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Les jeunes et le chômage au Liban : une génération sacrifiée

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Le Liban fait face à l’une des crises économiques les plus graves de son histoire moderne, avec des conséquences dévastatrices sur l’emploi des jeunes. La génération qui entre sur le marché du travail au cours de ces dernières années est confrontée à des taux de chômage exceptionnellement élevés, des conditions économiques défavorables et des perspectives d’avenir extrêmement limitées. Ce phénomène menace non seulement la stabilité sociale et économique du pays, mais aussi la pérennité de sa main-d’œuvre

Le Liban est confronté à une combinaison de crises : économique, sociale et financière. Depuis 2019, le pays a vu son produit intérieur brut (PIB) chuter de plus de 58 %, tandis que la livre libanaise a perdu plus de 98 % de sa valeur par rapport au dollar américain. Cette crise est le résultat de décennies de mauvaise gestion économique, de corruption, et de dépendance excessive aux importations et au secteur bancaire.

Le marché du travail libanais a toujours eu des fragilités structurelles, mais la crise actuelle a accéléré l’érosion des opportunités d’emploi, en particulier pour les jeunes, qui représentent près de 30 % de la population active.

Le taux de chômage des jeunes : une statistique alarmante

Le taux de chômage des jeunes au Liban a atteint des niveaux sans précédent. Selon une étude de la Banque mondiale, plus de 50 % des jeunes de moins de 25 ans sont actuellement sans emploi. Ce taux de chômage des jeunes est l’un des plus élevés du monde, bien au-dessus de la moyenne mondiale qui est d’environ 14 %. Ce chiffre reflète l’effondrement de l’économie libanaise et l’incapacité du marché du travail à absorber les nouvelles générations de travailleurs.

IndicateurValeur
Taux de chômage des jeunes50 %
Taux de chômage national35 %
Proportion de la jeunesse dans la population active30 %
Déclin du PIB (depuis 2019)58 %
Dévaluation de la livre libanaise98 %

Comparaison régionale du chômage des jeunes

La situation varie selon les régions, mais le Nord-Liban et la Békaa sont les zones les plus affectées, avec des taux de chômage des jeunes dépassant les 60 %. Beyrouth, bien que légèrement mieux lotie, reste dans une situation critique avec un taux de chômage des jeunes proche de 45 %.

RégionTaux de chômage des jeunes (%)
Beyrouth45 %
Mont-Liban50 %
Nord-Liban60 %
Békaa62 %
Sud-Liban58 %

Les causes du chômage des jeunes au Liban

1. Effondrement du secteur privé

Le secteur privé libanais, autrefois moteur de la croissance économique, a subi un effondrement massif depuis le début de la crise. Environ 25 % des entreprises libanaises ont fermé leurs portes, et celles qui restent en activité ont réduit leur main-d’œuvre pour survivre. Les secteurs clés comme le tourisme, la finance, et l’immobilier, autrefois générateurs d’emplois pour les jeunes, sont aujourd’hui paralysés par l’instabilité économique et politique.

La fermeture des PME, qui employaient une large part des jeunes travailleurs, a particulièrement affecté l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Le secteur des services, qui représentait plus de 70 % de l’économie libanaise, est aujourd’hui en déclin, incapables d’absorber la main-d’œuvre excédentaire.

2. Inefficacité du secteur public

Le secteur public libanais, déjà surchargé, n’a pas la capacité d’embaucher suffisamment pour compenser la destruction des emplois dans le secteur privé. En raison des politiques de gel des recrutements, le secteur public a limité ses embauches malgré une demande croissante d’emplois, exacerbant ainsi le taux de chômage des jeunes.

En outre, la rémunération des employés publics, déjà réduite en raison de l’inflation, est en décalage avec les besoins des jeunes diplômés. Avec un salaire mensuel médian dans la fonction publique qui tourne autour de 1,5 million de livres libanaises, soit moins de 17 dollars US au taux de change du marché parallèle, les jeunes diplômés se retrouvent incapables de subvenir à leurs besoins de base.

3. L’impact de la fuite des capitaux et de la fuite des cerveaux

La fuite des capitaux a paralysé l’investissement au Liban, tant localement qu’internationalement. Les entreprises ont cessé d’investir dans l’expansion et la création de nouveaux emplois, privant ainsi les jeunes des opportunités nécessaires à leur intégration dans l’économie. Entre 2019 et 2023, le Liban a enregistré une fuite des capitaux estimée à plus de 10 milliards de dollars, contribuant à l’effondrement des investissements privés.

Simultanément, de nombreux jeunes diplômés quittent le pays, entraînant une « fuite des cerveaux ». Plus de 300 000 jeunes Libanais auraient émigré depuis le début de la crise, cherchant des opportunités professionnelles à l’étranger. Cette fuite des talents prive le pays de sa main-d’œuvre la plus qualifiée et compromet encore plus la reprise économique.

4. Problèmes d’adéquation entre l’éducation et le marché du travail

Le système éducatif libanais, bien qu’efficace sur le plan académique, ne forme pas suffisamment les jeunes aux compétences requises par le marché du travail. L’accent est souvent mis sur des disciplines académiques non professionnelles, laissant de côté les compétences pratiques et techniques nécessaires pour répondre aux besoins économiques actuels. Le mismatch entre la formation universitaire et les besoins des entreprises libanaises contribue à maintenir un chômage élevé chez les jeunes diplômés.

Les conséquences économiques et sociales du chômage des jeunes

1. Détérioration du pouvoir d’achat

Avec un taux de chômage des jeunes supérieur à 50 %, une large partie de la jeunesse libanaise ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour participer à l’économie. Cela a entraîné une chute spectaculaire du pouvoir d’achat des jeunes, déjà affecté par l’hyperinflation. La consommation des ménages jeunes, qui représentait une part importante de l’économie locale, a chuté de plus de 60 % depuis 2019, amplifiant ainsi la récession.

2. Augmentation des inégalités sociales

Le chômage des jeunes a aggravé les inégalités sociales au Liban. Les jeunes issus de familles aisées ont davantage de possibilités de quitter le pays pour poursuivre des études ou des carrières à l’étranger, tandis que ceux issus de milieux modestes sont piégés dans la pauvreté. Cela crée une polarisation économique, où les inégalités générationnelles et sociales se creusent.

3. Fragilisation de la stabilité sociale

Le chômage élevé des jeunes menace également la stabilité sociale. Une génération désenchantée et sans perspectives risque de devenir une force d’instabilité politique et sociale. Le mécontentement généralisé, exacerbé par la corruption, les crises politiques et la mauvaise gestion, se manifeste dans des vagues de protestations répétées, comme celles observées en 2019 et 2020.

Les solutions proposées pour réduire le chômage des jeunes

1. Diversification économique

La première étape pour résoudre le problème du chômage des jeunes au Liban passe par la diversification de l’économie. Le pays doit cesser de dépendre exclusivement du secteur des services et investir dans des secteurs productifs tels que l’agriculture, l’industrie légère et les technologies numériques. Ces secteurs ont un fort potentiel de création d’emplois pour les jeunes et peuvent réduire la dépendance du Liban aux importations.

2. Encouragement à l’entrepreneuriat

L’encouragement à l’entrepreneuriat est une solution clé pour offrir de nouvelles opportunités aux jeunes. Les jeunes Libanais, souvent éduqués et innovants, peuvent bénéficier de politiques de soutien, telles que des financements spécifiques pour les startups, un meilleur accès aux prêts à faible taux d’intérêt et la simplification des démarches administratives.

3. Réformes du système éducatif

Le système éducatif libanais doit être réformé pour répondre aux besoins du marché du travail. Il est essentiel d’encourager les formations professionnelles, techniques et numériques qui peuvent ouvrir des opportunités dans des secteurs en développement. Les partenariats entre les universités et les entreprises devraient être renforcés pour aligner les compétences des jeunes avec les besoins économiques.

4. Développement de programmes d’insertion professionnelle

Des programmes d’insertion professionnelle, soutenus par le gouvernement et les organisations internationales, pourraient jouer un rôle crucial dans la réintégration des jeunes sur le marché du travail. Cela inclut des stages rémunérés, des formations professionnelles, et des programmes de mentorat pour les jeunes diplômés.

Le chômage des jeunes au Liban représente une crise à multiples facettes, avec des implications économiques, sociales et politiques profondes. Avec un taux de chômage de plus de 50 %, une large part de la jeunesse libanaise est privée de perspectives d’avenir. Pour remédier à cette situation, des réformes structurelles sont indispensables, tant au niveau de la diversification économique que du renforcement de l’éducation et de l’entrepreneuriat. Le soutien international et l’investissement dans des secteurs porteurs peuvent également offrir des solutions durables à cette génération sacrifiée.


Sources :

  1. Banque mondiale, « Youth Unemployment in Lebanon, » 2023.
  2. FMI, « Economic Outlook for Lebanon, » 2024.
  3. Organisation Internationale du Travail (OIT), « Labour Market Trends in the MENA Region, » 2022.
  4. ONU, « Impact of the Economic Crisis on Youth in Lebanon, » 2023.
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Newsdesk Libnanews
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