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L’impact du vide haririen sur la représentation sunnite locale

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Une absence prolongée au sommet de la représentation sunnite

Depuis la mise en retrait de Saad Hariri et la suspension des activités du Courant du Futur, la scène politique sunnite connaît une reconfiguration silencieuse mais profonde. Cette absence prolongée d’un leadership centralisé a provoqué un éclatement du champ sunnite, notamment au niveau local, où les acteurs institutionnels, religieux et communautaires cherchent à redéfinir les équilibres.

Selon Al Akhbar (30 avril 2025), ce vide a permis à des groupes marginalisés jusque-là, comme la Jamaa Islamiya, de regagner du terrain dans plusieurs quartiers de Beyrouth et dans le Nord. Le retour progressif de cette organisation islamiste, avec un soutien indirect de l’Arabie saoudite, constitue un des tournants majeurs de cette période électorale. L’ambassadeur saoudien Walid al-Bukhari a ainsi multiplié les réunions avec des figures sunnites indépendantes, sans pour autant réhabiliter officiellement Hariri.

Les élections municipales comme révélateur d’une crise d’identité politique

Le vide laissé par Hariri est particulièrement visible à Beyrouth. Dans le deuxième district, historiquement acquis au Courant du Futur, de nouvelles alliances locales émergent. Elles associent anciens cadres du courant, figures de la société civile et candidats issus des réseaux religieux. Selon Al Akhbar, des listes soutenues par la Jamaa Islamiya, couplées à des indépendants modérés, s’affrontent pour la première fois à armes égales avec les réseaux traditionnels.

Ce phénomène se répète dans le Akkar, à Tripoli et dans certaines municipalités du Sud. Là où le leadership sunnite était auparavant structuré autour de quelques figures dominantes (Hariri, Mikati, Karami), on assiste à une montée des initiatives locales sans coordination nationale. Le résultat est une fragmentation inédite, qui complique la lecture politique du vote sunnite.

La stratégie attentiste des anciens alliés

Plusieurs anciens députés du Courant du Futur ont choisi de ne pas se présenter aux municipales, ni de parrainer publiquement des candidats. Leur retrait, volontaire ou contraint, est interprété comme un refus d’assumer une transition non maîtrisée. Le choix de Mikati de soutenir indirectement certaines listes locales à Tripoli sans se positionner publiquement s’inscrit dans cette logique de repli stratégique.

Selon Al Sharq (30 avril 2025), des contacts ont été rétablis entre l’entourage de Mikati et certains réseaux proches de Riyad. L’objectif serait de reconstruire une structure d’influence locale capable de concurrencer le Hezbollah dans certaines zones mixtes. Mais cette stratégie reste floue, faute d’un leadership sunnite unifié.

Les mosquées et les réseaux caritatifs comme relais politiques

En l’absence de coordination politique, les mosquées, les associations de bienfaisance et les comités locaux jouent un rôle croissant. À Saïda, à Tripoli et dans certains quartiers de Beyrouth, les prédicateurs endossent une fonction d’intermédiation politique. Certains d’entre eux, cités anonymement par Nahar (30 avril 2025), affirment être sollicités par des formations diverses pour endosser symboliquement des listes électorales.

Cette « religion de substitution politique » prend racine dans une défiance accrue envers les partis et les figures historiques. Les électeurs sunnites semblent désormais voter davantage sur des critères de proximité sociale ou religieuse que sur une appartenance partisane. Ce phénomène renforce les candidatures indépendantes, mais sans garantir une cohérence idéologique ou programmatique.

L’État en retrait, les donateurs en attente

Face à cette recomposition, l’État n’a pas proposé de vision claire pour la représentation sunnite. Joseph Aoun, bien qu’en dialogue régulier avec les autorités religieuses sunnites, évite de s’impliquer dans les rivalités internes. Son approche repose sur une neutralité formelle, renforcée par le besoin de ne pas s’aliéner une communauté divisée.

Les pays donateurs, en particulier les États du Golfe, attendent également des clarifications. Al Akhbar rapporte que l’Arabie saoudite observe de près les résultats des municipales pour jauger les forces en présence avant d’engager une politique plus explicite de soutien. Cette attente stratégique laisse le terrain libre aux initiatives locales non coordonnées.

Une communauté à la recherche d’un nouveau contrat politique

Cette période de flottement révèle une crise d’identité politique au sein de la communauté sunnite. Le modèle haririen, fondé sur l’équilibre entre confessionnalisme modéré et partenariat international, ne semble plus adapté aux nouvelles dynamiques sociales et régionales. La jeunesse sunnite, en particulier, exprime une distance croissante avec les symboles politiques du passé.

Les appels à une nouvelle représentation, formulés par des collectifs issus de la société civile ou des milieux professionnels, peinent à dépasser le stade local. Faute de cadre national structurant, ces initiatives risquent de rester cantonnées à des municipalités isolées. Selon Ad Diyar (30 avril 2025), plusieurs tentatives de fédération entre listes indépendantes ont échoué en raison de divergences stratégiques et de rivalités de leadership.

Vers une recomposition ou une résignation ?

L’avenir de la représentation sunnite locale dépendra en grande partie des résultats du scrutin municipal. Une victoire des listes soutenues par la Jamaa Islamiya ou des figures indépendantes pourrait ouvrir la voie à une recomposition durable. À l’inverse, une abstention massive ou un morcellement du vote renforcerait la perception d’un déclin politique.

Dans tous les cas, l’absence de figures consensuelles nationales pose problème. Nawaf Salam, Premier ministre, incarne une forme d’autorité institutionnelle, mais n’exerce aucun leadership communautaire spécifique. Joseph Aoun, de son côté, se concentre sur la diplomatie et l’équilibre des pouvoirs, sans intervention directe dans la sphère sunnite.

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