Un rebond des exportations porté par les métaux précieux, mais insuffisant pour combler le déficit chronique
Sur les deux premiers mois de 2025, le commerce extérieur libanais a affiché des signaux de redressement relatifs. Les exportations de marchandises se sont élevées à 625,75 millions de dollars, en progression de 41,2 % par rapport à la même période de 2024, alors que les importations, toujours massives, atteignent 2,83 milliards de dollars, en hausse de 4,1 %. Cette dynamique a permis de ramener le déficit commercial à 2,2 milliards de dollars, en repli de 3,2 % sur un an.
Cependant, cette amélioration, bien que notable sur le plan statistique, reste très limitée au regard de la dépendance structurelle du Liban aux importations. Le ratio exportations/importations atteint 22 %, contre 16,3 % l’année précédente, mais reste inférieur aux standards d’équilibre même dans les économies émergentes les plus ouvertes.
Sur le long terme, la balance commerciale du Liban est chroniquement déficitaire, alimentée par une forte dépendance aux importations de produits de consommation, de matières premières et d’énergie, et une base industrielle locale extrêmement réduite.
Indicateurs clés du commerce extérieur libanais (janvier-février 2025) | Valeur (USD) | Évolution annuelle |
---|---|---|
Exportations totales | 625,75 millions | +41,2 % |
Importations totales | 2,83 milliards | +4,1 % |
Déficit commercial | 2,2 milliards | -3,2 % |
Taux de couverture des importations par les exportations | 22 % | +5,7 points |
Des exportations dopées par les métaux précieux mais vulnérables à la volatilité mondiale
La performance des exportations repose quasi exclusivement sur le secteur des pierres précieuses et métaux, qui a enregistré une croissance spectaculaire de 180 %, pour atteindre 172,7 millions de dollars. Ce secteur représente à lui seul 27,6 % des exportations totales sur la période.
Ce bond est largement attribuable à la hausse des prix mondiaux de l’or et des métaux précieux, ainsi qu’à la place de la Suisse comme hub de réexportation. Toutefois, cette concentration autour d’un secteur volatile expose le Liban à des retournements brutaux des cours internationaux.
Au-delà des métaux précieux, la progression est plus modérée dans les autres secteurs. Les métaux de base augmentent de 24,7 %, tandis que les produits chimiques s’inscrivent en hausse de 29,6 %. Ces performances, bien que positives, partent de niveaux historiquement faibles.
Structure des exportations libanaises (janvier-février 2025) | Valeur (USD) | Part des exportations | Évolution annuelle |
---|---|---|---|
Pierres précieuses et métaux | 172,7 millions | 27,6 % | +180 % |
Équipements de transport | 141 millions | 22,5 % | +3,7 % |
Métaux de base | 20,1 millions | 3,2 % | +24,7 % |
Produits chimiques | 10,8 millions | 1,7 % | +29,6 % |
Autres produits | 281,15 millions | 45 % | +15 % estimé |
Cette composition traduit une structure d’exportation encore trop faible pour peser significativement dans le redressement de la balance des paiements, d’autant plus que ces flux sont vulnérables aux chocs externes.
Une dépendance massive aux importations énergétiques et alimentaires
Du côté des importations, le tableau reste dominé par les achats de produits pétroliers et minéraux, qui représentent 31 % des importations totales avec 882 millions de dollars. La hausse de 12,5 % sur cette catégorie reflète l’impact de la volatilité des prix internationaux du pétrole et de la dépréciation de la livre libanaise.
Les produits non-hydrocarbures, qui englobent les machines, les équipements médicaux, les denrées alimentaires et les produits pharmaceutiques, totalisent 1,95 milliard de dollars, en croissance marginale de 0,6 %. Cela témoigne de la contraction de la demande intérieure, pénalisée par l’effondrement du pouvoir d’achat des ménages et la montée de la pauvreté.
Composition des importations libanaises (janvier-février 2025) | Valeur (USD) | Part des importations | Évolution annuelle |
---|---|---|---|
Produits pétroliers et minéraux | 882 millions | 31 % | +12,5 % |
Produits alimentaires | 520 millions (est.) | 18,4 % (est.) | +3,2 % |
Machines et équipements | 427 millions (est.) | 15 % (est.) | -1,1 % |
Produits pharmaceutiques | 255 millions (est.) | 9 % (est.) | stable |
Autres produits | 746 millions | 26,4 % | +1,5 % estimé |
Cette dépendance élevée à l’égard de produits essentiels limite fortement la marge de manœuvre économique du Liban, d’autant que le financement des importations repose largement sur les transferts de la diaspora et des financements extérieurs.
Des partenaires commerciaux en mutation mais concentration préoccupante
Le début d’année 2025 confirme la réorientation partielle des flux commerciaux du Liban vers des partenaires non traditionnels. Les exportations vers la Suisse s’envolent de 9 183 %, une envolée attribuable aux échanges de métaux précieux, Genève étant un centre névralgique du négoce mondial de l’or et des diamants.
La Grèce (+286,5 %) et les États-Unis (+40,3 %) montrent également une croissance importante. En revanche, les flux vers l’Égypte, la Turquie et l’Irak déclinent nettement, ce qui révèle une fragilité de la diversification géographique des débouchés commerciaux du Liban.
Principaux partenaires commerciaux du Liban (janvier-février 2025) | Variation des exportations |
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Suisse | +9 183 % |
Grèce | +286,5 % |
Syrie | +44,4 % |
États-Unis | +40,3 % |
Égypte | -32,6 % |
Turquie | -29,8 % |
Cette géographie commerciale expose le Liban à des risques géopolitiques importants, notamment en ce qui concerne ses relations avec la Syrie et les routes commerciales maritimes perturbées dans la région.
Perspectives 2025 : des risques externes majeurs et des leviers internes limités
Les perspectives pour l’année 2025 restent très incertaines. La décision des États-Unis d’imposer un tarif de 10 % sur les exportations libanaises fragilise encore davantage la dynamique d’exportation, particulièrement dans les secteurs chimiques et agroalimentaires.
En parallèle, l’absence de réforme structurelle pour soutenir la production locale, moderniser les infrastructures logistiques ou stabiliser le secteur financier limite les possibilités de transformation du commerce extérieur du Liban. Le système bancaire, toujours asphyxié, restreint le financement des opérations de commerce international, tandis que l’instabilité politique et l’inefficacité judiciaire freinent la confiance des opérateurs économiques.
Sans amélioration rapide de la gouvernance économique, et en l’absence d’un environnement extérieur favorable, le Liban risque de maintenir un déficit commercial structurellement élevé en 2025, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de pression sur la balance des paiements et sur les réserves de change.