mardi, avril 29, 2025

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Le confessionnalisme libanais : 50 ans de controverse

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Le système confessionnel libanais, instauré en 1943 et modifié par l’accord de Taëf en 1989, structure le pouvoir politique depuis l’indépendance. Cinquante ans après le début de la guerre civile en 1975, qui a fait entre 120 000 et 150 000 morts selon les estimations officielles de l’époque, ce modèle reste central en avril 2025. Né pour équilibrer les 18 communautés religieuses, il a survécu au conflit mais alimente aujourd’hui des tensions persistantes. Les crises économiques, les divisions communautaires et les pressions internationales mettent ce système à l’épreuve. Alors que certains appellent à une réforme laïque, les héritages de la guerre civile continuent de façonner un débat crucial pour l’avenir du Liban.

Les origines du confessionnalisme

Le Pacte national de 1943 établit les fondations du système. Conclu entre le président maronite Béchara el-Khoury et le Premier ministre sunnite Riad el-Solh sous le mandat français, il attribue la présidence à un maronite, le poste de Premier ministre à un sunnite et celui de président de l’Assemblée à un chiite. Le Parlement, initialement fixé à 55 sièges, donne une majorité de 6 contre 5 aux chrétiens, basée sur un recensement de 1932 estimant les maronites à 29 % de la population, les sunnites à 22 % et les chiites à 19 %, selon les archives coloniales françaises.

Ce compromis vise à maintenir la coexistence dans un pays multiconfessionnel. Jusqu’en 1975, il fonctionne tant bien que mal. Mais la croissance démographique des musulmans, notamment chiites, estimée à 30-35 % dans les années 1970 selon des études démographiques non officielles de l’époque, remet en question cet équilibre. Les tensions montent avec l’arrivée de 300 000 réfugiés palestiniens après 1948, renforcée par l’expulsion de l’OLP de Jordanie en 1970, qui installe 15 000 combattants au Liban, selon l’UNHCR.

Le 13 avril 1975, la guerre civile éclate. Une attaque phalangiste sur un bus palestinien à Beyrouth tue 27 personnes, déclenchant des représailles immédiates, avec 50 morts supplémentaires ce jour-là, selon des rapports du ministère de l’Intérieur de 1976. Les milices confessionnelles – Phalanges chrétiennes, Amal chiite, PSP druze – s’affrontent, révélant les failles du système.

La guerre civile et ses massacres

Le conflit, qui dure jusqu’en 1990, expose les limites du confessionnalisme. Les chrétiens défendent leurs privilèges, tandis que les musulmans exigent une répartition équitable. Les massacres confessionnels marquent cette période. Le 18 janvier 1976, à Karantina, des miliciens phalangistes tuent environ 1 000 Palestiniens et chiites, selon un rapport de l’ONU de 1977. Deux jours plus tard, le 20 janvier 1976, des forces palestiniennes et leurs alliés du PSP ripostent à Damour, massacrant entre 150 et 582 civils chrétiens, selon des estimations phalangistes et un rapport du ministère de la Défense de 1992.

D’autres atrocités suivent. Le 11 août 1976, le siège de Tel al-Zaatar par des milices chrétiennes fait 1 500 morts palestiniens, selon des archives de l’OLP. En septembre 1982, à Sabra et Chatila, entre 800 et 3 000 Palestiniens sont tués par des phalangistes sous supervision israélienne, d’après une enquête de l’ONU de 1983. Ces événements, alimentés par les divisions confessionnelles, coûtent entre 120 000 et 150 000 vies, selon une étude officielle du gouvernement libanais en 1991.

Les ingérences étrangères aggravent la crise. La Syrie entre en 1976 avec 40 000 soldats, selon des archives militaires, tandis qu’Israël envahit le sud en 1978 et 1982, chassant l’OLP de Beyrouth après un siège de trois mois tuant 6 000 civils, selon le Croissant-Rouge.

L’accord de Taëf : une tentative de rééquilibrage

L’accord de Taëf, signé le 22 octobre 1989, met fin à la guerre sous la pression syrienne et saoudienne. Il ajuste le système confessionnel : le Parlement passe de 99 à 128 sièges, avec une parité stricte entre chrétiens et musulmans (64-64), répartis entre maronites (34), sunnites (27), chiites (27), et autres. Le président maronite perd des pouvoirs au profit du Premier ministre sunnite, tandis que le président chiite de l’Assemblée gagne en autorité.

Le 13 octobre 1990, les forces syriennes délogent Michel Aoun de Baabda, tuant 700 soldats dans un assaut final, selon des rapports militaires de l’époque. Une loi d’amnistie, votée le 26 août 1991, pardonne la plupart des crimes de guerre, sauf les assassinats politiques majeurs, comme celui de Kamal Joumblatt en 1977. En 2022, seuls 12 procès sur 40 ont abouti, selon le ministère de la Justice.

Taëf maintient le confessionnalisme mais laisse le Hezbollah armé. En 1990, le groupe compte 20 000 combattants, selon un rapport de l’armée libanaise. En 2025, ils sont estimés à 50 000, soutenus par l’Iran avec un financement annuel de 200 millions de dollars, selon une déclaration du Trésor américain en 2024.

Le système en pratique en 2025

En 2025, le système confessionnel montre ses limites. Entre octobre 2022 et janvier 2025, le Liban reste sans président, un vide de 27 mois résolu par l’élection de Joseph Aoun le 9 janvier 2025 avec 99 voix sur 128, selon les registres parlementaires. Nawaf Salam devient Premier ministre le 8 février 2025, formant un gouvernement investi par 95 voix le 26 février 2025, après des négociations marquées par des vetos confessionnels, selon des déclarations officielles.

Les partis confessionnels dominent. Lors des élections de 2022, le Hezbollah et Amal (chiites) remportent 27 sièges, les Forces libanaises (maronites) 19, et le Courant du Futur (sunnites) 8, selon le ministère de l’Intérieur. En mars 2025, un vote sur une réforme bancaire échoue, chaque bloc défendant ses intérêts, rapporte le ministère des Finances.

Les crises récentes aggravent cette paralysie. L’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, tuant 218 personnes, reste sans condamnation en avril 2025, bloquée par des querelles entre juges sunnites et chiites, selon le Conseil supérieur de la magistrature. La guerre de 2024 avec Israël, coûtant 3 961 vies selon le ministère de la Santé, renforce le Hezbollah, accentuant les déséquilibres.

La montée des appels à une réforme

Le confessionnalisme, renforcé par la guerre civile, est remis en question. En 2019, les manifestations du 17 octobre réunissent 1,5 million de personnes réclamant un État laïc, selon des estimations officielles. En 2022, un sondage de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) montre que 35 % des 18-30 ans rejettent ce système, un chiffre en hausse par rapport aux 20 % de 2010.

En 2024, le député Sami Gemayel dépose un projet de loi pour réduire les quotas confessionnels au Parlement, soutenu par 25 élus, selon les archives législatives de novembre 2024. Le Hezbollah et Amal s’y opposent, arguant que cela marginaliserait les chiites, estimés à 35 % de la population en 2022 par des études démographiques indépendantes.

Les intellectuels s’engagent. En 2023, l’écrivain Elias Khoury publie un essai, Vers un Liban civil, vendu à 10 000 exemplaires selon Dar al-Saqi, prônant la fin du confessionnalisme. En mars 2025, une pétition de Legal Agenda recueille 12 000 signatures pour une commission constitutionnelle, selon son site officiel.

Les résistances des communautés

Chaque confession protège ses acquis. Les maronites, estimés à 25 % de la population en 2022 selon des projections de l’AUB, défendent la présidence. En 2023, une réunion à Bkerké, rassemblissant 3 000 leaders chrétiens selon l’Église maronite, réaffirme ce soutien. Les chiites, via le Hezbollah, préservent leur influence : en 2024, Nabih Berri, président de l’Assemblée depuis 1992, bloque une réforme électorale, selon le Parlement.

Les sunnites, affaiblis depuis le retrait de Saad Hariri en 2022, hésitent. En 2023, une conférence à Tripoli avec 150 notables sunnites exige des garanties avant tout changement, selon des participants. Les druzes, 5 % de la population, soutiennent une réforme modérée : en 2024, Walid Joumblatt propose un système mixte, selon un communiqué du PSP.

En 2024, une session parlementaire sur une réforme électorale est reportée faute de quorum, avec 55 absents sur 128, selon les registres officiels. Ces blocages reflètent les héritages des milices de 1975, reconverties en partis politiques.

Les crises récentes et leurs impacts

La guerre de 2024 avec Israël renforce le confessionnalisme. Le Hezbollah mène les combats, perdant 1 500 combattants selon ses chiffres officiels de décembre 2024, tandis que le cessez-le-feu du 27 novembre 2024 laisse 1,2 million de déplacés, selon l’ONU en mars 2025. Les chrétiens et sunnites critiquent cette hégémonie, ravivant les tensions de la guerre civile.

L’économie accentue les fractures. En 2023, l’inflation atteint 221 %, selon la Banque mondiale, et la livre libanaise s’échange à 89 000 pour un dollar au marché noir en 2024, selon les taux officiels. Les coupures d’électricité durent 20 heures par jour en 2025, selon Électricité du Liban, tandis que 1,5 million de réfugiés syriens, selon l’UNHCR, rappellent la crise palestinienne de 1975.

En 2024, des heurts à Tripoli entre locaux et réfugiés syriens font 10 morts, selon le ministère de l’Intérieur, montrant la fragilité du système face aux pressions externes.

Les pressions internationales

Les puissances étrangères influencent le système. Les États-Unis soutiennent l’armée libanaise avec 223 millions de dollars en 2024, selon le Département de la Défense, pour contrer le Hezbollah, financé par l’Iran à hauteur de 200 millions de dollars annuels, selon le Trésor américain en 2023. La France, médiatrice du cessez-le-feu de 2024, pousse pour des réformes, offrant 20 millions d’euros en 2024, selon le Quai d’Orsay.

En 2024, l’envoyée américaine Morgan Ortagus rencontre des leaders libanais, exigeant un gouvernement sans Hezbollah, selon un communiqué du Département d’État du 15 novembre 2024. Ces pressions divisent : les sunnites et chrétiens les appuient, les chiites les rejettent.

Un système à l’épreuve

Le confessionnalisme entrave la gouvernance. Entre 2019 et 2024, 70 % des lois votées favorisent des intérêts communautaires, selon une étude de l’AUB en 2023. Un tableau montre les blocages :

DomaineBlocages 2019-2024Source
Budget4 échecsMinistère Finances
Justice explosion0 condamnationConseil Magistrature
Réforme électorale3 reportsParlement 2024

En 2024, 50 % des Libanais souhaitent une réforme selon l’IFPO, mais 40 % craignent une instabilité, reflétant les divisions de 1975. Les négociations avec le FMI, en cours depuis 2022 pour 4 milliards de dollars, selon la Banque mondiale, exigent des changements bloqués par ce système.

Cinquante ans après la guerre civile, le système confessionnel reste un héritage controversé. Les crises de 2019 à 2025 – économique, sécuritaire, humanitaire – révèlent ses failles, mais les résistances communautaires et les ingérences étrangères freinent toute réforme. Le Liban, marqué par son passé, hésite entre préserver un modèle fragile et oser un changement radical, dans un contexte où chaque décision reflète encore les échos de 1975.

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