards de dollars pour les infrastructures et à plus de 5 milliards de dollars en pertes économiques. Sur les neuf premiers mois de 2024, la baisse était de 1 %, mais l’intensification des hostilités en fin d’année a aggravé cette chute. Pour 2025 et 2026, l’EBRD prévoit une croissance de 2 % et 3 % respectivement, soit une moyenne de 2,5 % sur la période, sous réserve d’une stabilité politique durable et de réformes économiques, notamment la restructuration du secteur bancaire et un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Ces projections contrastent avec les performances régionales : les pays du sud et de l’est de la Méditerranée devraient croître de 3,7 % en 2025 et 4,1 % en 2026, tandis que les membres de l’EBRD affichent 3,2 % et 3,4 %. Le tableau ci-dessous résume ces estimations :
Année | Croissance PIB réel (%) | Facteurs principaux |
---|---|---|
2024 | -5,7 | Conflit Hezbollah-Israël, dommages |
2025 | 2,0 | Stabilité politique, réformes |
2026 | 3,0 | Soutien international, investissements |
Dépôts bancaires : prédominance des dépôts à terme
Les dépôts bancaires totaux au Liban ont atteint 8 209,7 trillions de LBP (91,7 milliards de dollars) fin 2024, selon la BdL, en légère baisse par rapport aux 8 305,7 trillions de LBP (92,8 milliards de dollars) de septembre 2024. Les dépôts à terme ont représenté 54 % de ce total, soit 4 421,7 trillions de LBP, une proportion quasi stable par rapport aux 54,3 % de septembre 2024. Cette prédominance reflète une préférence pour la sécurité à long terme dans un climat d’incertitude, bien que les dépôts à terme aient diminué de 117,1 milliards de dollars depuis septembre 2019, en raison de retraits et d’une migration vers les dépôts à vue. Les dépôts en devises du secteur privé résident (35,3 milliards de dollars) ont constitué 38,5 % du total, suivis par ceux des non-résidents (13,4 %). En parallèle, les dépôts à vue ont atteint 3 788 trillions de LBP (46 % du total), en légère baisse par rapport à septembre.
Inflation en baisse continue
Le taux d’inflation au Liban s’est établi à 15,4 % en novembre 2024 sur une base annuelle, poursuivant une tendance à la baisse, selon l’EBRD. Cette diminution fait suite à des niveaux records : 171,2 % en moyenne en 2022 et 221,3 % en 2023, avec une moyenne de 45,2 % estimée pour 2024 par l’Institute of International Finance. La dollarisation quasi totale de l’économie (le taux de change parallèle a rejoint le taux officiel à 89 500 LBP/USD en 2024) et la stabilisation relative des prix ont contribué à cette désinflation, bien que les pressions sur les biens importés restent un facteur de volatilité.
Données sur les institutions citées
- Banque du Liban (BdL) : Créée en 1963, la BdL est la banque centrale du Liban, supervisant le système bancaire. En 2024, ses réserves de change s’élevaient à 10,7 milliards de dollars (début d’année), avec une gestion de 94,75 milliards de dollars de dépôts bancaires privés fin 2023.
- European Bank for Reconstruction and Development (EBRD) : Fondée en 1991, l’EBRD soutient 40 économies, avec 76 actionnaires. En 2024, elle a investi 2,4 milliards d’euros dans 50 projets dans la région SEMED, dont 921 millions d’euros au Liban (10 projets, 256 millions d’euros décaissés au 31 janvier 2025).