dimanche, avril 27, 2025

Les derniers articles

Articles liés

Sécheresse: Suspension d’usines de production hydroélectrique au Liban

- Advertisement -

La Régie nationale du Litani a annoncé aujourd’hui, dans un communiqué officiel, une suspension totale de l’usine hydroélectrique Abdel Aal et une suspension partielle des usines Arquash et Helou pour une durée de six semaines, à compter du 17 mars 2025. Cette mesure drastique répond à une sécheresse exceptionnelle qui frappe le Liban cette année, qualifiée de la pire depuis plus de 65 ans. Face à une diminution critique des réserves d’eau dans la retenue de Qaraoun, cette décision vise à préserver les ressources hydriques pour l’irrigation estivale et à maintenir une production d’énergie hydroélectrique minimale pendant les heures de pointe. Alors que le pays traverse des crises économiques et sécuritaires persistantes, cette sécheresse met en lumière les défis croissants liés à la gestion de l’eau et de l’électricité dans un contexte de changement climatique et de tensions régionales.

Une sécheresse sans précédent à l’origine de la suspension

Le communiqué de la Régie indique que cette suspension est une réponse directe à la sécheresse sévère qui affecte le Liban en 2025. Le niveau de la retenue de Qaraoun, située sur le fleuve Litani, a chuté à un seuil alarmant de 62 millions de mètres cubes, soit seulement 25 % de sa capacité normale estimée à environ 220 millions de mètres cubes. Cette retenue, mise en service en 1959, est essentielle à la production hydroélectrique, à l’irrigation des terres agricoles de la Bekaa, et à l’approvisionnement en eau potable pour plusieurs régions. Cependant, la sécheresse actuelle – la plus grave depuis plus de six décennies – a réduit de manière dramatique les précipitations et les apports fluviaux, mettant en péril ces fonctions vitales.

« Cette mesure a été prise pour préserver les quantités d’eau nécessaires aux projets d’irrigation pendant l’été et pour garantir la production d’énergie hydroélectrique durant les heures de pointe », précise le communiqué. L’usine Abdel Aal, située près de Qaraoun, sera complètement arrêtée, tandis que les usines Arquash (sur la rivière Awali) et Helou (à Joun) fonctionneront à capacité réduite pendant six semaines. Ces trois installations, qui génèrent jusqu’à 190 mégawatts en temps normal, jouent un rôle crucial dans l’approvisionnement énergétique du pays, déjà fragilisé par des décennies de sous-investissement et une dépendance aux carburants importés.

Cette sécheresse exceptionnelle s’inscrit dans une tendance alarmante. Jusqu’en 2023, des rapports avaient signalé une diminution progressive des précipitations dans la région du Litani, attribuée au changement climatique et à des cycles météorologiques défavorables. En mars 2019, le stock de Qaraoun atteignait encore 211 millions de mètres cubes, un niveau bien supérieur à celui de 2025. La crise actuelle, exacerbée par les répercussions des conflits régionaux et une gestion hydrique sous tension, place le Liban face à une urgence hydrologique sans précédent depuis la création de la retenue il y a 65 ans.

Coordination avec les autorités pour limiter l’impact énergétique

Pour atténuer les conséquences de cette suspension sur l’approvisionnement électrique, la Régie a informé le ministère de l’Énergie et des Eaux ainsi que l’Établissement public d’électricité du Liban (EDL) afin qu’ils prennent les mesures nécessaires. Les usines Abdel Aal et Arquash alimentent directement des stations de 15 kV qui desservent les réseaux d’EDL dans plusieurs régions : la Bekaa occidentale (Sohmor, Machghara, Qaraoun, Saghbine et environs), le Chouf (Joun, Baatr et environs), ainsi que le caza de Jezzine et la région d’Iqlim el-Touffah. Ces zones, dépendantes de l’énergie hydroélectrique locale, risquent de subir des perturbations accrues avec cette réduction de production.

Le communiqué souligne que « l’électricité fournie aux villages et municipalités directement connectés aux usines Abdel Aal et Arquash dépendra désormais de la production d’EDL, qui assume la responsabilité des programmes de rationnement dans ces zones ». Cette transition intervient dans un contexte où EDL peine déjà à répondre à la demande nationale. En 2023, l’électricité publique ne couvrait que 3 à 6 heures par jour dans de nombreuses régions, obligeant les habitants à recourir à des générateurs privés coûteux. La suspension des usines risque d’allonger ces périodes de coupure, accentuant les difficultés des ménages et des entreprises dans un pays où l’énergie reste un luxe rare.

La Régie a également lancé un appel aux citoyens pour qu’ils réduisent leur consommation d’électricité. « Nous invitons tous les habitants à rationaliser leur usage de l’énergie pour éviter une surcharge des lignes de moyenne tension de 15 kV, qui pourrait provoquer des pannes affectant la stabilité du réseau », indique le communiqué. Cette mise en garde reflète la fragilité des infrastructures électriques libanaises, souvent sujettes à des défaillances en raison de leur vétusté et d’un manque d’entretien chronique, comme l’arrêt prolongé de l’usine Abdel Aal en 2024 pour des travaux de réhabilitation.

Une période de maintenance stratégique

Profitant de cette suspension imposée par la sécheresse, la Régie prévoit de réaliser une maintenance complète des unités de production et des installations hydrauliques des usines concernées. « Cette interruption sera utilisée pour effectuer des travaux d’entretien approfondis sur les groupes de production et les infrastructures hydrauliques, assurant leur fiabilité lors de la reprise des opérations », explique le communiqué. Ces travaux incluront la révision des turbines, des vannes et des systèmes de régulation, essentiels pour optimiser la performance des usines une fois les conditions hydriques améliorées.

Cette démarche s’inscrit dans une stratégie de long terme pour maintenir l’efficacité des installations hydroélectriques du Litani, qui représentent environ 7 % de la production énergétique totale du Liban en période normale. Jusqu’en 2023, des interruptions similaires pour maintenance avaient été documentées, notamment à Abdel Aal, où des pannes répétées avaient nécessité des réparations coûteuses. En 2025, cette suspension forcée par la sécheresse offre une opportunité pour renforcer ces infrastructures, malgré les contraintes budgétaires qui limitent les investissements dans le secteur public.

Une sécheresse aux répercussions multiples

La sécheresse de 2025 n’est pas un phénomène isolé ; elle s’ajoute à une série de crises qui fragilisent le Liban depuis des années. La guerre Hezbollah-Israël de 2024, qui a déplacé 1,4 million de personnes et détruit des infrastructures clés, a déjà mis sous pression les ressources du pays. La crise économique, débutée en 2019, a vu la livre libanaise perdre plus de 97 % de sa valeur, plongeant plus de 80 % de la population dans la pauvreté selon des estimations de 2023. Dans ce contexte, l’eau et l’électricité, deux ressources vitales, deviennent des enjeux de survie pour une population épuisée par des années de privations.

La retenue de Qaraoun, outre son rôle énergétique, irrigue des milliers d’hectares de terres agricoles dans la Bekaa, une région essentielle à la sécurité alimentaire du Liban. La baisse de son niveau menace la production agricole pour l’été 2025, alors que les agriculteurs dépendent de ces ressources pour cultiver céréales, légumes et fruits dans une période de pénurie alimentaire croissante. Par ailleurs, la qualité de l’eau de Qaraoun, déjà compromise par la pollution industrielle et domestique signalée dès 2018, risque de se détériorer davantage avec cette concentration réduite, affectant potentiellement l’approvisionnement en eau potable.

Sur le plan énergétique, la suspension des usines hydroélectriques accentue la dépendance du Liban à l’égard des centrales thermiques, qui fonctionnent au fioul importé – une ressource coûteuse et souvent en pénurie. En août 2024, EDL avait cessé de produire de l’électricité pendant plusieurs jours faute de carburant, plongeant le pays dans le noir. La sécheresse de 2025 réduit encore davantage la marge de manœuvre d’un secteur énergétique au bord de l’effondrement, obligeant les autorités à jongler entre des priorités concurrentes : irrigation, énergie et stabilité sociale.

Un appel à la responsabilité collective

Face à cette crise, la Régie a exhorté les citoyens à adopter une consommation responsable de l’électricité pour limiter les risques de surcharge sur le réseau. Cette recommandation, bien que pragmatique, intervient dans un pays où les habitants ont peu de contrôle sur leur approvisionnement énergétique, dépendant souvent de générateurs privés ou de réseaux informels. La demande accrue pendant les heures de pointe, combinée à la réduction de la production hydroélectrique, pourrait effectivement provoquer des pannes en cascade, comme celles observées en 2023 dans la Bekaa lors de vagues de chaleur.

La Régie insiste également sur son engagement à gérer durablement les ressources hydriques. « Nous réaffirmons notre détermination à atténuer les conséquences de cette crise tout en assurant la continuité de l’approvisionnement en eau d’irrigation et en énergie électrique dans la mesure des capacités disponibles », conclut le communiqué. Cet engagement reflète une volonté de préserver un équilibre fragile entre les besoins immédiats et les impératifs à long terme, dans un contexte où les solutions structurelles – comme la modernisation des barrages ou la diversification des sources d’énergie – restent entravées par des contraintes financières et politiques.

Une crise révélatrice des défis climatiques

La sécheresse de 2025 met en lumière la vulnérabilité croissante du Liban face au changement climatique. Jusqu’en 2023, des études avaient prédit une réduction des précipitations dans le bassin du Litani, avec des impacts potentiels sur l’agriculture, l’énergie et l’approvisionnement en eau. La crise actuelle dépasse ces prévisions, plaçant les autorités devant un dilemme : préserver les réserves pour l’été au détriment de la production électrique immédiate, ou risquer une pénurie hydrique totale dans les mois à venir.

Sous la présidence de Joseph Aoun, élu en janvier 2025, et le gouvernement de Nawaf Salam, formé en février, le Liban tente de se relever de ses crises multiples. Cependant, la sécheresse ajoute une couche de complexité à une feuille de route déjà ambitieuse, qui inclut la reconstruction post-guerre, les réformes économiques et la stabilisation sécuritaire face aux tensions avec Israël. La Régie du Litani, en suspendant ses usines, illustre les choix difficiles imposés par des ressources limitées dans un pays au bord de l’épuisement.

- Advertisement -
Newsdesk Libnanews
Newsdesk Libnanewshttps://libnanews.com
Libnanews est un site d'informations en français sur le Liban né d'une initiative citoyenne et présent sur la toile depuis 2006. Notre site est un média citoyen basé à l’étranger, et formé uniquement de jeunes bénévoles de divers horizons politiques, œuvrant ensemble pour la promotion d’une information factuelle neutre, refusant tout financement d’un parti quelconque, pour préserver sa crédibilité dans le secteur de l’information.

A lire aussi