Le Liban, longtemps perçu comme un pays aux ressources naturelles sous-exploiteées, se trouve aujourd’hui dans une position critique face à la transition énergétique mondiale. Alors que de nombreux pays investissent massivement dans les énergies renouvelables pour contrer le changement climatique et garantir leur indépendance énergétique, le Liban demeure prisonnier de sa dépendance aux combustibles fossiles. Cette incapacité à développer un secteur des énergies renouvelables est le résultat d’une combinaison complexe de facteurs politiques, économiques et structurels, aggravés par des crises internes persistantes.
Le potentiel inexploitable des ressources naturelles
Le Liban possède un potentiel énergétique renouvelable considérable. Avec plus de 300 jours d’ensoleillement par an, le pays est idéalement situé pour le développement de l’énergie solaire. Les régions montagneuses offrent également des opportunités pour l’exploitation de l’énergie éolienne, tandis que les cours d’eau pourraient être mobilisés pour des projets hydroélectriques de petite échelle.
Pourtant, selon l’analyse de Foreign Affairs, ce potentiel reste largement inexploitable. Les obstacles sont multiples : un manque d’investissements dans les infrastructures, une absence de volonté politique et une instabilité économique chronique. De plus, le secteur énergétique libanais est dominé par des contrats opaques liés aux combustibles fossiles, qui continuent de prévaloir grâce à des intérêts politiques enracinés.
Une gouvernance énergétique défaillante
La crise énergétique libanaise est en grande partie le résultat d’une gouvernance inefficace. Depuis plusieurs décennies, les politiques énergétiques sont marquées par des décisions court-termistes et des conflits d’intérêts. Le secteur électrique, en particulier, est un exemple flagrant de ce dysfonctionnement.
Selon les chiffres de la Banque mondiale, le Liban dépense plus de deux milliards de dollars par an en subventions pour le carburant utilisé par les générateurs électriques privés. Ces générateurs, devenus une solution par défaut pour pallier les coupures régulières d’électricité, aggravent la crise économique et environnementale du pays. L’inefficacité d’Électricité du Liban (EDL), la société publique en charge de l’électricité, symbolise à elle seule les problèmes structurels du secteur.
Selon Karen Young, analyste des économies du Moyen-Orient, la corruption et le clientélisme dans le secteur énergétique libanais ont empêché la mise en place de réformes nécessaires pour attirer les investissements dans les énergies renouvelables. En outre, les intérêts liés à l’importation de carburants fossiles créent des résistances fortes contre toute tentative de transition.
Le manque d’investissements internationaux
Malgré les appels réguliers à des réformes, le Liban peine à attirer les investissements internationaux nécessaires pour développer ses ressources renouvelables. La communauté internationale, notamment l’Union européenne et la Banque mondiale, a plusieurs fois conditionné son soutien à la mise en place de politiques de transparence et de gouvernance.
Cependant, l’incapacité des gouvernements successifs à répondre à ces exigences a conduit à un tarissement des aides. Les rares initiatives solaires et éoliennes menées au Liban sont souvent financées par des ONG ou des partenariats locaux, mais elles restent limitées en termes de portée et d’impact.
Conséquences environnementales et sociales
L’absence d’investissements dans les énergies renouvelables a un coût écologique et social considérable. Le Liban est confronté à une pollution de l’air alarmante, principalement due à l’utilisation excessive des générateurs diesel. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), les niveaux élevés de particules fines dans l’air sont responsables d’une augmentation des maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Sur le plan social, les populations les plus vulnérables paient le prix fort de cette crise énergétique. Les coupures d’électricité pénalisent les hôpitaux, les écoles et les entreprises, accentuant la précarité économique et la migration des jeunes talents. Le manque de volonté politique pour développer des solutions durables empêche le pays de sortir de ce cercle vicieux.
Opportunités pour un avenir durable
Malgré ces obstacles, des opportunités existent pour le Liban. Les avancées technologiques dans le secteur des énergies renouvelables, ainsi que la baisse des coûts des panneaux solaires et des éoliennes, offrent des solutions viables pour amorcer une transition énergétique.
Certains projets pilotes ont déjà vu le jour, notamment dans le secteur de l’énergie solaire. Des municipalités comme Baalbek et Zahle ont lancé des initiatives locales pour développer des fermes solaires, réduisant ainsi leur dépendance aux générateurs diesel.
Pour réussir cette transition, le Liban doit impérativement mettre en place un cadre réglementaire favorable, renforcer la transparence dans le secteur énergétique et encourager les investissements publics et privés. Comme le souligne Vali Nasr dans son analyse, la transition énergétique n’est pas seulement une nécessité écologique, mais également une opportunité pour relancer l’économie libanaise et réduire sa vulnérabilité aux crises externes.
Perspectives ouvertes
Le développement des ressources renouvelables constitue une étape essentielle pour sortir le Liban de sa dépendance aux combustibles fossiles et réduire les impacts économiques et environnementaux de la crise énergétique. Cependant, cette transition ne pourra se faire sans une volonté politique réelle et des réformes structurelles profondes.
Dans un contexte régional où la compétition pour les ressources énergétiques s’intensifie, le Liban a l’opportunité de devenir un acteur à part entière dans le domaine des énergies renouvelables. Il appartient aux dirigeants libanais de saisir cette chance pour construire un avenir plus durable et plus prospère.