Le Liban n’a jamais participé à une Coupe du Monde de football, une réalité qui perdure depuis la création de la sélection en 1933. À l’approche des qualifications pour l’édition 2026, organisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, les Cèdres affrontent des obstacles majeurs : une crise économique dévastatrice, des infrastructures sportives insuffisantes et des adversaires asiatiques redoutables. La question se pose : le Liban peut-il surmonter ces barrières pour décrocher une qualification historique ?
Le calendrier des qualifications : une bataille déjà engagée
Les qualifications asiatiques pour la Coupe du Monde 2026, gérées par la Confédération Asiatique de Football (AFC), offrent 8 places directes et une chance via les barrages intercontinentaux, sur un total de 46 équipes participantes. Le processus comprend cinq tours, les deux premiers servant aussi pour la Coupe d’Asie 2027. Le premier tour, en octobre 2023, a opposé les 20 équipes les moins bien classées au classement FIFA en matchs aller-retour ; le Liban, mieux placé, n’y a pas participé.
Au deuxième tour, de novembre 2023 à juin 2024, 36 équipes ont été réparties en 9 groupes de 4. Le Liban était dans le groupe I avec l’Australie, la Palestine et le Bangladesh. Voici les résultats officiels :
- 16/11/2023 : Liban 0-0 Palestine (à Sharjah, terrain neutre)
- 21/11/2023 : Bangladesh 1-1 Liban
- 21/03/2024 : Australie 2-0 Liban
- 26/03/2024 : Liban 0-5 Australie (à Canberra)
- 06/06/2024 : Palestine 0-0 Liban (à Doha)
- 11/06/2024 : Liban 4-0 Bangladesh
Avec 6 points (1 victoire, 3 nuls, 2 défaites), le Liban a terminé troisième derrière l’Australie (18 points) et la Palestine (8 points), manquant la qualification directe pour le troisième tour de la Coupe du Monde. Cependant, les deux premiers de chaque groupe (18 équipes) ont avancé, et le Liban s’est qualifié pour le tour final des éliminatoires de la Coupe d’Asie 2027, pas pour la Coupe du Monde 2026.
Le troisième tour, débuté en septembre 2024 et prévu jusqu’à juin 2025, concerne ces 18 équipes, réparties en 3 groupes de 6. Le tirage du 27 juin 2024 a placé le Liban hors course, mais pour contextualiser, examinons le groupe B réel : Corée du Sud, Irak, Jordanie, Oman, Palestine, Koweït. La Corée du Sud (22e FIFA en février 2025) et l’Irak (55e) dominent, suivis par la Jordanie (68e) et Oman (79e). Le Liban, 112e, aurait été un outsider face à ces nations, comme lors des précédentes campagnes.
Les performances récentes : un bilan mitigé
Sous la direction de Nikola Jurcevic, nommé en octobre 2023, le Liban a montré une certaine résilience mais reste limité offensivement. Au deuxième tour, les 6 points sur 18 possibles traduisent une défense correcte (8 buts encaissés, dont 7 par l’Australie) mais une attaque faible (5 buts marqués). Le 4-0 contre le Bangladesh est une exception contre un adversaire modeste (184e FIFA).
La Coupe d’Asie 2023 (jouée en janvier 2024 au Qatar) offre un autre aperçu. En phase de groupes :
- 12/01/2024 : Qatar 3-0 Liban
- 17/01/2024 : Liban 0-0 Tadjikistan
- 22/01/2024 : Liban 1-0 Chine (but de Maatouk)
Avec 4 points, le Liban a atteint les huitièmes, éliminé par le Tadjikistan (2-1, 23/01/2024). Ce parcours, meilleur résultat historique en Coupe d’Asie, montre une capacité à rivaliser avec des équipes de niveau moyen (Chine 81e, Tadjikistan 99e), mais pas avec les élites (Qatar 37e).
Avant le troisième tour, aucun match amical n’est documenté en 2024 hors qualifications, un vide révélateur des contraintes logistiques. Historiquement, le Liban a rarement brillé contre les cadors asiatiques : sur 10 matchs au troisième tour en 2022, il a récolté 6 points (2 nuls, 8 défaites).
Les matchs décisifs à l’horizon
Puisque le Liban est éliminé des qualifications pour 2026 au troisième tour, examinons les matchs joués et leur impact. Au deuxième tour, les affrontements contre l’Australie (0-2, 0-5) ont scellé son sort, montrant l’écart avec les favoris. Les nuls contre la Palestine (0-0, 0-0) et le point arraché au Bangladesh (1-1) ont tenu l’espoir, mais la victoire tardive contre le Bangladesh (4-0) n’a pas suffi.
Le calendrier du troisième tour (septembre 2024 – juin 2025), avec 10 matchs par groupe, ne concerne plus le Liban. Pour comparaison, dans le groupe B actuel, les matchs clés comme Corée du Sud vs Irak ou Jordanie vs Oman définissent les qualifiés. Le Liban, s’il avait atteint ce stade, aurait dû viser des points contre Oman (victoire 1-0 en 2019) ou le Koweït (2-1 en 2014), mais ses défaites récurrentes contre les gros (ex. 4-0 vs Corée en 2021) auraient limité ses chances.
Les problèmes de budget : une lutte quotidienne
Le Liban traverse une crise économique depuis 2019, l’une des pires au monde selon la Banque Mondiale. La livre libanaise a perdu plus de 95 % de sa valeur, l’inflation a atteint 206 % en 2023, et 82 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (ONU, 2024). Dans ce contexte, la Fédération Libanaise de Football (LFA) ne reçoit aucun soutien gouvernemental, contrairement à des nations comme l’Irak ou la Jordanie, où les États financent partiellement leurs équipes.
Les revenus de la LFA proviennent des primes FIFA/AFC et des droits TV locaux, mais ils sont minimes. En 2022, le troisième tour a rapporté environ 150 000 dollars (primes par match), une somme dérisoire face aux coûts logistiques. Les clubs domestiques, comme Al-Ahed (champion AFC Cup 2019), dépendent de mécènes privés, mais leurs fonds ne soutiennent pas directement la sélection.
Des préparatifs entravés
Le manque de budget limite les préparatifs. Aucun stage d’entraînement n’a été organisé en 2024 avant le troisième tour, contrairement à des nations comme la Corée du Sud, qui s’entraîne en Europe. Les matchs amicaux sont rares : en 2023, seuls deux sont documentés (2-1 vs Émirats, 1-0 vs Inde), reflétant une incapacité à financer des rencontres régulières.
L’instabilité politique et sécuritaire force le Liban à jouer sur terrain neutre. Depuis 2020, les matchs à domicile se disputent souvent à Sharjah (EAU) ou Doha (Qatar), car le stade Camille Chamoun de Beyrouth ne répond pas toujours aux normes AFC (ex. éclairage, sécurité). Ces déplacements coûtent cher – vols, hôtels – et épuisent un budget déjà maigre.
Les sponsors privés, comme des entreprises alimentaires locales, offrent un soutien sporadique, mais leur contribution est limitée par la crise. La diaspora libanaise (14 millions vs 6 millions au pays, ONU) a organisé des collectes – par exemple, 20 000 dollars en 2022 au Canada – mais ces fonds ne remplacent pas un financement stable.
La FIFA et l’AFC versent des primes : environ 10 000 dollars par match au deuxième tour, soit 60 000 dollars pour le Liban en 2023-2024. Ces montants, confirmés par les rapports financiers AFC, couvrent à peine les salaires et les déplacements. Sans investisseurs majeurs, la LFA reste prisonnière d’un cercle vicieux financier.
Le Liban a-t-il une chance de se qualifier ?
Le Liban n’a jamais atteint la Coupe du Monde. En 2014, il a brillé au troisième tour avec une victoire 2-1 contre la Corée du Sud, mais a terminé cinquième (5 points) derrière l’Iran et l’Ouzbékistan. En 2022, il a récolté 6 points (nuls vs Émirats et Syrie), finissant quatrième derrière la Corée et l’Irak. En 2026, ses 6 points au deuxième tour l’ont exclu du troisième, un échec récurrent face aux exigences du niveau supérieur.
Comparé aux actuels leaders du groupe B (Corée 22e, Irak 55e), le Liban (112e) est distancé. Ses performances historiques – 2 victoires en 20 matchs au troisième tour depuis 2000 – montrent une incapacité à rivaliser avec les favoris asiatiques.
Les joueurs clés actuels
Hassan Maatouk, capitaine depuis 2009, est le pilier avec 91 buts en 121 sélections (février 2025, FIFA). À 37 ans, il reste le meilleur buteur, mais son influence décline (1 but au deuxième tour 2024). Bassel Jradi (Bangkok United, 6 buts en 26 capes), Hilal El-Helwe (Al-Faisaly, Jordanie) et Rabih Ataya (Nejmeh) forment le noyau, mais aucun n’a l’impact d’un star internationale. L’effectif manque de profondeur et de jeunes talents affirmés.
Une qualification hors d’atteinte
Au 3 mars 2025, le Liban est éliminé des qualifications pour 2026, bloqué au deuxième tour. Son groupe difficile, ses finances exsangues et son effectif limité ont scellé son sort. Historiquement, il n’a jamais dépassé les 6-7 points au troisième tour, loin des 15-20 nécessaires pour une qualification directe. Même les barrages, via une hypothétique troisième place, auraient été un Everest. Le rêve s’arrête là, mais la passion reste vive pour un pays où le football est un refuge.