Dans son Diagnostic Systématique de Pays pour le Liban de 2024 (SCD), la Banque mondiale souligne que la paralysie institutionnelle et les crises internes ainsi qu’un environnement international turbulent constituent les principaux obstacles à un développement inclusif dans le pays. Selon le rapport, ces contraintes structurelles interdépendantes empêchent des perspectives réelles de reprise économique. Il identifie de surcroît des défis persistants tels que des niveaux élevés d’instabilité macroéconomique, la dégradation des infrastructures, le déclin des services publics, une gouvernance affaiblie, et une érosion aiguë du capital humain.
Le SCD recommande la mise en œuvre de mesures d’urgence sectorielles pour stabiliser les services essentiels, incluant les services publics, la santé, l’éducation, et la protection sociale. Par ailleurs, la Banque mondiale propose une série de dix priorités politiques de haut niveau organisées autour de deux scénarios : le scénario de « stagnation » (muddling through) marquant une lente progression avec une absence de résolution de crise, et le scénario de « reprise » (recovery), qui implique des décisions plus ciblées pour résoudre les crises en profondeur.
Les réformes prioritaires pour la stabilité économique et le secteur financier
Dans ce contexte, la première priorité vise à restaurer la stabilité macroéconomique et financière en consolidant les réformes économiques et en soutenant le secteur privé. Cela inclut une réforme du secteur financier non bancaire, l’extension du crédit au secteur privé et la restructuration du secteur bancaire. Dans le scénario de stagnation, l’accent est mis sur la stabilisation du taux de change et l’unification des marchés de change, ainsi que le soutien à des secteurs porteurs tels que les technologies de l’information, les industries pharmaceutiques et chimiques, l’agroalimentaire, tout en augmentant les recettes fiscales.
Dans le scénario de reprise, il est recommandé de réformer la structure réglementaire et prudentielle du secteur bancaire, de développer les marchés financiers non bancaires, d’améliorer l’accès au crédit et de mettre en œuvre une stratégie fiscale de moyen terme visant à restaurer la viabilité de la dette, à renforcer la stabilité financière et à appliquer des réformes fiscales.
Améliorer la transparence et la qualité des services publics
La seconde priorité identifiée par la Banque mondiale est l’amélioration de l’accès et de la responsabilité dans la fourniture des services publics de base. Cela implique notamment de renforcer les capacités humaines dans le secteur public via la digitalisation des services. Dans un contexte de stagnation, la Banque recommande une évaluation complète de la main-d’œuvre du secteur public, la révision des fonctions essentielles, l’ajustement des salaires, ainsi que la digitalisation des ressources humaines via une base de données centralisée des employés du secteur public. Dans le scénario de reprise, il est proposé de réformer les processus de recrutement, de promotion et de formation afin de mieux adapter la gestion des ressources humaines publiques aux besoins et performances.
L’importance de la Stratégie Nationale de Transformation Digitale 2020-2030 est également soulignée, en particulier pour l’amélioration de l’efficacité institutionnelle et légale du secteur public libanais.
Transition énergétique et amélioration des infrastructures de base
Un autre axe prioritaire concerne l’amélioration des infrastructures publiques pour répondre aux besoins fondamentaux de la population. La Banque mondiale appelle à moderniser les systèmes de gestion de l’eau, des déchets solides, et de transport, notamment en restructurant l’Électricité du Liban (EdL) et en passant progressivement au solaire pour les services énergétiques de base. Dans le scénario de stagnation, des réformes graduelles des structures de gouvernance et financières des entreprises publiques sont recommandées. En cas de reprise, le rapport encourage une transition verte avec la mise en place d’un système de gestion des déchets et des infrastructures de transport urbain plus résilientes et durables.
Développement du capital humain et accès équitable à la santé et à l’éducation
La quatrième priorité concerne l’amélioration du capital humain via un meilleur accès aux services de santé et d’éducation. Dans un contexte de stagnation, il est conseillé d’élargir l’accès aux services sociaux de base, notamment dans le domaine de la santé primaire et de l’éducation. L’accent est mis sur la digitalisation des services et une révision du système de rémunération des enseignants ainsi que sur l’optimisation des ressources dans l’éducation publique. Dans le scénario de reprise, le rapport insiste sur la réforme des soins primaires, le développement de programmes pharmaceutiques pour les maladies chroniques, et une couverture sanitaire universelle.
Le rapport mentionne également le rôle essentiel des institutions éducatives, comme l’Université Libanaise, dans l’amélioration de la qualité des programmes et la gestion des pratiques financières, avec une priorité donnée à la gouvernance académique et à la transparence dans le secteur éducatif.
Ce diagnostic de la Banque mondiale met en lumière des axes d’intervention clés pour que le Liban puisse sortir de ses crises multiples. Les scénarios proposés, qu’ils soient de « stagnation » ou de « reprise », offrent des pistes pour engager le pays vers une stabilisation économique et une meilleure gouvernance. Toutefois, les réformes nécessiteront une volonté politique forte et une cohésion des parties prenantes nationales pour répondre aux besoins pressants de la population libanaise.
Les recommandations de la Banque mondiale soulignent que le Liban peut avancer vers une résilience durable en investissant dans son capital humain, en réformant son secteur public et en modernisant ses infrastructures. Cependant, la concrétisation de ces objectifs dépendra du contexte géopolitique, de la mobilisation des ressources financières, et de la capacité des dirigeants libanais à prioriser l’intérêt public dans un environnement politique et économique instable.



