Syrie-Israël : des contacts sécuritaires discrets en cours

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Ouverture d’un canal inédit depuis 2011

Des échanges sécuritaires inédits ont eu lieu entre responsables syriens et israéliens dans le but de prévenir une nouvelle escalade sur le plateau du Golan. Ces contacts, rendus publics récemment, représentent la première communication bilatérale structurée depuis le début du conflit syrien en 2011. Ils sont conduits sous la supervision d’Ahmad al-Dalati, gouverneur nouvellement nommé de la province de Quneitra, région frontalière hautement stratégique.

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Selon les informations disponibles, les discussions auraient été amorcées discrètement via des intermédiaires sécuritaires régionaux, dans un lieu non précisé. Le format de ces rencontres reste informel, sans statut diplomatique officiel. Les deux parties auraient convenu d’un cadre de contact bilatéral axé uniquement sur des sujets de sécurité, sans ouvrir la voie à une quelconque reconnaissance politique ou engagement diplomatique.

Ce développement intervient dans un contexte de pressions diplomatiques croissantes, notamment américaines, en faveur d’une désescalade sur les théâtres de tension régionale. Les États-Unis cherchent à contenir les ramifications du conflit de Gaza, à travers une stabilisation des fronts périphériques, dont celui du Golan constitue un point névralgique.

Le rôle stratégique de Quneitra

Le choix d’Ahmad al-Dalati pour piloter ces contacts reflète une approche tactique du pouvoir syrien. Ancien cadre des renseignements militaires, il dispose d’une connaissance précise des équilibres sécuritaires du Sud syrien. Sa nomination à Quneitra pourrait être interprétée comme une réponse aux sollicitations extérieures pour mettre en place une gouvernance locale capable d’interagir avec les puissances régionales.

Les discussions porteraient notamment sur la réduction des risques de confrontation directe dans les zones sensibles du Golan, en particulier les points de contact non délimités. Les Israéliens auraient exprimé leur volonté d’éviter toute réactivation de cellules pro-iraniennes dans ces secteurs. La partie syrienne, de son côté, chercherait à préserver une certaine autonomie de décision tout en réduisant l’exposition de ses forces à d’éventuelles frappes ciblées.

Des mesures de coordination ponctuelle auraient été envisagées, notamment en matière d’échange d’informations sur les mouvements non autorisés à la frontière. Il s’agirait d’éviter les erreurs d’interprétation susceptibles de provoquer une spirale militaire incontrôlée.

Pressions américaines et diplomatie en arrière-plan

La reprise de ces contacts s’inscrit dans une stratégie américaine plus large de stabilisation progressive du front syro-israélien. Washington pousserait Damas à s’engager dans une phase de normalisation prudente, en vue d’atténuer l’influence iranienne dans la région. L’option d’un canal de sécurité, limité et non public, semble avoir été validée comme compromis par les deux parties.

Ces initiatives sont soutenues discrètement par certains partenaires régionaux, notamment la Jordanie et les Émirats arabes unis, qui entretiennent des relations avec Tel-Aviv et conservent des canaux de dialogue fonctionnels avec Damas. Le rôle de médiateurs tiers dans l’organisation logistique de ces échanges reste cependant non confirmé publiquement.

Les acteurs occidentaux impliqués misent sur une « diplomatie fragmentée » : plutôt que de viser des accords politiques globaux, ils favorisent la multiplication de micro-accords sécuritaires sur des terrains spécifiques, jugés plus gérables. Le plateau du Golan, du fait de sa sensibilité stratégique et de la présence militaire israélienne constante, apparaît comme un terrain propice à ce type d’expérimentation diplomatique.

Enjeux militaires et limites des négociations

Sur le terrain, la situation reste complexe. L’armée israélienne continue de mener des opérations ponctuelles sur le territoire syrien, visant principalement des dépôts d’armement ou des convois identifiés comme affiliés aux Gardiens de la révolution iraniens. Ces frappes, souvent non revendiquées, s’inscrivent dans une politique de containment qui limite l’installation durable de forces pro-iraniennes.

La réactivation d’un dialogue sécuritaire ne semble pas remettre en cause ces opérations. Toutefois, des canaux d’alerte rapide pourraient être mis en place pour éviter toute escalade accidentelle, en cas de mouvement de troupes mal interprété.

Du côté syrien, la volonté de conserver un minimum de souveraineté militaire dans le sud du pays entre en contradiction avec les demandes sécuritaires israéliennes. C’est sur cette ligne de tension que se joue actuellement la viabilité du dialogue : comment sécuriser les frontières sans donner le sentiment d’une soumission stratégique ? Les négociateurs doivent donc composer avec une équation diplomatique particulièrement sensible.

Répercussions régionales et perceptions politiques

Les premiers échos de ces contacts discrets suscitent des réactions prudentes dans la région. Au Liban, où le dossier du Golan reste lié à la mémoire collective du retrait israélien, les milieux politiques suivent ces évolutions avec circonspection. Des voix s’élèvent pour dénoncer une « normalisation par le bas », qui contournerait les principes d’un règlement global fondé sur la restitution des territoires occupés.

En Syrie, la nouvelle de ces contacts reste peu médiatisée. Le pouvoir central cherche à éviter toute interprétation qui prêterait à confusion ou serait perçue comme une concession politique à Israël. Les autorités semblent vouloir cantonner ces échanges au domaine strictement sécuritaire, sans impliquer de figures civiles ni diplomatiques dans le processus.

L’opinion publique syrienne, largement marquée par la guerre et l’impact des sanctions économiques, semble pour l’instant peu mobilisée sur cette question. Les priorités immédiates restent la reconstruction, la stabilisation économique et la restauration des services publics.

Vers une stabilisation sectorielle ?

Le modèle de contacts sécuritaires entre la Syrie et Israël pourrait inspirer d’autres démarches similaires dans la région. Il repose sur un principe de pragmatisme : éviter la confrontation par la communication technique, sans que cela ne débouche sur une reconnaissance politique.

Ce schéma pourrait trouver un écho dans d’autres zones à haute tension, comme la frontière irako-syrienne ou les confins du Sud libanais. Les chancelleries occidentales observent attentivement les suites de ces échanges, pour évaluer leur potentiel de duplication.

À ce stade, il est encore trop tôt pour juger de leur durabilité. Tout dépendra de la capacité des parties à maintenir un cadre de dialogue minimal, à l’abri des pressions politiques internes et des incidents de terrain. La fragilité du format impose une grande discrétion, mais offre, paradoxalement, une marge de manœuvre inhabituelle pour des négociations souvent figées dans le formalisme diplomatique.