L’histoire du cinéma libanais pendant la guerre civile : un miroir de la violence et de la résilience

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Le cinéma libanais, tout comme le pays lui-même, a traversé des périodes de bouleversements et de transformations radicales, notamment durant les 15 années de guerre civile qui ont dévasté le Liban entre 1975 et 1990. Malgré la violence omniprésente et la fragmentation du territoire, des réalisateurs libanais ont réussi à utiliser le cinéma non seulement comme un moyen d’expression artistique, mais aussi comme une plateforme pour documenter, critiquer et analyser le conflit.

Avant la guerre : un cinéma en pleine effervescence

Avant le début de la guerre civile, le Liban connaissait une période d’effervescence cinématographique. Beyrouth, en particulier, s’était imposée comme un centre culturel régional, attirant des productions de films arabes et internationaux. Des réalisateurs libanais comme Georges Nasser et Youssef Chahine faisaient rayonner le cinéma local, avec des films qui traitaient de l’identité, de la modernité et des changements sociaux.

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Dans les années 1960 et début des années 1970, les productions cinématographiques locales avaient déjà commencé à aborder des thèmes plus politisés, en résonance avec les tensions croissantes dans le pays. Des films comme Ila Ayn de Georges Nasser (1957) ou Beyrouth, la rencontre de Borhane Alaouié (1976) présentaient les fractures sociales et politiques du Liban, annonciatrices des troubles à venir.

L’impact de la guerre civile sur la production cinématographique

Lorsque la guerre éclate en 1975, la production cinématographique est immédiatement affectée. Les studios ferment leurs portes, les infrastructures sont détruites, et les cinéastes se retrouvent face à un dilemme : fuir le pays ou rester pour documenter la guerre. Le manque de moyens financiers et la destruction des salles de cinéma rendent la production et la distribution de films extrêmement difficiles.

Cependant, quelques réalisateurs courageux ont décidé de continuer à filmer, malgré les dangers. Ces films, tournés parfois dans des conditions extrêmement précaires, reflétaient souvent les horreurs de la guerre, mais aussi la résistance et la résilience du peuple libanais. Les œuvres de cinéastes comme Jocelyne Saab, Maroun Baghdadi et Borhane Alaouié ont marqué cette période.

Maroun Baghdadi : un cinéaste témoin de la guerre

Parmi les cinéastes les plus emblématiques de cette période, Maroun Baghdadi occupe une place centrale. Son film Petites Guerres (1982) est considéré comme l’un des témoignages les plus poignants de la guerre civile libanaise. Tourné en pleine guerre, le film raconte l’histoire de trois personnages issus de différentes communautés religieuses, pris dans la tourmente du conflit.

Baghdadi n’a pas cherché à glamouriser ou à simplifier la réalité de la guerre. Au contraire, ses films sont imprégnés de la complexité et de l’absurdité du conflit, montrant la fragmentation du pays et l’incapacité des Libanais à trouver un terrain d’entente. Après la guerre, il continuera à explorer ces thèmes dans des œuvres comme Hors la vie (1991), qui a remporté le Prix du Jury à Cannes.

Jocelyne Saab : filmer la guerre avec un regard féministe

Une autre figure marquante du cinéma libanais pendant la guerre est Jocelyne Saab. Journaliste et réalisatrice, Saab a utilisé la caméra comme une arme de résistance, filmant les combats, les destructions et les souffrances des civils. Son documentaire Beyrouth, jamais plus (1976) est un témoignage déchirant de la destruction de Beyrouth, et reste à ce jour un document précieux sur les premières années du conflit.

Ce qui distingue l’œuvre de Jocelyne Saab, c’est son regard féministe sur la guerre. Elle a filmé la guerre non pas seulement comme une violence physique, mais aussi comme une violence sociale et psychologique qui affecte particulièrement les femmes et les enfants. Ses documentaires et films de fiction explorent souvent le rôle des femmes dans la guerre, et la manière dont elles doivent survivre dans un monde dominé par les hommes et la violence.

Le cinéma de la diaspora : une autre perspective sur le conflit

Pendant la guerre civile, de nombreux cinéastes libanais ont dû s’exiler. Cet exil a donné naissance à un autre type de cinéma, celui de la diaspora, où le conflit libanais est vu de l’extérieur, avec une perspective souvent plus distanciée et critique. Les réalisateurs comme Philippe Aractingi et Randa Chahal Sabag, installés à l’étranger, ont produit des œuvres qui tentent de décrypter les causes profondes du conflit, tout en questionnant l’identité libanaise et l’expérience de l’exil.

Newsdesk Libnanews
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