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Perspective: Cannabis, Captagon et cartels, le Liban, plaque tournante du narcotrafic au Moyen-Orient ?

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Un fléau en pleine expansion

Le trafic de drogue au Liban a pris une ampleur inquiétante au fil des décennies, s’imposant comme un enjeu majeur tant sur le plan sécuritaire qu’économique. Si le pays a toujours été une plaque tournante du commerce illégal en raison de sa position stratégique au carrefour du Moyen-Orient, l’effondrement économique et l’instabilité politique ont contribué à renforcer l’essor du narcotrafic.

Loin d’être un simple problème de criminalité, ce phénomène s’apparente désormais à une économie parallèle qui profite à de nombreux acteurs, y compris des clans familiaux, des réseaux transnationaux et même des factions politiques. La question qui se pose est donc de savoir si ce trafic est avant tout un problème criminel à éradiquer ou une activité devenue essentielle à la survie économique de certaines régions du Liban.

Le Liban, un acteur majeur du narcotrafic régional

Le pays est depuis longtemps un producteur et exportateur de drogues, en particulier du cannabis, qui pousse abondamment dans la plaine de la Bekaa. Cette région montagneuse est un véritable bastion du narcotrafic, où la culture du cannabis s’est développée au fil des décennies, encouragée par un climat propice et une absence de contrôle étatique.

Le Liban est reconnu comme l’un des principaux producteurs de résine de cannabis au monde. Le célèbre « haschisch libanais » est exporté clandestinement vers de nombreux pays, notamment en Europe, dans le Golfe et en Afrique du Nord. Cette production lucrative génère des millions de dollars chaque année, ce qui en fait une source de revenus capitale pour les cultivateurs et les intermédiaires qui opèrent dans l’ombre.

Au-delà du cannabis, le Liban est également impliqué dans la fabrication et le trafic de Captagon, une drogue de synthèse extrêmement prisée dans les pays du Golfe. Cette substance, surnommée « la drogue des djihadistes », est produite dans des laboratoires clandestins disséminés sur le territoire libanais, avant d’être acheminée vers l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres États du Moyen-Orient.

Une économie parallèle qui profite à de nombreux acteurs

L’essor du narcotrafic au Liban ne s’explique pas seulement par l’absence de contrôle des autorités, mais aussi par les intérêts économiques colossaux qu’il génère. Dans un pays en crise, où la monnaie s’est effondrée et où le chômage explose, le commerce de la drogue représente pour certains une opportunité de survie.

Les cultivateurs de la Bekaa, en particulier, justifient souvent leur activité par l’absence d’alternatives économiques. Beaucoup d’entre eux affirment qu’ils continueraient volontiers à cultiver des produits légaux si l’État leur offrait des compensations ou des projets de substitution. Mais dans un pays où les subventions agricoles sont quasi inexistantes et où l’État est incapable de proposer des solutions de rechange, le cannabis et le Captagon restent les seules options rentables pour des milliers de familles.

Le narcotrafic bénéficie également de complicités politiques et sécuritaires. Certains clans tribaux de la Bekaa jouissent d’une relative impunité, profitant d’un accord tacite avec certains responsables politiques qui ferment les yeux sur leurs activités en échange d’un soutien électoral ou financier. Des enquêtes ont révélé l’existence de réseaux impliquant des personnalités influentes, qui facilitent l’exportation de drogues via des circuits clandestins.

Un casse-tête pour l’État et un enjeu international

Le gouvernement libanais est confronté à un dilemme de taille face à cette situation. D’un côté, il subit des pressions internationales croissantes pour réprimer le narcotrafic, notamment de la part de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, qui dénoncent l’afflux de Captagon en provenance du Liban. Ces pays ont plusieurs fois suspendu leurs échanges commerciaux avec Beyrouth en guise de représailles, ce qui a contribué à aggraver encore davantage la crise économique libanaise.

D’un autre côté, les forces de sécurité libanaises peinent à contenir le phénomène, faute de moyens et de coordination. Chaque opération visant à démanteler des réseaux criminels dans la Bekaa ou dans certaines banlieues de Beyrouth s’accompagne de violents affrontements, mettant en péril la stabilité de certaines régions.

Dans ce contexte, certaines voix appellent à une légalisation contrôlée du cannabis, une mesure qui pourrait permettre de réguler le marché et d’en tirer des revenus fiscaux considérables. Une telle réforme, déjà adoptée par certains pays, offrirait une alternative aux cultivateurs tout en réduisant l’emprise des réseaux criminels sur cette industrie.

Une solution possible : réprimer ou encadrer ?

Le débat sur le narcotrafic au Liban oscille entre deux approches opposées. Certains estiment que seule une répression ferme permettra de mettre fin à ce fléau, en menant des opérations de grande envergure contre les cultivateurs et les trafiquants. Cette approche, défendue par plusieurs puissances étrangères, vise à restaurer l’image du Liban sur la scène internationale et à limiter les sanctions économiques imposées par certains pays.

D’autres plaident pour une approche plus pragmatique, qui passerait par une légalisation encadrée du cannabis, accompagnée de programmes de reconversion pour les agriculteurs. Cette stratégie permettrait d’insérer le commerce du cannabis dans une filière contrôlée, réduisant ainsi les risques liés au crime organisé tout en générant des recettes fiscales importantes.

Quel que soit le choix du gouvernement libanais, une chose est certaine : le narcotrafic est devenu une réalité incontournable, qui façonne à la fois l’économie, la politique et les relations internationales du pays. Tant que l’État restera faible et incapable d’offrir des alternatives viables, la drogue continuera d’être une économie de survie pour des milliers de Libanais, alimentant un cercle vicieux difficile à briser.

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Newsdesk Libnanews
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