Un mois avant l’anniversaire de la mort tragique d’Issam Abdallah, journaliste de l’agence Reuters tué lors d’une frappe israélienne dans le sud du Liban, Reporters sans frontières (RSF) et dix autres organisations ont adressé une lettre à la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël. Ce communiqué intervient en appui à la demande d’enquête formulée par la famille du journaliste en juillet 2024, et pointe du doigt la persistance de l’impunité, malgré des preuves accablantes.
Contexte de l’époque : Un climat de guerre
À l’époque du meurtre d’Issam Abdallah, la région du sud du Liban était le théâtre d’intenses combats transfrontaliers entre l’armée israélienne et le Hezbollah, exacerbés par la guerre en cours à Gaza, déclenchée en octobre 2023. Dans cette atmosphère de violence croissante, la frontière sud du Liban est devenue une zone extrêmement dangereuse pour les journalistes, tant locaux qu’internationaux, cherchant à couvrir le conflit.
La guerre à Gaza a considérablement aggravé les risques pour les reporters, qui se sont retrouvés pris entre des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des affrontements directs. Plusieurs journalistes ont été victimes de tirs ciblés, tant en Cisjordanie qu’à Gaza, où la liberté de la presse est de plus en plus restreinte. La situation à Gaza est devenue particulièrement critique pour les journalistes, avec des dizaines de morts et blessés dans les rangs de la presse depuis le début du conflit. La sécurité des reporters y est quasi inexistante, et de nombreux journalistes locaux ont été forcés de travailler dans des conditions périlleuses, au risque de perdre la vie.
Un crime largement documenté
Issam Abdallah a trouvé la mort le 13 octobre 2023 à Alma el-Chaab, alors qu’il couvrait les affrontements dans le sud du Liban. Des enquêtes menées par plusieurs organisations indépendantes, dont RSF, Reuters, l’Agence France-Presse (AFP), Human Rights Watch et Amnesty International, ont confirmé que les tirs provenaient d’un char israélien. Le journaliste portait clairement son gilet marqué « PRESS », un signe indiscutable de son statut de journaliste, rendant sa mort d’autant plus scandaleuse.
Les journalistes blessés dans cette attaque étaient Christina Assi, une journaliste de l’AFP, et Dylan Collins, photographe de Reuters, ainsi qu’un reporter d’Al-Jazeera, tous touchés par les éclats des obus israéliens. La Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) a également confirmé que deux obus de 120 mm avaient été tirés sur un groupe de journalistes « clairement identifiables », en violation flagrante du droit international.
Un appel à la justice ignoré
RSF et les organisations signataires de la lettre adressée à la Commission d’enquête des Nations Unies soulignent l’absence de réaction des autorités israéliennes, malgré l’abondance de preuves. La famille du journaliste avait déjà lancé un appel en juillet 2024 pour demander l’ouverture d’une enquête officielle, mais aucune réponse ne leur a été apportée à ce jour.
Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, a exprimé avec force la frustration de la communauté journalistique : « Issam Abdallah a été tué par l’armée israélienne, caméra à la main, vêtu de son gilet siglé ‘PRESS’ et de son casque. Ce crime bien documenté dans de nombreuses enquêtes ne doit pas rester impuni. »
Dagher a également souligné l’importance de rendre justice à Issam Abdallah pour envoyer un signal fort en faveur de la protection des journalistes dans une région où les attaques contre la presse sont de plus en plus fréquentes. Selon lui, « la justice pour Issam ouvre une voie solide vers la justice pour tous les reporters ».
L’impunité israélienne et les obstacles à la justice
Le meurtre d’Issam Abdallah n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis octobre 2023, deux autres journalistes ont perdu la vie dans des frappes israéliennes dans le sud du Liban : Farah Omar et Rabih Maamari, tous deux reporters pour la chaîne Al-Mayadeen. Ces tragédies ont contribué à transformer la région frontalière du sud du Liban en une zone particulièrement dangereuse pour les professionnels des médias, qu’ils soient issus de médias locaux ou internationaux.
Malgré le soutien de plusieurs acteurs politiques libanais, dont le ministère de l’Information, la tentative de saisir la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes commis dans le sud du Liban a été bloquée au dernier moment. Le Liban et Israël ne sont pas signataires du statut de Rome, empêchant ainsi une saisine directe de la CPI. En mai dernier, une initiative parlementaire libanaise visait à contourner cet obstacle par une disposition exceptionnelle du statut de Rome, mais elle a échoué.
Les autorités israéliennes, de leur côté, continuent de faire obstruction. En décembre 2023, un porte-parole militaire israélien a reconnu l’incident, mais a tenté de le justifier en évoquant une « zone de combat active ». Aucune enquête officielle n’a été rendue publique par Israël, et les appels répétés des organisations internationales et des proches des victimes restent sans réponse.
La guerre en toile de fond
Ce climat d’impunité s’inscrit dans un contexte plus large de violence croissante entre les forces israéliennes et le Hezbollah, avec des tirs transfrontaliers fréquents depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023. Ce conflit a exacerbé les tensions dans la région, rendant la couverture médiatique de plus en plus risquée pour les journalistes.
RSF et les autres organisations continuent d’exiger que la Commission d’enquête des Nations Unies se saisisse du dossier et fasse toute la lumière sur les circonstances entourant la mort d’Issam Abdallah. Ils réclament également que des poursuites soient engagées contre les auteurs de cette attaque, afin que justice soit enfin rendue, non seulement pour Issam, mais aussi pour tous les journalistes qui continuent de risquer leur vie pour informer le monde.
Alors que le premier anniversaire de sa mort approche, l’espoir d’obtenir justice pour Issam Abdallah demeure fragile. Mais pour sa famille, ses collègues et les défenseurs de la liberté de la presse, le combat continue.