C’était un atelier de travail très intéressant. L’animatrice était venue spécialement de Rome pour nous aider à traiter des questions de genre dans le secteur forestier au Liban.

Nous étions en train de discuter écarts entre hommes et femmes, biodiversité, réduction de la pauvreté, reboisement, et surtout égalité des sexes qui est primordiale pour le monde du travail. Chacun/e apportait son expérience, son point de vue, qu’il/elle partageait avec l’ensemble du groupe.

Nous étions divisés en sous-groupes et du coup j’ai entamé la discussion avec une autre participante, explorant avec elles les facettes du sujet. Chacune demandait à l’autre d’où elle venait, tout en explorant nos expertises professionnelles et nos vies personnelles tellement différentes.

Et puis, soudain, elle m’a demandé : ” Tu n’es PAS mariée ?”
“Je ne suis pas mariée”, ai-je répondu.
J’eus droit à cette très longue fraction de seconde où mon interlocutrice marque une pause après ce qu’elle a entendu. C’était comme si je lui avais raconté que mon gagne-pain consistait à jouer aux cartes Pokémon.
Elle a ajouté : “Ah.” Et puis elle s’est éloignée, me laissant seule et interdite.
Sur le moment, je me suis contentée de hausser les épaules. Je suis retournée auprès d’une collègue en leur racontant l’histoire et nous en avons ri.
En rentrant chez moi, je réalisais que ce “ah” était en fait un apitoiement à peine voilé, teinté d’inquiétude : « Elle n’est pas mariée ? C’est quoi, son problème ? »
J’aurais voulu lui dire qu’être célibataire n’est pas terrible.
C’est dur parfois, oui. Mais ce n’est pas la pire chose au monde. Ce n’est pas aussi grave que d’être dans la mauvaise relation.
Au début de la trentaine, j’ai été dans une relation terrible et j’ai été complètement secouée par la peur. Je me demandais comment ça allait, ce qu’il pensait et ce qu’il voulait dire quand il a dit cela. Je passerais une belle journée et une dispute avec lui me mènerait à une chute libre totale.
Maintenant, je me sens plus légère et tellement plus heureuse. J’espère toujours rencontrer quelqu’un de spécial, mais je sais aussi que tout ira bien si je ne le fais pas. Ma vie est mienne, totalement mienne et c’est fou le pouvoir que ça donne quand j’y pense !
Je ne dis pas qu’il n’y a pas de jours difficiles, aussi les nouvelles rencontres peuvent être brutales avec beaucoup difficultés à franchir ce qui peut être assez épuisant que certains jours l’envie d’essayer de trouver « The one » m’abandonne.

Quand j’ai recommencé à sortir, au début, j’étais horrifiée par l’état des hommes. J’ai eu des « dates » comiques et d’autres horribles ! Je commençais à m’inquiéter.
Mais ensuite, j’ai appris à éviter les fous et sort les rendez-vous sont devenues vraiment très amusantes.
J’ai fait la connaissance de tellement de personnes intéressantes que je n’aurais jamais rencontrées autrement. Ces « dates » donnent l’occasion d’avoir un aperçu de la vie de quelqu’un et c’est génial quelques fois.
De plus, j’ai arrêté de m’inquiéter et je me suis concentrée sur moi et ma propre vie et sur ce que je voulais faire et maintenant j’aime beaucoup être célibataire ! J’aime mon travail et je prends plaisir à ce que je fais tous les jours.
Ma famille est là pour moi, toujours. J’ai des amis fidèles sur qui compter et qui peuvent compter sur moi et je me sens aimée.
Je suis heureuse et j’ai vraiment du mal à accepter l’image négative que certains paraissent voir en moi et j’aimerais vraiment vivre dans une société qui cesse de me dire ce qui manque à mon bonheur !

Bouchra Doueihi
Avocate à la cour, humaniste et adepte de la course de fond, cofondatrice de l’association Libanaise Women in Law Power –WILPower qui promeut le développement professionnel des femmes juristes, avocates, et étudiantes en droit au Moyen-Orient et dans la région du Golfe

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