Hier, vendredi 14 mars 2025, le juge d’instruction chargé de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, Tarek Bitar, a interrogé l’ancien brigadier général de la Sûreté générale, Mohammed Hassan Moqled. Cette audition, menée en présence de son avocat et des avocats des parties civiles, s’est conclue par une décision de le libérer sous engagement de résidence, une mesure qui oblige Moqled à rester disponible pour la justice.
Les défenses de forme écartées
Avant de procéder à l’interrogatoire, Tarek Bitar a dû statuer sur les défenses de forme présentées par Mohammed Hassan Moqled. Ces objections, fréquentes dans ce type de procédure pour contester la légalité ou la compétence, ont été rejetées par le juge, qui a maintenu sa décision d’entendre l’ancien officier. Cette étape illustre la volonté de Bitar de faire avancer une enquête ouverte après l’explosion du 4 août 2020, qui a ravagé Beyrouth, faisant plus de 200 morts et des milliers de blessés.
Le rejet de ces défenses souligne l’approche rigoureuse du magistrat face aux multiples tentatives de freiner ses investigations, dans un dossier où les enjeux juridiques et politiques se mêlent étroitement.
Une figure clé sous le feu des questions
Mohammed Hassan Moqled, retraité de la Sûreté générale, s’est retrouvé hier sous le feu des projecteurs judiciaires. Cette institution, chargée de la sécurité intérieure, est l’une des nombreuses entités scrutées dans l’enquête sur la gestion des 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées au port, dont la détonation a provoqué une catastrophe sans précédent au Liban.
La présence de son avocat a assuré le respect des droits de la défense lors de l’audition, tandis que les avocats des parties civiles, représentant les familles des victimes, ont veillé à ce que leurs préoccupations soient prises en compte dans les questions posées à Moqled.
Libération sous condition stricte
À l’issue de l’interrogatoire de vendredi, Tarek Bitar a décidé de libérer Mohammed Hassan Moqled sous engagement de résidence. Cette mesure, qui évite une détention immédiate, contraint l’ancien officier à demeurer à disposition des autorités judiciaires pour d’éventuelles convocations futures. Cette décision reflète une approche équilibrée, permettant à l’enquête de progresser sans exacerber les tensions dans un contexte déjà volatile.
Cependant, cette libération conditionnelle ne clôt pas le chapitre pour Moqled, le juge pouvant le rappeler à tout moment si de nouveaux éléments émergent dans les investigations.
Une nouvelle audience en vue
Le juge Bitar a fixé une prochaine séance au vendredi 21 mars 2025, consacrée à l’audition de plusieurs témoins. Cette étape s’inscrit dans une stratégie visant à éclaircir les responsabilités dans la gestion du port et les circonstances ayant conduit à l’explosion. Les témoignages prévus pourraient apporter des précisions sur les décisions prises par les autorités sécuritaires et administratives avant la tragédie.
Cette annonce montre que l’enquête reste en mouvement, malgré les nombreux obstacles rencontrés depuis son lancement il y a plus de quatre ans.
Un tournant avec le nouveau procureur général
Un changement majeur a récemment facilité les travaux de Tarek Bitar. Le nouveau procureur général de la République, le juge Jamal Hajjar, a annoncé sa coopération avec Bitar, renversant une politique antérieure marquée par des blocages. Sous l’ancien procureur Ghassan Oueidat, l’enquête avait été entravée, notamment par un refus de collaboration des procureurs publics et la libération controversée de 17 détenus en 2023, une décision que Bitar et des experts juridiques avaient qualifiée d’illégale.
Depuis son entrée en fonction, Hajjar a rétabli les échanges entre les procureurs et Bitar, permettant la transmission de documents et une coordination avec les forces de sécurité, un soutien crucial pour faire avancer ce dossier sensible.
Pressions et résistances passées
L’audition de Moqled intervient après des années de turbulences pour Tarek Bitar. Nommé en février 2021 après la récusation de son prédécesseur Fadi Sawan, le juge a été confronté à des plaintes déposées par des responsables visés, des suspensions de ses travaux, et des critiques politiques acerbes. En 2023, Oueidat avait bloqué une tentative de reprise de l’enquête, allant jusqu’à ordonner la libération de suspects, dont des officiels du port, malgré les charges retenues par Bitar.
La coopération instaurée par Hajjar marque ainsi un tournant, offrant au juge une marge de manœuvre accrue pour poursuivre son investigation.
Les victimes au centre de l’audition
Lors de l’interrogatoire d’hier, les avocats des parties civiles ont joué un rôle actif, représentant les intérêts des familles des victimes de l’explosion. Leur présence garantit que les questions posées à Moqled ne se limitent pas à une formalité administrative, mais cherchent à explorer les éventuelles failles ou négligences ayant conduit au drame.
Ces avocats, mandatés pour défendre les droits des proches des défunts et des blessés, considèrent chaque audition comme une opportunité de faire progresser la quête de vérité dans une affaire qui reste un symbole de l’impunité au Liban.
Une enquête sous les regards
La décision de libérer Moqled sous engagement de résidence, prise hier, suscite des réactions contrastées. Si certains y voient une prudence nécessaire dans un climat tendu, d’autres, notamment parmi les familles des victimes, pourraient y percevoir un manque de fermeté face aux responsables présumés. L’audience prévue le 21 mars, avec l’audition de témoins, sera un indicateur clé des progrès réalisés par Bitar.
Plus de quatre ans après l’explosion, les attentes des Libanais restent immenses, dans un pays où la justice est souvent perçue comme influencée par les pouvoirs politiques.
Moqled dans une liste élargie
Mohammed Hassan Moqled n’est pas le seul haut gradé entendu par Tarek Bitar. D’autres responsables militaires, sécuritaires et administratifs ont été interrogés dans cette enquête, qui vise à démêler les responsabilités à différents niveaux de la chaîne de commandement. La Sûreté générale, où Moqled a exercé, fait partie des institutions sous examen pour son rôle dans la surveillance des stocks de nitrate d’ammonium au port.
L’audition d’hier s’ajoute ainsi à un effort plus large pour reconstituer les faits et identifier les failles ayant permis une telle catastrophe.
Une procédure encadrée avec soin
L’interrogatoire de vendredi s’est déroulé dans un cadre strictement réglementé. La présence de l’avocat de Moqled et des représentants des parties civiles a assuré un équilibre entre les droits de la défense et la recherche de la vérité. La décision de Bitar de rejeter les défenses de forme et de programmer une nouvelle audience témoigne d’une approche méthodique, malgré les pressions exercées par certains cercles pour ralentir ou détourner l’enquête.
Ce développement, soutenu par la coopération du nouveau procureur général, est suivi de près dans un Liban où la confiance dans le système judiciaire reste fragile.