Le général Rudolph Haykal a officiellement pris les rênes de l’armée libanaise, succédant à une lignée de commandants dans une institution considérée comme le pilier de l’unité, de la souveraineté et de l’indépendance du Liban. À cette occasion, il a émis un ordre du jour adressé aux militaires, dans lequel il exprime sa fierté et sa détermination à assumer cette responsabilité majeure, confiée par le président de la République, le général Joseph Aoun, et le Conseil des ministres. Dans un contexte régional marqué par des défis sécuritaires et des crises internes persistantes, Haykal souligne l’importance de l’unité des forces armées et de leur rôle dans la protection du pays, tout en promettant de soutenir les soldats et de moderniser l’institution pour répondre aux attentes des Libanais.
Une prise de commandement empreinte de sens
Le général Rudolph Haykal a débuté son ordre du jour par un message empreint de fierté et de reconnaissance : « Camarades militaires, c’est un immense honneur et une source de fierté que de bénéficier de la haute confiance du président de la République, commandant suprême des forces armées, et du Conseil des ministres, pour prendre la tête de l’armée, garante de l’unité, de la souveraineté et de l’indépendance du Liban. » Cette nomination, survenue le 17 mars 2025, intervient dans une période critique pour le pays, marquée par des menaces extérieures et des défis internes qui exigent une direction ferme et résolue.
Haykal a reconnu l’ampleur de la responsabilité qui lui incombe, soulignant les conditions difficiles traversées par la région. « Cette confiance s’accompagne d’une lourde responsabilité, dans un contexte régional complexe, qui m’oblige à redoubler d’efforts pour préserver ce dépôt sacré et avancer avec vous sur le chemin de l’honneur, du sacrifice et de la loyauté », a-t-il ajouté. Cette prise de fonction s’inscrit dans la continuité d’une carrière militaire longue et distinguée, au cours de laquelle il a pu observer de près la résilience et l’espoir des soldats, ainsi que la solidité d’une institution bâtie sur les fondations du sacrifice et du martyr.
Le nouveau commandant a succédé au général Joseph Aoun, qui, après avoir dirigé l’armée pendant des années marquées par des crises sans précédent, a été élu président de la République le 9 janvier 2025, mettant fin à plus de deux ans de vacance institutionnelle. Cette transition au sein de l’armée coïncide avec une nouvelle ère politique, symbolisée par la formation du gouvernement de Nawaf Salam en février 2025, qui a promis des réformes pour sortir le pays de l’impasse.
Une armée face à des défis historiques
Dans son discours, Haykal a insisté sur la nécessité d’une cohésion sans faille au sein des forces armées pour maintenir leur rôle de rempart national. « La poursuite de la mission de l’armée, garante de la patrie, exige que nous unissions nos efforts en tant que frères d’armes – officiers, sous-officiers et soldats – en nous accrochant aux constantes nationales, en croyant fermement en notre mission de soldats et en la sainteté du devoir, avec une volonté inébranlable », a-t-il déclaré. Cette unité est d’autant plus cruciale que le Liban fait face à des défis d’une ampleur historique.
Parmi ces défis, le général a mis en avant les menaces persistantes de l’ennemi israélien, qui continue de violer la souveraineté libanaise par des attaques répétées. La guerre de 2024 entre le Hezbollah et Israël, qui a fait des milliers de victimes et déplacé 1,4 million de personnes, reste une plaie ouverte. Le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, prolongé jusqu’au 18 février 2025, a été marqué par des violations, comme les frappes israéliennes du 16 mars 2025 ayant causé quatre morts. Ces tensions placent l’armée au cœur d’un double impératif : appliquer la résolution 1701 de l’ONU en coopération avec la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban) et protéger le front intérieur contre le terrorisme.
Haykal a également souligné que la stabilité sécuritaire est une condition préalable au redressement économique, social et développemental du Liban. Depuis la crise économique de 2019, la livre libanaise a perdu plus de 97 % de sa valeur, plongeant plus de 80 % de la population dans la pauvreté (estimations de 2023). La guerre de 2024 a aggravé cette situation, détruisant des infrastructures et freinant les efforts de reconstruction. Dans ce contexte, l’armée doit non seulement assurer la sécurité, mais aussi incarner un espoir de relance pour un pays épuisé par des années de tourmente.
Une promesse de soutien aux soldats
Le général Haykal a tenu à s’adresser directement aux militaires, affirmant sa présence à leurs côtés dans cette mission exigeante. « Dans ces circonstances exceptionnelles, sachez que je suis avec vous et devant vous en tant que commandant », a-t-il assuré, avant de détailler ses engagements. Il a promis une vigilance constante pour améliorer les conditions de vie des soldats, qui ont enduré d’immenses pressions ces dernières années en raison de la dévaluation monétaire et de la crise économique. Les salaires, autrefois suffisants, ne couvrent plus les besoins essentiels, et les militaires ont souvent dû compter sur des aides ponctuelles pour survivre.
Il s’est également engagé à développer et moderniser l’institution, visant à atteindre les plus hauts standards de performance. « Nous avons tous un rôle à jouer pour élever notre armée à un niveau supérieur », a-t-il dit, évoquant des efforts pour renforcer les capacités opérationnelles face aux menaces contemporaines, comme le terrorisme et les cyberattaques. Haykal a promis de préserver l’indépendance de l’armée, de soutenir les blessés et de honorer l’héritage des martyrs, tout en incarnant des valeurs de transparence, d’intégrité et de compétence.
Enfin, il a souligné sa détermination à répondre aux aspirations du peuple libanais, en particulier des jeunes générations, qui rêvent d’un Liban retrouvant sa place parmi les nations civilisées. « Nous devons être à la hauteur des attentes des Libanais pour restaurer la stature lumineuse de notre pays et sa position distinctive », a-t-il ajouté, appelant à une mobilisation collective pour surmonter les obstacles.
Une armée au cœur de la résilience nationale
Le discours de Haykal met en lumière le rôle central de l’armée dans la résilience du Liban. Depuis sa création, l’institution militaire a été un symbole d’unité dans un pays souvent divisé par des clivages confessionnels et politiques. Pendant la guerre civile (1975-1990), elle a évité l’effondrement total en maintenant une neutralité relative, malgré des périodes de fragmentation. Depuis, elle a joué un rôle clé dans la lutte contre le terrorisme, notamment lors des affrontements avec des groupes extrémistes à Ersal en 2014-2017, et dans la gestion des crises sécuritaires liées au conflit syrien.
Sous le commandement de Joseph Aoun (2017-2025), l’armée a traversé des épreuves majeures : la crise économique, l’explosion du port de Beyrouth en 2020, et la guerre de 2024. Malgré des ressources limitées, elle a maintenu sa présence sur les frontières et dans les zones sensibles, collaborant avec la FINUL pour appliquer la résolution 1701, qui exige le désarmement des milices et le contrôle exclusif de l’État sur le Sud. Haykal hérite de cet héritage, avec pour mission de consolider ces acquis dans un contexte encore plus complexe.
Un contexte régional explosif
La prise de commandement de Haykal survient dans une période de tensions régionales intenses. Les affrontements entre le Hezbollah et Israël, bien que temporairement freinés par le cessez-le-feu de novembre 2024, restent une menace constante. Les violations israéliennes, combinées à la présence persistante de troupes dans cinq positions au Sud, maintiennent la pression sur l’armée libanaise, qui doit coordonner ses efforts avec la FINUL pour éviter une escalade. Parallèlement, le conflit syrien continue d’influencer la sécurité intérieure, avec des flux de réfugiés et des risques d’infiltration terroriste.
Sur le plan intérieur, la crise économique reste le défi le plus pressant. Les soldats, comme la population, souffrent de l’effondrement du système bancaire et de la hausse des coûts de la vie. En 2023, des aides internationales, notamment des États-Unis (150 millions de dollars par an jusqu’en 2023), ont permis de soutenir l’armée, mais ces fonds sont désormais conditionnés à des réformes et à une coopération accrue contre le Hezbollah, comme l’ont exigé les États-Unis en mars 2025. Haykal devra naviguer dans ces eaux troubles, équilibrant les pressions externes et les besoins internes.