Produits de protection solaire : le vrai et le faux

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Céline Couteau, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Université de Nantes

L’utilisation d’un produit de protection solaire (PPS) ne relève pas d’un souci esthétique, mais bien d’un enjeu de santé publique tant les dommages dus à une exposition excessive au soleil sont graves. Pour faire un choix en toute connaissance de cause, voici tout d’abord quelques conseils.

Les règles de base

Un PPS doit être choisi en fonction du phototype du sujet (capacité à « brûler » ou à l’inverse à développer « un bronzage protecteur ») et en fonction du niveau d’ensoleillement. Il faudra pour ce faire s’enquérir de la météo afin de connaître l’index UV.

Proposer un patch connecté comme celui des laboratoires La Roche Posay mis sur le marché sous le nom de « My UV Patch » est une bonne idée pour connaître la dose d’UV reçue, en temps réel, où que l’on soit. Pour les sujets qui ne développent pas de bronzage protecteur, des PPS très hautement protecteurs s’imposent lors des expositions solaires.

Bronzer oui, mais protégé.
Jerome Strauss/Flickr, CC BY-NC-ND

Les idées à combattre

  • Un PPS doit être appliqué 20 minutes avant l’exposition solaire. FAUX. Le PPS est efficace dès son application sur la peau.
  • Il faut faire pénétrer le produit dans la peau pour obtenir une action optimale. FAUX. La formule doit, au contraire, rester le plus possible à la surface de la peau afin de protéger les cellules cutanées.
  • Un film blanc opaque est garant d’une très haute protection. FAUX. Les filtres inorganiques ou minéraux de taille pigmentaire qui, une fois incorporés dans un excipient, laissent un film blanc sur la peau (ce que l’on appelait autrefois l’effet « masque de Pierrot ») sont inefficaces.
  • Les PPS « tout minéral » ou « biologiques » doivent être conseillés pour la protection des enfants. FAUX. Ces produits ne sont à conseiller à personne. Si la réduction de la taille des particules (formes nanoparticulaires) a permis d’augmenter le niveau d’efficacité des PPS en contenant, ils ne peuvent, toutefois, à eux seuls, être l’équivalent en matière de protection d’un mélange composé de 5 ou 6 filtres UV.
  • La forme galénique du produit (eau, gel, huile, émulsion sprayable, crème, stick) est sans influence sur le niveau d’efficacité atteint. FAUX. Pour un mélange filtrant, la protection assurée sera différente selon l’excipient choisi. Les formes liquides (eaux, huiles) et fluides (gels, émulsions sprayables) ne conviendront pas si l’on souhaite atteindre un très haut niveau de protection. Si l’on souhaite être hautement protégé, il faut utiliser une crème de texture épaisse. L’efficacité est proportionnelle à la quantité de produit présent sur la peau.
  • On ne trouve pas d’ingrédients à caractère anti-inflammatoire dans les PPS. FAUX. Les filtres UV autorisés par la Réglementation Européenne possèdent, dans la grande majorité des cas, un caractère anti-inflammatoire marqué. Celui-ci permet de masquer l’érythème solaire alors même que les filtres ne sont plus protecteurs du fait de leur dégradation par les UV. Par ailleurs, certaines molécules (bisabolol, allantoïne) ou extraits végétaux (extrait de réglisse, de Pongamia, de thé…) sont ajoutés aux formules pour inhiber la formation de l’érythème.

Une formule à examiner à la loupe

Afin de se faire une idée du niveau d’efficacité du PPS choisi, il convient de lire attentivement la liste des ingrédients. Les filtres UV doivent être d’autant plus nombreux que l’indice est élevé. Ils doivent être en concentration suffisante. Plus ils sont placés haut dans la liste des ingrédients, plus le niveau d’efficacité sera élevé.

Il existe une liste des filtres autorisés dans l’Union européenne. Le
tableau suivant présente les principaux :

Principaux filtres UV autorisés en Europe.
Céline Couteau et Laurence Coiffard, Author provided

Ces filtres présentent des niveaux d’efficacité très variables. Par exemple, l’homosalate incorporé à 8 % dans une émulsion ne permet d’obtenir qu’un SPF de 4 alors que la bis-éthylhexyloxyphénol méthoxyphényl triazine permet d’atteindre à 10 % un SPF de 20. Afin d’atteindre un SPF supérieur ou égal à 50, il faudra donc réaliser une association de différents filtres UV.

Des ingrédients à proscrire

L’alcool est un solvant fréquemment utilisé dans les PPS. Sa présence est inopportune. Il s’agit, en effet, d’un exhausteur de pénétration (il peut favoriser la pénétration des filtres UV dans la peau ce qui n’est évidemment pas souhaitable). Les huiles végétales riches en acide oléique ne sont pas non plus les bienvenues dans les PPS. Certaines huiles exotiques au capital sympathie important ne devraient pas trouver place dans les PPS.

L’huile des graines du baobab doit être proscrite en protection solaire.
Ton Rulkens/Flickr, CC BY-SA

On peut citer le cas d’Adansonia digitata, nom botanique du baobab ou arbre à palabre, un arbre africain majestueux et emblématique. L’huile extraite de ses graines est riche en vitamines A, E et D3. On lui prête des propriétés anti-âge et cicatrisantes. Notons également que cette huile est riche en acide oléique (un acide gras mono-insaturé possédant 18 atomes de carbones). On en retrouve entre 30 et 42 % dans les huiles du commerce. Ceci est un inconvénient dans le cas précis des produits de protection solaire. En effet, on souhaite exercer une action locale. Les filtres doivent rester en surface pour exercer leur action et non pas pénétrer au travers des différentes couches cutanées. Dans le domaine médical, l’acide oléique est connu depuis bien longtemps pour sa capacité à augmenter le passage transdermique d’un certain nombre de principes actifs. Pour toutes ces raisons, l’huile de baobab ne constitue pas un ingrédient de choix pour la formulation des produits de protection solaire.

Certains extraits végétaux à caractère photosensibilisant sont, bien sûr, à proscrire. Le scandale de l’affaire Bergasol reste encore dans la mémoire de bons nombres d’entre nous. Cette affaire qui a abouti à l’interdiction des psoralènes dans les PPS doit nous servir de leçon. Des végétaux tels que le millepertuis (Hypericum perforatum) ou bien l’angélique (Angelica archangelica) ne devraient pas être retrouvés dans les PPS.

On l’aura compris : dans le domaine de la photoprotection topique, le choix d’un PPS ne doit pas résulter de l’impulsion. Une texture légère et fluide n’augure pas d’un effet protecteur important. Une formule simple, riche en filtres UV et ne contenant ni alcool, ni extraits végétaux est à privilégier. Une application en couche épaisse sur les zones découvertes, une application renouvelée toutes les deux heures associée au port d’un chapeau et de lunettes solaires sont à conseiller. Loin de toute polémique, il faut garder à l’esprit que l’utilisation d’un PPS relève d’une démarche de santé publique, et qu’il faut proposer aux consommateurs des produits performants, d’une totale innocuité.

Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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