Le pouvoir judiciaire dit qu’il ne limogera pas le gouverneur de la banque centrale à moins que des accusations formelles ne soient portées au Liban

Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, a été interrogé mercredi par un juge à Beyrouth après qu’Interpol a publié la semaine dernière une notice rouge dans le cadre d’une enquête internationale sur la corruption.

Imad Kabalan , le procureur général près la Cour de cassation, a interrogé M. Salamé pour qu’il prenne les mesures judiciaires nécessaires relatives à l’avis.

M. Salamé a reçu l’ordre de remettre ses passeports français et libanais à la justice, a rapporté l’AFP.

Il est désormais interdit de quitter le pays mais reste à son poste de gouverneur de la banque centrale.

L’avis d’Interpol est venu en réponse à une demande de la justice française, qui a émis mardi un mandat d’arrêt contre M. Salamé après qu’il ne s’est pas présenté à une audience à Paris concernant des allégations de détournement de plus de 330 millions de dollars de la banque centrale du Liban.

Il a alors été classé comme fugitif.

De faibles attentes

Certains observateurs ont déclaré qu’ils attendaient peu de la capacité de la justice libanaise à prendre des décisions.

L’extradition n’est pas sur la table car le Liban n’est pas légalement obligé d’extrader M. Salamé, et le pays a depuis longtemps pour politique de ne pas expulser ses citoyens.

“Mais le juge aurait pu décider de l’arrestation de M. Salamé au Liban, le placer en résidence surveillée ou déposer des accusations formelles”, a déclaré l’avocat Karim Daher.

“Cela aurait pu envoyer un signal positif à la justice européenne”, a-t-il ajouté, soulignant que la procédure en est “encore au stade de l’instruction et non au stade de la condamnation”.

Une action judiciaire du Liban aurait également pu avoir un effet décisif sur le mandat de M. Salamé à la tête de la banque centrale.

Le pouvoir exécutif a transféré la responsabilité de son limogeage au pouvoir judiciaire, le cabinet affirmant qu’il avait besoin d’accusations formelles au Liban, malgré les experts juridiques suggérant qu’il pourrait révoquer M. Salamé sur la base du code de l’argent et du crédit.

L’AFP a indiqué que le juge libanais avait demandé à la justice française d’avoir accès à l’ensemble du dossier lié à l’affaire avant de prendre une décision pour “déterminer si la justice libanaise le poursuivra pour les crimes dont il est accusé en France”.

Des observateurs ont déclaré que cela pourrait entraîner un retard dans les procédures judiciaires au Liban et repousser toute décision concernant son limogeage jusqu’à l’expiration naturelle du mandat de M. Salamé à la fin du mois de juillet.

Appels à la démission

Les appels demandant la démission du gouverneur s’intensifient mais la question reste très sensible car M. Salamé bénéficie depuis longtemps d’un fort soutien politique depuis sa prise de fonction en 1993.

Il nie tout acte répréhensible et son porte-parole a déclaré qu’aucun communiqué officiel n’avait été publié après l’audience de mercredi.

Il est soupçonné d’avoir blanchi des fonds détournés avec l’aide de son frère Raja en Europe, où lui et son entourage possèdent des propriétés évaluées à plusieurs millions.

Mardi, le procureur général allemand a informé la justice libanaise d’un nouveau mandat d’arrêt international contre M. Salamé.

Des enquêteurs européens ont retracé le flux de fonds d’un compte à la banque centrale libanaise, découvrant un réseau complexe d’opérations de superposition impliquant entre autres les systèmes bancaires luxembourgeois et suisse pour financer prétendument des propriétés haut de gamme en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Belgique .

Une équipe d’enquêteurs allemands, luxembourgeois et français a été créée en 2022 pour échanger des informations, conduisant en mars 2022 au gel d’avoirs d’une valeur de 120 millions d’euros (130 millions de dollars) liés à M. Salamé et à ses proches.

Cette année, l’équipe d’enquêteurs s’est rendue à plusieurs reprises au Liban, rassemblant des preuves et procédant à des auditions, notamment avec M. Salamé et son frère.

Article écrit en anglais par Nada Maucourant Atallah et publié sur https://www.thenationalnews.com/mena/lebanon/2023/05/24/riad-salameh-summoned-by-lebanese-judiciary-after-interpol-red-notice/.

Nada Maucourant Atallah
Nada Maucourant Atallah est correspondante au bureau de Beyrouth de The National, un quotidien de langue anglaise publié aux Émirats arabes unis. Elle est une journaliste franco-libanaise avec cinq ans d'expérience au Liban. Elle a auparavant travaillé pour L'Orient-Le Jour, sa version anglaise L’Orient-Today et le journal d'investigation français Mediapart, avec un accent sur les enquêtes financières et politiques. Elle a également fait des reportages pour divers médias français tels que Le Monde Diplomatique et Madame Figaro.

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