Un message clair de l’Arabie saoudite au Liban
Depuis plusieurs années, les relations entre l’Arabie saoudite et le Liban connaissent des tensions croissantes, principalement en raison du rôle du Hezbollah dans la politique libanaise. Alors que Beyrouth espère obtenir un soutien économique des pays du Golfe pour relancer son économie en crise, Riyad conditionne toute aide à une réduction significative de l’influence du Hezbollah sur l’État libanais. Un haut responsable saoudien, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a récemment réitéré cette position en affirmant que l’Arabie saoudite ne débloquera aucune assistance tant que le Hezbollah conservera un rôle central dans les affaires politiques et sécuritaires du Liban.
Le message est sans équivoque : Riyad refuse de financer un État où le Hezbollah, allié de l’Iran, continue de dominer la scène politique et d’influencer les grandes décisions nationales. Selon ce responsable, « l’Arabie saoudite a toujours soutenu le peuple libanais, mais nous ne pouvons pas investir dans un pays contrôlé par une organisation qui sert les intérêts d’une puissance étrangère ».
Ce positionnement s’inscrit dans une dynamique plus large d’opposition entre l’Arabie saoudite et l’Iran, dont le Liban est devenu l’un des principaux théâtres d’affrontement indirect. Pour Riyad, toute aide financière sans contrepartie politique reviendrait à renforcer un système dans lequel le Hezbollah continue d’exercer son influence sur les institutions, compromettant ainsi les efforts de stabilisation et de redressement du pays.
Alors que le Liban cherche désespérément des fonds pour éviter un effondrement économique total, cette exigence place Beyrouth dans une position délicate. Le gouvernement libanais doit choisir entre maintenir l’équilibre des forces internes en intégrant le Hezbollah dans le pouvoir ou répondre aux attentes de ses partenaires internationaux en limitant l’influence du parti chiite.
Un soutien conditionné à des réformes structurelles
L’Arabie saoudite ne se contente pas d’exiger une réduction du rôle du Hezbollah : elle demande également des réformes profondes pour garantir la transparence de l’aide économique et éviter qu’elle ne soit détournée au profit de groupes politiques ou confessionnels. L’une des principales préoccupations de Riyad est la lutte contre la corruption et la gestion opaque des finances publiques qui caractérisent le Liban depuis des décennies.
Les autorités saoudiennes veulent s’assurer que toute aide accordée au Liban bénéficiera directement au peuple et ne sera pas exploitée pour financer des groupes armés ou des intérêts partisans. « Nous voulons aider, mais nous ne pouvons pas soutenir un système qui ne protège pas son propre peuple et qui permet à une faction de dicter les politiques de l’État », a insisté le haut responsable.
Le FMI et d’autres bailleurs internationaux partagent cette préoccupation. Ils conditionnent eux aussi leur soutien à la mise en place de réformes structurelles, notamment en matière de gouvernance économique, de contrôle des institutions financières et de gestion du secteur bancaire. Cependant, les blocages politiques internes rendent ces réformes difficiles à appliquer, ce qui freine l’arrivée d’aides étrangères indispensables pour relancer l’économie libanaise.
En exigeant ces réformes, l’Arabie saoudite ne se positionne pas uniquement en acteur économique, mais également en arbitre politique. Elle envoie un message clair aux dirigeants libanais : tant que le Hezbollah conservera une influence dominante et que la corruption gangrènera les institutions, aucune aide substantielle ne sera accordée.
L’impact de cette position sur le paysage politique libanais
L’annonce saoudienne renforce les divisions déjà profondes au sein de la classe politique libanaise. Certains partis, notamment ceux de l’opposition chrétienne et sunnite, voient dans cette position une opportunité pour limiter l’emprise du Hezbollah et rééquilibrer le pouvoir. D’autres, en revanche, dénoncent une ingérence étrangère dans les affaires libanaises et considèrent cette condition comme une pression politique visant à affaiblir une partie de la population.
Le Hezbollah, par la voix de plusieurs de ses représentants, a rejeté en bloc ces exigences, affirmant que « le Liban n’a pas à se plier aux volontés d’acteurs étrangers et que l’aide internationale ne doit pas être un outil de chantage politique ». Le parti chiite considère que cette condition vise à servir les intérêts américains et israéliens, en cherchant à affaiblir la « résistance » contre les menaces extérieures.
Cette confrontation met en difficulté le gouvernement libanais, qui tente de trouver un équilibre entre ces deux pôles antagonistes. D’un côté, il a besoin du soutien des pays du Golfe pour relancer son économie et restaurer la confiance des investisseurs. De l’autre, il doit composer avec un Hezbollah solidement ancré dans l’appareil d’État et soutenu par une partie de la population.
Les alliances politiques se recomposent progressivement en fonction de cette équation. Certains partis prônent une position plus conciliante avec Riyad, espérant débloquer une aide économique indispensable. D’autres refusent toute concession, considérant que le Liban ne doit pas céder à des pressions extérieures. Cette polarisation rend encore plus complexe la formation d’un gouvernement capable de prendre des décisions audacieuses pour sortir le pays de l’impasse.
Quelles perspectives pour l’aide saoudienne au Liban ?
À court terme, l’Arabie saoudite ne semble pas disposée à assouplir ses conditions. Tant que la structure politique libanaise ne connaîtra pas de changements significatifs et que le Hezbollah restera un acteur incontournable du pouvoir, Riyad continuera de limiter son engagement financier.
Le Liban peut-il se passer de cette aide ? La réponse est incertaine. Si d’autres partenaires internationaux, comme la France ou le Qatar, tentent de jouer un rôle de médiation pour débloquer la situation, le soutien économique des pays du Golfe reste crucial pour stabiliser l’économie libanaise. Sans cette assistance, la crise monétaire risque de s’aggraver et d’entraîner une détérioration encore plus rapide des conditions de vie des Libanais.
Une alternative pour Beyrouth serait de chercher un compromis, en mettant en place certaines réformes économiques et en limitant la présence du Hezbollah dans certains ministères stratégiques. Toutefois, cette solution nécessiterait une négociation interne délicate, car elle se heurterait à la résistance des alliés du Hezbollah et à la crainte de voir le pays plongé dans une nouvelle crise politique majeure.
L’avenir des relations entre l’Arabie saoudite et le Liban dépendra donc de la capacité des dirigeants libanais à répondre aux attentes de leurs partenaires internationaux tout en préservant un équilibre interne fragile. Pour l’instant, le message de Riyad est clair : sans un changement politique, aucune aide substantielle ne sera accordée.