Quel spectacle grandiose nous offre le monde en ce début d’avril 2025 ! Si vous aviez prédit, disons, il y a dix ans, que les États-Unis, bastion autoproclamé du capitalisme triomphant, se replieraient dans une coquille protectionniste digne d’un bunker de la Guerre froide, pendant qu’une Chine communiste – oui, communiste, avec faucille, marteau et tout le tralala – se dresserait en chevalier blanc du libre-échange, on vous aurait ri au nez. Peut-être même interné. Mais voilà, nous y sommes, et le script de cette tragicomédie géopolitique est signé Donald Trump, avec un twist que même Hollywood n’aurait pas osé pitcher.
Le 2 avril 2025, dans le jardin des roses de la Maison-Blanche – un lieu qui, ironiquement, n’a jamais autant fleuri de piquants –, le 47e président des États-Unis a dévoilé son grand œuvre : une salve de droits de douane si massifs qu’ils feraient passer les murailles de la Grande Dépression pour une clôture de jardin. Un tarif de base de 10 % sur toutes les importations, avec des bonus spéciaux pour les « pires offenders » : 20 % pour l’Union européenne, 34 % pour la Chine, 46 % pour le Vietnam, et une litanie d’autres taux punitifs pour une soixantaine de pays qui ont eu le malheur de ne pas saluer assez bas l’étendard étoilé. Trump appelle ça le « Jour de la Libération ». Libération de quoi, demandez-vous ? De la logique économique, apparemment, et de toute forme de cohérence historique.
Et pendant que l’Oncle Sam brandit ses taxes comme un gourdin, la Chine, cette même Chine qui, il y a un demi-siècle, fermait ses portes au monde sous Mao, se drape aujourd’hui dans le manteau soyeux du multilatéralisme. Pékin exhorte à « annuler immédiatement les droits de douane unilatéraux » et appelle à un « dialogue équitable ». Oui, vous avez bien lu : un régime qui censure Internet, emprisonne les dissidents et planifie son économie au millimètre près nous donne des leçons de commerce ouvert et de mondialisation heureuse. Quel retournement délicieux ! On dirait une blague cosmique où Karl Marx et Adam Smith ont échangé leurs costumes dans une loge backstage.
Trump et son mur douanier : América primero, le reste au péril
Commençons par le maestro lui-même, Donald J. Trump, qui, fidèle à sa promesse de campagne, a décidé que l’Amérique ne serait plus « dépouillée » par ces vilains étrangers qui osent lui vendre des trucs. Le 2 avril, il a sorti son tableau – un PowerPoint digne d’un séminaire d’entreprise des années 90 – listant les coupables : la Chine à 34 %, l’UE à 20 %, le Vietnam à 46 %, et ainsi de suite. « Réciprocité », clame-t-il, comme si le mot était une formule magique. Sauf que, surprise, cette réciprocité n’est pas vraiment réciproque. Les États-Unis taxent les pick-ups étrangers à 15 %, l’UE met 10 % sur les voitures américaines, et Trump trouve ça injuste. Peut-être parce que les maths, comme les faits, ne sont pas son fort.
Le 5 avril, le tarif de base entre en vigueur, suivi le 9 par les surtaxes ciblées. Résultat ? Les marchés boursiers mondiaux, ces délicates créatures, ont piqué une crise de nerfs. Le CAC 40 a perdu près de 2 % en une matinée, Wall Street a vacillé, et l’or – cet éternel refuge des pessimistes – a grimpé à des sommets inédits. Les analystes, eux, cherchent encore à comprendre comment ces taux ont été calculés. Une rumeur dit que Trump a tiré les chiffres au sort dans un chapeau de cow-boy, mais soyons sérieux : il a probablement juste demandé à son équipe de viser haut et de voir ce qui colle.
L’objectif officiel ? Réduire le déficit commercial américain, relancer l’industrie locale, et « rendre l’Amérique riche à nouveau ». Noble ambition, sauf que l’histoire – cette vieille rabat-joie – nous rappelle que le protectionnisme a rarement tenu ses promesses. Souvenez-vous de la loi Smoot-Hawley de 1930 : des tarifs massifs, une guerre commerciale mondiale, et une Grande Dépression aggravée. Mais pourquoi s’embarrasser de leçons du passé quand on peut tweeter – pardon, poster sur Truth Social – des bravades comme « Le Vietnam veut réduire ses taxes à ZÉRO s’ils trouvent un accord avec nous » ? Trump, le négociateur suprême, transforme le commerce en un épisode de The Apprentice grandeur nature.
Et les impacts ? Oh, ils sont délicieux, dans le genre catastrophe annoncée. Les consommateurs américains, ces pauvres âmes, vont voir les prix grimper : adieu les gadgets chinois bon marché, bonjour l’inflation. Les entreprises, de leur côté, hurlent déjà : Nintendo retarde les précommandes de sa Switch 2 aux États-Unis, craignant l’impact des tarifs sur ses coûts. Les chaînes d’approvisionnement, ces artères fragiles de la mondialisation, se retrouvent au bord de l’infarctus. Et pendant ce temps, les agriculteurs du Midwest, censés être les grands gagnants, risquent de perdre leurs marchés d’exportation quand la Chine et l’UE riposteront. Bravo, Don, quel coup de maître !
La Chine, championne improbable du marché libre
Mais le clou du spectacle, c’est la Chine. Oui, la République populaire de Xi Jinping, avec son Parti communiste tout-puissant, se pose en gardienne du libre-échange. Le 3 avril, le ministère du Commerce chinois a dénoncé les tarifs trumpiens comme une « guerre commerciale sans vainqueur » et promis des représailles. Des taxes de 15 % sur le charbon et le gaz américains, 10 % sur le pétrole, et une enquête sur Google pour « position dominante » – voilà la riposte initiale. Mais au-delà des coups, Pékin joue une partition plus subtile : celle du sauveur de la mondialisation.
Rappelez-vous, il y a à peine une décennie, la Chine était l’épouvantail du commerce mondial. On l’accusait de dumping, de vol de propriété intellectuelle, de subventions massives à ses entreprises d’État. Trump, lors de son premier mandat, avait lancé sa guerre commerciale en 2018 pour « punir » ces pratiques. Résultat ? Les droits de douane sont passés de 4 % à 24 % côté américain, la Chine a répondu avec du 10 % à 25 %, et tout le monde a perdu des plumes – emplois, croissance, stabilité. Mais en 2025, la voilà qui change de ton. Le plan « Made in China 2025 » n’est plus seulement une quête d’autosuffisance technologique ; c’est une plateforme pour séduire le monde avec une vision de commerce « équitable ».
Ironie suprême : alors que Trump érige son mur douanier, la Chine renforce ses alliances. Elle signe des accords avec l’Asie, l’Afrique, et même la Russie, tout en se posant en alternative aux États-Unis dans les institutions internationales. Xi Jinping, qui n’a jamais été un grand fan de la démocratie, devient paradoxalement le porte-étendard d’un capitalisme tempéré. « Pas d’issue au protectionnisme », déclare Pékin. On croirait entendre un économiste libéral des années 90, pas un apparatchik du PCC. Et pendant que les États-Unis s’isolent, la Chine pousse ses pions : Huawei et Alibaba s’émancipent, les exportations se diversifient, et l’autosuffisance devient une arme.
Le monde en otage : l’UE, le Vietnam, et les autres victimes collatérales
Et le reste du monde dans tout ça ? Eh bien, il regarde, médusé, ce duel de titans qui menace de tout emporter. L’Union européenne, taxée à 20 %, oscille entre indignation et pragmatisme. Emmanuel Macron dénonce une « décision brutale et infondée » et réunit ses industriels pour préparer des contre-mesures – peut-être des sanctions sur les GAFAM, qui sait ? Giorgia Meloni, en Italie, tente de calmer le jeu, tandis que la Suède plaide pour la coopération. Mais soyons honnêtes : l’UE, avec sa lenteur légendaire, risque de se retrouver à ramasser les miettes pendant que Trump et Xi se disputent le gâteau.
Le Vietnam, lui, prend une claque à 46 %. Pauvre Vietnam, qui pensait avoir gagné ses galons de « nouvelle usine du monde » en profitant des délocalisations post-guerre commerciale. Trump, dans sa grande mansuétude, lui offre une leçon : ne jamais trop compter sur l’Amérique. Taïwan (32 %), le Japon (24 %), l’Inde (26 %) – tous sont dans le viseur, punis pour avoir osé prospérer dans un monde que Trump veut remodeler à son image.
Et les marchés ? Ils paniquent. Le FMI parle d’un « risque important » pour l’économie mondiale, estimant une perte de plus d’un demi-point de PIB d’ici 2027. Jerome Powell, à la Fed, prévient d’une « inflation plus forte et d’une croissance ralentie ». Mais Trump s’en fiche : il a promis de « libérer » l’Amérique, pas de faire plaisir aux technocrates. Tant pis si les consommateurs paient, si les entreprises trinquent, et si le chaos s’installe.
Une leçon d’histoire oubliée et un futur incertain
Alors, où va-t-on avec tout ça ? Vers un grand n’importe quoi, probablement. Les États-Unis, jadis champions du libre-échange – souvenez-vous du GATT, de l’OMC, de cette belle époque où Washington dictait les règles – se replient dans un isolationnisme qui sent la naphtaline. Trump rêve d’une Amérique autarcique, où chaque usine rouvre comme par magie, où les importations sont bannies, et où le déficit commercial fond comme neige au soleil. Spoiler : ça ne marche pas comme ça. Les économistes, ces rabat-joie, rappellent que les tarifs de 2018 ont coûté 817 000 dollars par emploi créé dans le secteur des machines à laver. Mais qui écoute les économistes quand on a Truth Social ?
La Chine, elle, joue un jeu plus long. En se posant en défenseur du commerce mondial, elle gagne des points diplomatiques et économiques. Elle diversifie ses marchés, réduit sa dépendance aux États-Unis, et accélère son ascension. Trump voulait l’affaiblir ; il l’a peut-être renforcée. Quel génie stratégique ! Pendant ce temps, le reste du monde – l’UE, l’Asie, les émergents – doit choisir : plier devant Trump, riposter avec la Chine, ou tenter une troisième voie improbable.
Et nous, spectateurs de ce cirque, que retenons-nous ? Que l’histoire adore les ironies. Que le capitalisme américain, jadis conquérant, se recroqueville sous un président qui préfère les murs aux ponts. Que le communisme chinois, censé abhorrer le marché, en devient le plus fervent avocat. Et que, dans ce grand renversement, personne ne sait vraiment qui rira le dernier – mais une chose est sûre : ce ne sera pas le consommateur, ni l’économie mondiale.
Et puis, il y a Trump lui-même, dans son déni princier, qui commence à ressembler à un certain Herbert Hoover. Vous savez, ce président américain qui, en 1929, regardait la crise s’installer après la loi Smoot-Hawley et jurait que tout allait bien, que ses politiques étaient un succès, que le crash n’était qu’une petite secousse passagère. Hoover, l’homme qui a nié l’évidence jusqu’à ce que les banques s’effondrent et que les files de chômeurs s’étendent à l’infini. Trump, avec ses tarifs et son entêtement, joue le même rôle : un capitaine qui coule le navire et accuse l’iceberg. Le 10 avril 2025, alors que Wall Street tremble et que les premières entreprises annoncent des licenciements, il poste sur Truth Social : « Les marchés ADORENT mes taxes, les meilleurs chiffres jamais vus ! » On croirait presque entendre Hoover en 1930, vantant la « prospérité au coin de la rue ».
Mais creusons un peu plus loin, voulez-vous ? Trump, cet homme d’affaires autoproclamé génial, a un CV qui parle pour lui : six faillites personnelles. Oui, six fois – Trump Taj Mahal, Trump Plaza, Trump Entertainment Resorts, et j’en passe – où il a laissé des créanciers, des employés et des investisseurs dans le pétrin pendant qu’il s’en sortait avec un sourire et une nouvelle émission de télé-réalité. Et aujourd’hui, ce maestro de la banqueroute conduit les États-Unis vers une faillite bien plus vaste : morale, d’abord, avec un pays qui tourne le dos à ses idéaux de liberté et d’ouverture ; financière, ensuite, avec une économie qui vacille sous le poids de ses lubies protectionnistes. Six faillites pour un homme, une de plus pour une nation – quel palmarès ! Peut-être que le vrai talent de Trump n’est pas de construire, mais de détruire avec panache, en niant jusqu’au bout que le feu qu’il a allumé consume tout autour de lui. Alors, applaudissons, mes amis, car le show ne fait que commencer – et la facture, elle, ne tardera pas à arriver !