Les derniers articles

Articles liés

Cambriolage à la Cour des comptes : un acte criminel au cœur des institutions libanaises

- Advertisement -

Le 17 mai 2025, le président de la Cour des comptes du Liban, le juge Mohammad Badran, a publié une déclaration officielle en réponse à des propos tenus par un ancien ministre de l’Intérieur lors d’un entretien radiophonique. Celui-ci avait insinué que le président avait déserté son poste pendant deux semaines, évoquant un « vol de bureau », en allusion ironique à une prétendue absence injustifiée. Cette déclaration a contraint le magistrat à révéler qu’un cambriolage avait bien eu lieu dans le bâtiment de la Cour des comptes, en plein centre de Beyrouth, mettant en lumière des lacunes criantes dans la sécurité des institutions publiques libanaises.

Un cambriolage ciblé et prémédité

Selon les précisions fournies par le juge Badran, l’intrusion s’est produite de nuit. Des individus non identifiés ont escaladé l’échelle de secours du bâtiment pour atteindre le toit. Ils y ont d’abord dérobé des câbles en cuivre, destinés à alimenter les équipements d’énergie solaire récemment installés. Ensuite, ils se sont introduits dans les étages supérieurs, notamment au septième étage, où se trouvent les bureaux du président et du service comptable, ainsi qu’au deuxième étage, altérant le contenu de plusieurs pièces. Cette opération, menée avec précision, a été rapidement détectée. Le président a aussitôt alerté le procureur général près la Cour de cassation. Une enquête judiciaire a été ouverte dans la foulée.

Une réponse judiciaire immédiate

Le juge Badran n’a pas tardé à informer les autorités judiciaires et sécuritaires. Il a contacté le procureur général et a demandé l’ouverture immédiate d’une enquête, confiée à un officier de justice spécialisé. En parallèle, deux lettres officielles ont été envoyées : l’une au ministre de l’Intérieur en exercice pour renforcer la garde autour du bâtiment, l’autre au Premier ministre pour que les services de sécurité soient mobilisés en priorité sur ce dossier. Ces mesures montrent la volonté du président de traiter l’affaire non comme un incident isolé, mais comme une atteinte grave à la sécurité d’une institution constitutionnelle.

Des institutions vulnérables

Cet acte criminel ne constitue pas un cas unique. Ces deux dernières années, plusieurs institutions publiques ont été la cible de tentatives d’intrusion ou de sabotage. En novembre 2023, des documents sensibles ont été subtilisés au ministère des Finances. En janvier 2024, une tentative d’intrusion a visé le ministère de l’Énergie. À chaque fois, les enquêtes ont été ouvertes mais peu ont abouti à des inculpations. Ce contexte souligne une faiblesse structurelle dans la protection des sites stratégiques de l’État libanais, malgré les recommandations récurrentes des organes de contrôle.

Le cuivre : une cible prisée dans un contexte de crise

Le vol de câbles en cuivre n’est pas anodin. Ce métal, qualifié d’« or rouge », connaît une forte demande sur le marché noir. Le Liban, plongé dans une crise économique profonde depuis 2019, voit se multiplier ce type de vols dans les installations publiques. Entre janvier et avril 2025, selon les Forces de sécurité intérieure (FSI), plus de 240 cas de vols de cuivre ont été enregistrés, soit une hausse de 34 % par rapport à la même période en 2024. Les installations solaires, de plus en plus courantes dans les bâtiments publics, sont devenues des cibles régulières, car elles contiennent des composants facilement revendables à l’étranger.

Instrumentalisation politique d’un fait criminel

L’élément déclencheur de la déclaration de Badran reste l’intervention d’un ancien ministre de l’Intérieur sur les ondes. Celui-ci, sans fondement, a insinué une absence prolongée du président de la Cour. Cette déclaration a été perçue comme une tentative de décrédibilisation, dans un contexte de tension entre certains responsables politiques et les institutions de contrôle. En effet, la Cour des comptes a récemment publié plusieurs rapports critiques sur la gestion de fonds publics par différents ministères, dont celui de l’Intérieur. Ces rapports, bien que techniques, ont mis en lumière des pratiques opaques, des appels d’offres douteux et des irrégularités dans les marchés publics.

Appel à la rigueur médiatique

Dans sa déclaration, le juge Badran a également lancé un appel aux journalistes et aux commentateurs politiques. Il leur a demandé d’éviter la désinformation, de « tirer les informations de leurs sources vérifiables » et de respecter la vérité factuelle. Il a rappelé que la fonction qu’il occupe impose transparence, mais aussi rigueur dans la communication publique. Il a réaffirmé son attachement à l’indépendance de l’institution qu’il dirige, soulignant que celle-ci doit demeurer hors du champ des luttes partisanes.

Une enquête encore en cours

L’enquête ouverte à la suite de l’intrusion se poursuit sous la supervision directe du parquet général. Les enquêteurs ont relevé des empreintes, des traces de pas, ainsi que des marques de forçage. La piste du vol organisé, avec une possible complicité interne, n’est pas écartée. Selon une source proche du dossier, les bureaux ciblés contenaient des documents sensibles liés à des audits en cours. Si tel était le cas, le cambriolage prendrait une tout autre dimension, celle d’une tentative d’entrave à la justice financière.

Réactions au sein de la classe politique

Face à l’ampleur de l’affaire, plusieurs responsables politiques se sont exprimés. Certains députés membres de la commission des Finances ont soutenu la Cour des comptes et appelé à renforcer son autonomie fonctionnelle. D’autres, au contraire, ont relativisé les faits. Une proposition de loi, déposée en mars 2024, visant à doter la Cour d’un service de sécurité propre, est revenue au cœur du débat. Elle prévoit la création d’un corps autonome, rattaché directement au président de la Cour, formé et encadré par le ministère de la Justice.

Un précédent dans l’Inspection centrale

Ce cambriolage rappelle un précédent : en mai 2023, le bureau de l’Inspection centrale avait été forcé. À l’époque, des documents concernant les nominations dans la fonction publique avaient été volés. L’affaire n’a jamais été élucidée, faute d’images de vidéosurveillance. Elle avait soulevé une vague d’indignation, vite retombée. Le cas actuel pourrait suivre le même chemin si les autorités judiciaires ne poursuivent pas les investigations jusqu’au bout.

- Advertisement -
Newsdesk Libnanews
Newsdesk Libnanewshttps://libnanews.com
Libnanews est un site d'informations en français sur le Liban né d'une initiative citoyenne et présent sur la toile depuis 2006. Notre site est un média citoyen basé à l’étranger, et formé uniquement de jeunes bénévoles de divers horizons politiques, œuvrant ensemble pour la promotion d’une information factuelle neutre, refusant tout financement d’un parti quelconque, pour préserver sa crédibilité dans le secteur de l’information.