Dans un contexte de tension croissante au Moyen-Orient, la situation sécuritaire au Liban devient de plus en plus préoccupante. Le ministre français par intérim, Stéphane Séjourné, a récemment exhorté les ressortissants français, en particulier ceux de passage, à quitter le Liban, citant l’instabilité de la région et la disponibilité actuelle des vols commerciaux vers la France.
Cette déclaration, publiée sur Twitter, souligne l’urgence de la situation : “Dans un contexte sécuritaire très volatile au #Liban, nous appelons à nouveau l’attention des ressortissants français, en particulier ceux de passage, sur le fait que des vols commerciaux directs et avec escales vers la France sont encore disponibles.”
Cependant, pour de nombreux binationaux, la décision de partir n’est pas simple. Certains et le nombre n’est pas le moindre choisissent de rester, voire même de revenir auprès des leurs poussés par un sentiment profond de solidarité envers leurs proches restés sur place, ce qui justement irrite les pays ayant appelé au départ de leurs ressortissants, comme les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Canada et aujourd’hui les autorités françaises et pour cause.
Beaucoup en effet font aujourd’hui ce choix. Ce n’est pas par habitude de la guerre, mais justement parce qu’on est déjà passé par cela et qu’on sait de quoi on parle.
Cette situation rappelle en effet des souvenirs douloureux pour ceux qui ont déjà vécu des évacuations antérieures, comme en 1982 et 2006 comme pour moi.
En effet, j’ai été évacué enfant deux fois lors de la guerre de 1982 à l’âge de 5 ans à bord de l’Argens pour être plus précis et a aidé à évacuer des membres de sa famille en 2006 voyant à l’époque les côtes de ce pays s’éloigner avec des bombes qui détonnent au loin sans savoir quand et comment on pourra revenir ayant dans la tête la fameuse chanson de Feyrouz, Li Beirut, prenant un nouveau sens pour moi.
J’ai donc répondu à Stephane Séjourné la chose suivante :
“Mr le ministre, évacué en 1982 laissant mon père chirurgien au Liban à l’âge de 5 ans puis en 2006 pour convoyer mes neveux en France, vous ne pouvez imaginer combien il est difficile de laisser nos proches derrière nous. Nous nous devons d’être présents dans ces moments difficiles et les traverser avec eux. Votre rôle est d’arrêter cette escalade.”
En effet, il est inimaginable de laisser dernière nous nos proches, inimaginable aussi de ne pas pouvoir communiquer avec eux parfois durant des jours et des semaines pensant alors que le pire est peut-être advenu, inimaginable aussi de ne pas partager ces moments durs, de stress avec eux, inimaginable de ne pas être là pour les soutenir, les épauler.
Certes il est normal de mettre « femmes et enfants » en sécurité, mais pour autant, quand j’avais 5 ans, je me trouvais être lâche face à un père qui lui avait ce courage d’aller soigner en dépit des bombes qui tombaient autour de lui effectuant le sacerdoce de sa profession quitte à mettre sa propre vie en danger.
J’ai refoulé beaucoup de souvenirs assez longtemps, jusqu’à ce qu’ils reviennent comme un boomerang et cela me pousse aussi aujourd’hui dans mes choix.
Pour les familles concernées, il ne s’agit en effet pas simplement de choisir entre la sécurité et le danger, mais de peser l’impact émotionnel et moral de quitter ceux qu’elles aiment derrière elles.
Pour ceux qui ont des attaches profondes au Liban, l’idée de partir, même temporairement, est une décision déchirante.
Il est donc essentiel que la diplomatie s’efforce de trouver des solutions pour éviter que ces dilemmes ne deviennent encore plus fréquents dans un monde déjà en proie à de nombreuses crises, d’autant plus que le départ des binationaux et des autres ressortissants étrangers pourrait aussi amener à ce que les témoignages des exactions subies par les populations deviennent invisible face à toute l’horreur des guerres.
Ces demandes de départs – si elles sont légitimes en vue de protéger des vies – cachent aussi un objectif d’invisibiliser la souffrance dans l’espace médiatique de ces pays faute de témoins présents et de rallonger encore une fois un conflit dont on se serait bien passé.