Un État paralysé face à une crise sans précédent
Depuis plusieurs années, le Liban traverse l’une des pires crises économiques et sociales de son histoire. L’effondrement du système bancaire, l’explosion du chômage, la dévaluation de la livre libanaise et l’augmentation massive de la pauvreté ont plongé des milliers de familles dans une situation de précarité extrême. Pourtant, l’État libanais reste largement inefficace et incapable de mettre en place des mesures d’urgence adaptées.
Les institutions publiques, censées venir en aide aux plus vulnérables, souffrent de blocages politiques, de manque de financement et d’une gestion inefficace. Ce vide institutionnel laisse place à une intervention limitée d’ONG locales et internationales, sans pour autant combler les besoins croissants de la population.
Une explosion de la pauvreté et des inégalités sociales
L’ampleur de la crise est sans précédent. Selon les dernières estimations, plus de 80 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Les salaires, en raison de la dévaluation de la monnaie, ne permettent plus aux travailleurs de couvrir leurs besoins essentiels.
Tableau 1 : Évolution du taux de pauvreté au Liban
Année | Taux de pauvreté (%) | Population concernée |
---|---|---|
2018 | 28% | 1,8 million |
2019 | 32% | 2,1 millions |
2020 | 55% | 3,5 millions |
2021 | 65% | 4,2 millions |
2022 | 75% | 4,8 millions |
2023 | 80% | 5,2 millions |
Les catégories les plus touchées par cette précarité croissante sont les familles monoparentales, les personnes âgées sans soutien familial et les travailleurs informels, qui se retrouvent sans aucune protection sociale.
L’absence de politiques sociales efficaces
L’une des raisons principales expliquant l’incapacité de l’État libanais à répondre à cette crise est l’absence totale de politiques sociales structurées. Contrairement à d’autres pays en crise, le Liban n’a pas de filet de sécurité universel, ce qui rend l’aide publique extrêmement limitée.
Le Ministère des Affaires Sociales, pourtant responsable des programmes d’aide aux plus démunis, souffre d’un manque de financements chroniques et d’une mauvaise gestion des ressources. De nombreux programmes de soutien ont été suspendus en raison de l’absence de budget et du blocage des aides internationales.
Les aides financières destinées aux familles précaires sont insuffisantes et irrégulières, rendant impossible toute amélioration des conditions de vie des plus vulnérables.
Une corruption endémique qui bloque toute réforme
L’un des principaux obstacles à l’amélioration de la situation sociale est la corruption généralisée au sein des institutions publiques. Depuis des décennies, les fonds destinés aux programmes sociaux ont été détournés ou mal gérés, empêchant toute amélioration concrète des infrastructures de soutien aux plus démunis.
Les principales formes de corruption observées dans la gestion des crises sociales incluent :
- Le détournement de l’aide humanitaire et sociale par des intermédiaires liés à des responsables politiques.
- L’inefficacité et l’opacité des subventions publiques, qui ne parviennent jamais aux bénéficiaires finaux.
- Le clientélisme politique, qui oriente les aides vers certaines catégories de la population en fonction d’intérêts partisans.
Ces pratiques ont affaibli la confiance des citoyens et des organismes internationaux, rendant encore plus difficile la mise en place de solutions efficaces.
Un système de santé et d’éducation en ruine
L’effondrement économique a eu un impact dévastateur sur l’accès aux services publics essentiels, notamment la santé et l’éducation.
Dans le secteur de la santé, les hôpitaux publics manquent de médicaments, de matériel et de personnel qualifié, laissant des milliers de patients sans soins adéquats. Les établissements de santé fonctionnent à capacité réduite, et de nombreux patients sont contraints de se tourner vers des cliniques privées inaccessibles financièrement.
Dans le domaine de l’éducation, de nombreuses écoles publiques ont dû fermer leurs portes en raison du manque de financement, obligeant les familles les plus pauvres à retirer leurs enfants du système scolaire. L’exode des enseignants, mal payés et privés de ressources pédagogiques, a également aggravé la crise éducative.
Tableau 2 : Déclin du financement des services publics au Liban
Secteur | Budget alloué en 2018 (millions USD) | Budget en 2023 (millions USD) | Baisse (%) |
---|---|---|---|
Santé | 500 | 120 | -76% |
Éducation | 400 | 100 | -75% |
Aide sociale | 300 | 80 | -73% |
Le rôle limité des ONG et de la communauté internationale
Face à l’incapacité de l’État, les ONG locales et internationales ont tenté de combler les lacunes, mais leurs actions restent limitées par plusieurs facteurs :
- Le manque de coordination avec les autorités locales, qui empêche une intervention efficace.
- Les difficultés de financement, car les fonds étrangers diminuent en raison du manque de transparence dans la gestion des aides.
- Les pressions politiques et sécuritaires, qui limitent l’accès de certaines organisations aux populations les plus vulnérables.
Bien que certaines initiatives aient permis d’atténuer l’impact de la crise, elles restent insuffisantes face à l’ampleur des besoins.
Des solutions possibles, mais sans volonté politique
Pour sortir de cette crise sociale majeure, plusieurs solutions pourraient être mises en place :
- La mise en place d’un programme d’aide sociale universel, avec un financement transparent et contrôlé.
- Une réforme de la gestion des aides internationales, en garantissant une transparence totale dans la distribution des fonds.
- Un plan de relance économique, permettant de redonner du pouvoir d’achat aux ménages et de créer des emplois.
- Un encadrement des prix des biens essentiels, pour limiter l’inflation et protéger les consommateurs les plus vulnérables.
Cependant, ces réformes nécessitent une volonté politique forte, qui semble aujourd’hui inexistante au Liban. L’absence de gouvernement fonctionnel et la fragmentation du pouvoir rendent toute réforme structurelle quasiment impossible dans le contexte actuel.