Dans un Liban confronté à des défis économiques, sociaux et institutionnels sans précédent, le Premier ministre, le Dr Nawaf Salam, multiplie les initiatives pour poser les bases d’un redressement national. Lors d’une récente rencontre avec une délégation du Conseil des exécutifs libanais en Arabie saoudite, il a dévoilé des avancées concrètes dans les négociations avec la Banque mondiale, tout en réaffirmant son engagement envers des réformes structurelles et la protection des droits des déposants. Entre la reconstruction du pays, la digitalisation de l’État et la garantie des échéances électorales, Salam trace une feuille de route ambitieuse, soutenue par une volonté de transparence et d’inclusion.
Un partenariat avec la Banque mondiale pour la reconstruction
Nawaf Salam a révélé être en « contact quasi quotidien » avec la Banque mondiale pour finaliser l’allocation d’un montant initial de 250 millions de dollars destiné à la reconstruction des infrastructures dévastées par les récents conflits, notamment dans le sud du pays. Cette enveloppe, qui devrait être approuvée lors des réunions de la Banque mondiale fin avril, s’accompagne d’une méthodologie claire pour la remise en état des zones sinistrées. Selon Salam, cette première étape sera suivie d’une réunion des grands donateurs visant à mobiliser un milliard de dollars, avant l’organisation d’une conférence internationale dédiée à la reconstruction.
Ce plan s’inscrit dans une logique de coordination entre efforts internes et soutien extérieur. Le Premier ministre a souligné l’importance de redonner vie au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), une institution clé pour superviser ces projets. « La réactivation du CDR passe par des mesures internes, notamment une nouvelle dynamique dans les nominations », a-t-il expliqué, précisant que cette revitalisation est essentielle pour canaliser les fonds internationaux et garantir leur bonne gestion.
Les déposants au cœur des priorités
Sur le dossier brûlant des dépôts bancaires, Salam a adopté une position ferme et rassurante. « Il n’y aura pas de shakedown des dépôts », a-t-il martelé, annonçant son intention de « rayer l’expression même de shakedown » du vocabulaire politique. Cette déclaration vise à apaiser les craintes de millions de Libanais dont les économies, gelées depuis la crise bancaire de 2019, restent inaccessibles. « Notre objectif est de libérer les dépôts, et nous ne tolérerons qu’une solution équitable pour les déposants », a-t-il ajouté, promettant des mesures concrètes dès la semaine suivante.
Cette promesse s’accompagne d’un engagement à relancer les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), un préalable à toute aide financière internationale significative. Parmi les réformes envisagées, Salam a évoqué un projet de loi pour lever le secret bancaire, une étape cruciale pour restaurer la confiance dans le système financier et répondre aux exigences du FMI. Ces initiatives, si elles aboutissent, pourraient marquer un tournant dans la résolution d’une crise qui a vu la livre libanaise perdre plus de 98 % de sa valeur et les dépôts se transformer en monnaie virtuelle inaccessible.
Élections municipales et transition numérique : des engagements clairs
Le Premier ministre a également réaffirmé sa détermination à respecter les échéances électorales, notamment les municipales prévues prochainement. « Nous sommes prêts à les organiser en temps et en heure. La question d’un report ne dépend pas du gouvernement, mais des députés », a-t-il déclaré, insistant sur l’importance de maintenir les processus démocratiques malgré les défis logistiques. Cette position reflète une volonté de normaliser la vie institutionnelle dans un pays où les reports électoraux sont devenus monnaie courante ces dernières années.
Par ailleurs, Salam a mis en avant un projet ambitieux de transition numérique. « Nous travaillons sur une mécanique exécutive pour faire du Liban une nation digitale », a-t-il annoncé, précisant que le ministère d’État pour les affaires de la technologie de l’information et de l’intelligence artificielle deviendra bientôt une entité pleinement autonome. Cette transformation vise à moderniser l’administration publique, améliorer la transparence et attirer les investissements étrangers, en s’appuyant notamment sur les compétences de la diaspora libanaise.
Une nouvelle approche des nominations et des réformes
Un pilier central de la stratégie de Salam repose sur la réforme des nominations dans les institutions publiques. « Le mécanisme que nous avons adopté est la porte d’entrée pour une mise en œuvre effective », a-t-il expliqué lors de la rencontre. En ouvrant les candidatures pour des postes clés comme la présidence et les membres du CDR, le gouvernement cherche à instaurer un processus « transparent et compétitif », rompant avec les pratiques clientélistes qui ont longtemps miné la gouvernance au Liban. Cette approche, si elle est maintenue, pourrait également s’appliquer aux régulateurs sectoriels, renforçant la crédibilité des institutions.
Salam a souligné que ces réformes internes sont le point de départ d’un « parcours de développement » plus large, qui nécessite une mobilisation des expertises nationales et internationales. « Nous voulons tirer parti de toutes les compétences, y compris celles de la diaspora, pour relancer le pays », a-t-il affirmé, en écho aux aspirations d’une population épuisée par des années de crise.
La voix de la diaspora : dépôts, votes et expertise
La rencontre avec le Conseil des exécutifs libanais en Arabie saoudite a mis en lumière les préoccupations de la diaspora, un acteur clé dans l’économie et la politique libanaises. Rabih el-Amine, président du Conseil, a résumé les échanges après la réunion. « Nous avons abordé trois priorités : les dépôts, le vote des expatriés et l’expertise pour une gouvernance numérique », a-t-il déclaré.
Sur les dépôts, el-Amine a salué l’engagement de Salam à en faire une priorité, notant que des mesures concrètes sont attendues dès la semaine prochaine. Concernant le vote des expatriés, il a relayé une demande pressante : élargir leur participation aux 128 sièges parlementaires, contre les 6 actuels, pour refléter leur poids démographique – environ 1,1 million d’électeurs potentiels à l’étranger. Salam s’est dit personnellement favorable à cette réforme, bien que sa mise en œuvre dépende du Parlement.
Enfin, le Conseil a proposé une initiative pour mobiliser les compétences de la diaspora dans la construction d’une « gouvernance digitale ». Un congrès prévu en juin, sous le patronage du président Joseph Aoun et avec la participation de Salam et de ministres concernés, devrait concrétiser ce projet, renforçant le rôle des expatriés dans la modernisation du Liban.
Une feuille de route sous haute pression
L’ambition de Nawaf Salam est claire : conjuguer reconstruction physique, réforme financière et modernisation institutionnelle pour sortir le Liban de l’ornière. Cependant, les défis restent colossaux. La dépendance aux fonds internationaux, les tensions politiques internes – notamment avec le Hezbollah – et la fragilité du système bancaire exigent une exécution irréprochable de ces promesses. La relance des négociations avec le FMI, la tenue des élections et la digitalisation nécessiteront un consensus rare dans un pays historiquement divisé.