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Réformes économiques au Liban : entre déclarations optimistes et impasse systémique

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Une rhétorique de réforme déconnectée de la réalité

Depuis le début de la crise économique majeure en 2019, les autorités libanaises n’ont cessé de proclamer leur engagement en faveur de réformes structurelles. Chaque nouveau gouvernement promet un plan de redressement ambitieux, chaque conférence internationale de soutien est l’occasion d’annoncer des initiatives censées transformer l’économie nationale. Pourtant, derrière ce discours volontariste, la réalité demeure inchangée : les réformes nécessaires tardent à voir le jour, se heurtant à une résistance politique féroce, à une fragmentation institutionnelle profonde et à un système de gouvernance basé sur le clientélisme. Ce décalage croissant entre les annonces et les actes alimente la défiance de la population et condamne à l’échec toute tentative sérieuse de relance économique.

Les grandes annonces sans suite : un cycle infernal

Le Liban a multiplié les plans économiques depuis 2019 : plan McKinsey, initiatives soutenues par la Banque mondiale, feuille de route proposée par la France lors de la Conférence de soutien au Liban après l’explosion du port de Beyrouth. À chaque fois, les propositions incluent les mêmes éléments : réforme du secteur bancaire, réhabilitation du secteur de l’énergie, réforme administrative, modernisation fiscale. Pourtant, à chaque fois également, l’application de ces mesures bute sur les mêmes obstacles : absence de volonté politique, conflits d’intérêts, peur des élites politiques de voir leur pouvoir érodé par une réforme en profondeur. Cette répétition incessante d’annonces sans résultats concrets a fini par vider de leur sens les termes mêmes de « réforme » et de « relance ».

Le secteur bancaire : une réforme toujours en attente

La restructuration du secteur bancaire est une condition sine qua non à toute sortie de crise. Pourtant, malgré les engagements répétés, aucune réforme crédible n’a été mise en œuvre. Le plan de « bail-in », censé faire supporter les pertes aux actionnaires et grands déposants avant toute aide publique, reste bloqué par la résistance des banques et de leurs relais politiques. L’absence de reconnaissance officielle des pertes bancaires, la poursuite des restrictions arbitraires sur les dépôts, et le refus d’adopter une loi sur le contrôle des capitaux témoignent de l’ampleur de l’inertie du système. Tant que cette réforme clé restera lettre morte, aucune relance économique durable ne sera possible.

La réforme du secteur de l’énergie : promesses vaines et réalités sombres

Le secteur de l’énergie incarne à lui seul l’échec des réformes économiques au Liban. Depuis des années, l’électricité nationale ne couvre qu’une partie des besoins du pays, forçant les citoyens à recourir aux générateurs privés à des coûts exorbitants. Malgré les promesses de restructuration de l’EDL (Electricité du Liban), de modernisation des infrastructures, et d’ouverture du secteur aux investissements privés, aucune avancée significative n’a été réalisée. Les projets de construction de nouvelles centrales, de réhabilitation du réseau ou d’intégration des énergies renouvelables restent bloqués par les conflits politiques et les intérêts particuliers. Ce statu quo énergétique alimente la crise économique en augmentant les coûts de production et en freinant la compétitivité des entreprises libanaises.

L’échec d’une stratégie de relance cohérente

Le Liban souffre d’une absence chronique de stratégie économique coordonnée. Chaque ministère agit selon ses propres priorités, sans vision d’ensemble ni coordination interinstitutionnelle. Les plans de relance successifs manquent de cohérence, de hiérarchisation des priorités et de mécanismes de suivi efficaces. Cette fragmentation administrative empêche toute réforme d’atteindre une masse critique suffisante pour produire des résultats visibles. La persistance de cette approche éclatée, fondée sur la survie individuelle des institutions plutôt que sur une logique de service public cohérent, constitue l’un des principaux obstacles à la reconstruction économique.

Le rôle ambigu de la communauté internationale

La communauté internationale, bien que prête à soutenir la relance libanaise, conditionne son aide à la mise en œuvre effective des réformes. Cette approche, fondée sur le principe de conditionnalité, vise à éviter que les fonds ne soient détournés ou gaspillés par un système corrompu. Toutefois, cette stratégie a aussi ses limites : face à l’absence de progrès, de nombreux partenaires internationaux réduisent progressivement leur soutien, se contentant d’une aide humanitaire directe, sans engagement à long terme. Cette réduction progressive de l’appui extérieur aggrave encore les difficultés du Liban à sortir de la crise.

L’impossible réforme fiscale

La réforme fiscale est un autre pilier des réformes économiques libanaises constamment évoqué, jamais mis en œuvre. L’élargissement de l’assiette fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale, la modernisation de l’administration fiscale sont autant de mesures cruciales pour restaurer la capacité budgétaire de l’État. Pourtant, la réforme fiscale se heurte à la résistance des élites économiques, souvent alliées des forces politiques traditionnelles, qui profitent d’un système d’exemptions, de fraudes et de sous-déclarations. L’absence de réforme fiscale crédible prive l’État des ressources nécessaires à son fonctionnement et condamne les projets de redressement budgétaire à l’échec.

La défiance populaire : un obstacle supplémentaire

La population libanaise, épuisée par des années de crise et de promesses non tenues, accueille toute annonce de réforme avec scepticisme. Ce climat de défiance généralisée complique la mise en œuvre des réformes même lorsqu’elles sont sincèrement engagées. Sans la mobilisation de la société civile, sans un minimum de consensus national autour d’un projet de réforme, toute tentative risque de se heurter à des résistances passives, à l’inefficacité administrative et à la lassitude généralisée. Restaurer la confiance est donc un préalable indispensable à toute dynamique de réforme, mais cet objectif reste hors de portée dans le contexte actuel de crise systémique.

Perspectives d’avenir : entre espoirs minces et risques majeurs

À court terme, les perspectives de mise en œuvre effective des réformes économiques au Liban restent extrêmement faibles. L’absence de volonté politique réelle, la fragmentation institutionnelle, la défiance populaire et la lassitude de la communauté internationale convergent pour enfermer le pays dans une impasse. À moyen terme, seul un changement profond des équilibres politiques internes, peut-être à travers une pression sociale accrue ou une recomposition du paysage politique, pourrait rouvrir la voie à une réforme structurelle crédible. Sans cela, le Liban risque de s’enfoncer encore davantage dans une crise économique et sociale durable, compromettant définitivement ses chances de redressement.

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Newsdesk Libnanews
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