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Visite avortée de parlementaires français : symbole d’un gel diplomatique ?

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Le 22 avril 2025, le gouvernement israélien a annulé les visas d’entrée d’une délégation de 27 députés et élus français issus principalement des partis de gauche et d’extrême-gauche, prévue pour une visite de trois jours dans les territoires palestiniens. Cette décision, prise à la veille de leur départ, a suscité une vive réaction de Paris et relance la question des relations entre Israël et la France dans un contexte diplomatique déjà sous tension.

La délégation française, composée de parlementaires écologistes, communistes et insoumis, prévoyait une série de rencontres avec des ONG palestiniennes, des élus locaux à Ramallah et des représentants des églises chrétiennes de Jérusalem. Le programme initial prévoyait également une conférence au consulat général de France à Jérusalem-Est, en coordination avec les autorités consulaires. Selon des sources internes, cette visite visait à « marquer la solidarité de la République avec le peuple palestinien face aux souffrances subies à Gaza ».

Israël justifie sa décision par une législation en vigueur depuis 2017, qui interdit l’entrée sur le territoire à toute personne ou entité soutenant les campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) à l’encontre de l’État hébreu. Le ministère de l’Intérieur israélien a publié un communiqué affirmant que certains membres de la délégation « ont exprimé des positions radicales incompatibles avec le respect de la souveraineté israélienne et encouragé des actions hostiles à l’État ».

Cette décision a provoqué une onde de choc à Paris. Le président de l’Assemblée nationale a immédiatement exprimé sa « consternation face à un acte de censure diplomatique ». Le ministère français des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadrice d’Israël en France pour lui faire part de « l’incompréhension des autorités françaises ». Plusieurs élus de la majorité ont exprimé leur soutien à la délégation bloquée, qualifiant la mesure d’« atteinte à la liberté de circulation des représentants du peuple français ».

Du côté israélien, des voix proches du gouvernement saluent la fermeté de la décision. Des éditorialistes conservateurs affirment que « la France ne peut pas jouer sur deux tableaux », critiquant la multiplication des critiques françaises contre la politique israélienne à Gaza, tout en maintenant des partenariats économiques et militaires. L’ambassade d’Israël à Paris a tenté d’apaiser les tensions en soulignant « l’importance du dialogue parlementaire », tout en défendant la souveraineté d’Israël dans le contrôle de ses frontières.

Cet incident intervient dans un contexte plus large de refroidissement des relations franco-israéliennes. Depuis le début de l’offensive israélienne à Gaza, Paris a multiplié les appels à la trêve et exprimé son inquiétude face aux pertes civiles. Le président Emmanuel Macron a évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’une reconnaissance unilatérale de l’État palestinien par la France, une option qui irrite profondément les autorités israéliennes.

La diplomatie parlementaire, canal traditionnel de dialogue informel entre États, se retrouve fragilisée. Les élus concernés dénoncent un précédent dangereux et appellent à une réponse politique ferme. Certains demandent la suspension de la coopération parlementaire bilatérale, d’autres la réévaluation des accords commerciaux. La question d’un boycott diplomatique partiel d’Israël est posée dans certains cercles de la gauche française.

L’opinion publique française est elle aussi polarisée. Les sympathisants de la majorité présidentielle défendent une ligne équilibrée : soutien au droit d’Israël à se défendre, mais refus de l’usage disproportionné de la force. À gauche, les critiques s’intensifient. Plusieurs intellectuels, figures médiatiques et syndicats dénoncent ce qu’ils qualifient de « dérive autoritaire » d’Israël et appellent à des sanctions internationales. À droite et à l’extrême-droite, les réactions sont plus mesurées, soulignant la nécessité pour la France de « ne pas compromettre ses alliances stratégiques ».

Sur le plan européen, la France n’est pas isolée. D’autres délégations parlementaires prévoyaient de se rendre dans les territoires palestiniens dans les semaines à venir. Des élus belges, espagnols et irlandais s’interrogent désormais sur le maintien de leurs missions. Certains envisagent des visites alternatives sous l’égide d’ONG internationales ou d’agences de l’ONU. L’incident diplomatique avec la France pourrait faire jurisprudence, menant à une réduction générale de la présence parlementaire occidentale dans les zones sous autorité palestinienne.

Israël, pour sa part, assume une ligne dure. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou considère que le soutien international à la cause palestinienne est un « vecteur indirect de la légitimation du terrorisme ». Il accuse certaines élites européennes de « duplicité morale », affirmant que « ceux qui pleurent les civils à Gaza devraient aussi condamner les attaques du Hamas avec la même force ». Ce discours rencontre un écho dans une partie de la population israélienne, exaspérée par ce qu’elle perçoit comme un deux poids deux mesures dans le traitement médiatique des conflits.

La crise actuelle révèle un décalage croissant entre les discours officiels et les réalités diplomatiques. Le dialogue interparlementaire, censé incarner la souplesse et la proximité, se trouve confronté à une logique de fermeture. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et puissance historique au Moyen-Orient, voit son rôle de médiateur contesté. La perception d’un alignement de plus en plus clair sur la reconnaissance d’un État palestinien met à mal la relation avec Tel Aviv.

Au sein même du Quai d’Orsay, certains diplomates alertent sur une possible perte d’influence de la France dans la région si le gel se confirme. Les projets de coopération scientifique, culturelle et sécuritaire pourraient en pâtir. L’Agence française de développement (AFD), présente dans plusieurs projets de reconstruction à Gaza, s’interroge sur la suite à donner à ses engagements, notamment en matière d’accès aux bénéficiaires.

L’épisode de la délégation interdite d’entrée cristallise donc plusieurs fractures : entre souveraineté et diplomatie, entre droit international et logique sécuritaire, entre proximité historique et réalignements stratégiques. Il témoigne d’un durcissement israélien vis-à-vis de toute critique, mais aussi d’une affirmation française plus explicite de sa politique moyen-orientale.

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Newsdesk Libnanews
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