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Guerre à Gaza, tension au Liban : une sécurité en équilibre instable

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Le conflit à Gaza comme point de bascule régional

Depuis octobre 2023, la guerre entre Israël et le Hamas a provoqué un réalignement profond des rapports de force au Moyen-Orient. En avril 2025, l’intensité des combats a certes diminué, mais le conflit continue de faire rage, avec une implication militaire accrue d’Israël et une mobilisation régionale inédite des acteurs non étatiques. Le Liban, et en particulier son Sud, se retrouve au cœur de cette recomposition, en tant que front potentiel d’escalade mais aussi comme barycentre diplomatique des tensions israélo-iraniennes. Les négociations indirectes entre Israël et le Hamas ont de nouveau échoué au Caire. En cause : l’exigence israélienne du désarmement total de la branche armée du Hamas, condition posée à tout retrait ou cessez-le-feu durable. Cette position est jugée inacceptable par les responsables du Hamas, qui considèrent leur arsenal comme une garantie de souveraineté et de résistance. La poursuite du conflit à Gaza a un effet domino immédiat sur les lignes de front régionales. Et le Sud-Liban, théâtre historique des confrontations entre Israël et le Hezbollah, redevient une zone de confrontation stratégique indirecte, comme l’illustrent les nombreuses escarmouches signalées en mars et avril 2025.

Le Sud-Liban sous pression : théâtre d’une guerre latente

Depuis janvier 2024, la frontière israélo-libanaise connaît une recrudescence des incidents. Des échanges de tirs ont été signalés près de Aïta al-Chaab, Maroun al-Ras et Alma al-Chaab. Ces escarmouches restent localisées mais régulières, et sont systématiquement suivies de reconnaissances aériennes israéliennes et de déploiements dissuasifs du Hezbollah. L’armée libanaise, quant à elle, reste en retrait, faute de moyens logistiques et politiques. Sa présence au Sud est symbolique, souvent cantonnée à des points de contrôle secondaires, tandis que les zones les plus proches de la Ligne bleue sont, de facto, sous surveillance conjointe du Hezbollah et de la FINUL. On évoque une militarisation rampante du Sud, avec la construction de nouvelles tranchées, le déplacement de familles et une pression psychologique constante sur les populations civiles. Le Hezbollah, sans revendiquer ouvertement les attaques, laisse circuler des vidéos montrant ses unités en manœuvre, dans une logique de dissuasion calibrée. Cette situation crée une zone grise sécuritaire, dans laquelle l’État libanais est marginalisé, la population exposée, et la souveraineté théorique remplacée par des équilibres de force non officiels.

Le Hezbollah entre calcul dissuasif et encerclement politique

Pour le Hezbollah, le conflit à Gaza est à la fois un défi et une opportunité. Le mouvement chiite voit dans l’épreuve du Hamas une répétition générale de ce qui pourrait lui arriver. L’exigence israélienne de désarmement, la pression militaire constante, les campagnes de diabolisation internationales sont autant de signaux qui renforcent son refus catégorique de tout désengagement armé. Le Hezbollah a réaffirmé sa stratégie de résistance intégrée, qui lie la dissuasion armée à une doctrine de souveraineté populaire. Le parti considère que la chute du Hamas serait le prélude à une offensive globale contre les mouvements de résistance dans la région, et donc un signal de vulnérabilité. Mais ce positionnement stratégique s’accompagne d’un encerclement diplomatique croissant. L’Arabie saoudite a conditionné toute reprise économique libanaise à des gestes visibles de réaffirmation de l’autorité de l’État, une formule qui vise implicitement le Hezbollah. Les pressions américaines, même plus discrètes, suivent la même logique. Le parti doit gérer une équation complexe : maintenir sa capacité militaire, préserver ses alliances régionales, tout en évitant une escalade directe avec Israël qui pourrait lui être politiquement coûteuse au Liban même. D’où une stratégie d’intervention indirecte, dosée, mais déterminée, souvent opérée via les groupes alliés de la région.

L’armée libanaise : neutralité tactique ou marginalisation stratégique ?

Dans ce contexte, l’armée libanaise tente de se positionner comme force stabilisatrice, sans s’impliquer directement dans les tensions du Sud. Le président Joseph Aoun, ancien chef de l’armée, a renforcé son soutien à l’institution militaire, mais le financement reste insuffisant, la coordination avec la FINUL limitée, et la capacité de dissuasion quasi nulle. La doctrine officielle de l’armée repose sur le respect de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui impose une cessation des hostilités et une zone tampon. Mais dans les faits, l’armée n’a ni les moyens ni l’autorité politique pour imposer cette résolution, surtout dans des zones considérées comme bastions du Hezbollah. Plusieurs officiers s’inquiètent d’un glissement progressif vers une dualité sécuritaire, où l’État serait relégué à un rôle d’observateur. Cette situation fragilise la crédibilité de l’armée auprès des populations du Sud, mais aussi auprès des partenaires internationaux, qui conditionnent leur aide à un minimum d’autonomie opérationnelle.

Le facteur israélien : doctrine d’endiguement ou escalade calibrée ?

Du côté israélien, la stratégie reste ambiguë. D’un côté, Israël évite une guerre ouverte avec le Hezbollah, conscient du coût humain, militaire et diplomatique d’un tel affrontement. De l’autre, des préparatifs d’intervention ciblée sont en cours, notamment dans le cadre d’une stratégie de désarmement préventif si le Hezbollah franchissait certaines lignes rouges. Israël teste en permanence les lignes de tolérance du Hezbollah, avec des survols aériens, des frappes ponctuelles sur des dépôts supposés d’armes, et des menaces de représailles disproportionnées. Cette logique d’endiguement vise à limiter la capacité d’action du Hezbollah tout en maintenant l’avantage tactique. Mais elle comporte un risque d’escalade involontaire. Plusieurs analystes israéliens alertent sur le syndrome du point de non-retour, c’est-à-dire un engrenage de représailles qui mènerait à une guerre ouverte, sans plan de sortie. Ce risque est d’autant plus réel que la chaîne de commandement israélienne est affaiblie, et que le gouvernement Netanyahou est de plus en plus contesté en interne.

Une sécurité régionale à redéfinir : le Liban au bord de l’implosion stratégique

L’ensemble de cette situation révèle une vérité stratégique inquiétante : le Liban n’a plus de politique de sécurité nationale. Entre les pressions externes, la paralysie interne, la dualité militaire et la fragilité diplomatique, le pays vit une forme de suspension stratégique, où les décisions sont prises ailleurs, les tensions maîtrisées par d’autres, et les conséquences subies localement. Les régions du Sud sont devenues des zones tampons sans souveraineté réelle, où la population vit sous la menace constante de la guerre, entre présence du Hezbollah, survols israéliens et absence de l’État. Ce vide stratégique appelle une refonte complète de la doctrine de défense nationale. Mais dans le contexte politique actuel, où le dialogue entre les forces politiques est fragmenté, où la réforme de l’armée est suspendue, et où l’influence étrangère est omniprésente, une telle refonte paraît lointaine. Le Hezbollah, de son côté, continue de s’imposer comme acteur militaire majeur. Mais à quel prix ? Son maintien dans un rôle de résistance armée renforce les logiques de conflit, attise les tensions internes et empêche toute normalisation régionale durable.

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Newsdesk Libnanews
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