Le Liban traverse une nouvelle crise institutionnelle, marquée par une impasse persistante autour des nominations administratives et judiciaires essentielles au fonctionnement de l’État. À la date du 27 mars 2025, des institutions clés comme la Cour des comptes, le Conseil de la fonction publique, la Commission de régulation de la concurrence et l’Inspection centrale restent paralysées, faute de consensus au sein du gouvernement. Cette situation, aggravée par des divergences politiques et confessionnelles, bloque également les réformes promises par le tandem Joseph Aoun et Nawaf Salam, dans un contexte où la confiance envers les institutions est déjà au plus bas.
Une impasse politique autour des postes clés
Selon Nida’ Al Watan dans son édition du 27 mars 2025, le gouvernement échoue à s’entendre sur le pourvoi de postes vacants depuis plus d’un an dans plusieurs administrations stratégiques. La Cour des comptes, censée superviser les finances publiques, le Conseil de la fonction publique, garant de la gestion des ressources humaines étatiques, la Commission de régulation de la concurrence, clé pour un marché équitable, et l’Inspection centrale, pilier de la lutte contre la corruption, sont tous affectés. Le journal pointe du doigt les exigences contradictoires des partis politiques, chacun cherchant à sécuriser une part de représentation confessionnelle et partisane, au détriment d’une approche basée sur le mérite.
Cette logique de partage confessionnel, héritée du système politique libanais, entrave toute tentative de modernisation. Le quotidien cite des sources anonymes au sein du cabinet, selon lesquelles chaque formation politique considère ces nominations comme une opportunité d’étendre son influence, transformant un processus administratif en une bataille de pouvoir. Cette situation fragilise davantage un État déjà miné par la crise économique et les séquelles de la guerre Hezbollah-Israël de 2024.
Les nominations judiciaires dans le viseur
Le secteur judiciaire n’échappe pas à cette paralysie. Nida’ Al Watan rapporte que les postes de procureurs régionaux et de juges d’instruction, cruciaux pour le fonctionnement de la justice, restent gelés. Cette stagnation est particulièrement préoccupante alors que le pays attend des avancées sur des dossiers sensibles, comme l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth en 2020, toujours entravée par des interférences politiques. Le président Joseph Aoun, dans des propos rapportés par Al Liwa’, aurait exprimé en privé sa frustration face à cette « logique du partage confessionnel appliquée même aux fonctions techniques ». Il aurait plaidé pour une sélection basée sur les compétences et non sur l’appartenance communautaire, un discours qui contraste avec les pratiques actuelles.
De son côté, le Premier ministre Nawaf Salam, en poste depuis le 8 février 2025, adopte une posture ferme. Selon Al Sharq Al Awsat du 27 mars 2025, il refuse de valider des listes de candidats qu’il juge biaisées ou imposées par des partis politiques. Fidèle à son engagement de réformer l’administration sur des bases de mérite et de neutralité, Salam s’oppose à ce qu’il perçoit comme une perpetuation du clientélisme. Cette position, bien que louable, accentue les tensions au sein du Conseil des ministres, où ses alliés et adversaires peinent à trouver un terrain d’entente.
Conseil des ministres : une paralysie institutionnelle
La crise des nominations a des répercussions directes sur le fonctionnement du gouvernement. Al Joumhouriyat révèle que la séance du Conseil des ministres prévue cette semaine a été reportée, faute d’accord sur l’ordre du jour. Des sources proches du cabinet indiquent que les ministres affiliés au Courant patriotique libre (CPL) et aux Forces libanaises (FL) ont menacé de boycotter la réunion si les points relatifs aux nominations n’étaient pas retirés. Face au risque d’une fracture publique au sein de la coalition, Aoun et Salam ont opté pour un ajournement, une décision qui illustre l’ampleur des divisions.
Ces désaccords ne se limitent pas aux nominations. Al Joumhouriyat note que des tensions économiques émergent, notamment autour du budget 2025. Le ministre des Finances, selon Al Akhbar, a bloqué la publication des annexes budgétaires, exigeant un arbitrage clair sur les priorités sectorielles. Cette retenue est interprétée comme une manœuvre pour geler les négociations politiques sur les allocations, renforçant l’idée d’un gouvernement incapable de trancher sur les questions fondamentales.
Un système confessionnel à bout de souffle
Le blocage actuel met en lumière les limites du système confessionnel libanais, où chaque communauté cherche à préserver ses prérogatives. La volonté affichée par Aoun et Salam de privilégier la compétence sur les quotas se heurte à une réalité politique ancrée dans des décennies de marchandage. Les bailleurs de fonds internationaux, qui conditionnent leur aide à des réformes structurelles, observent cette impasse avec inquiétude. Sans administration fonctionnelle ni justice indépendante, les espoirs de redressement économique et institutionnel s’amenuisent.