La visite du Président Français Emmanuel Macron a rappelé aux libanais la grandeur de la politique, celle d’un choix de société et d’un homme qui la réincarne, à la rencontre d’un peuple dans le meilleur et le pire. Certains iront même à prétendre dans la foulée de sa visite, qu’hier, ils ont découvert ce qu’est la politique.

Emmanuel Macron a rappelé à juste titre que les dirigeants libanais ont été élus et que le Liban est un pays souverain. Dans son discours et à certaines questions posées ensuite par les journalistes hier, Emmanuel Macron a implicitement mis les points sur les i. Et ils méritaient d’être mis.

Oui, les libanais, dans leur grande majorité, sont coupables comme le signalait à juste titre Emmanuel Macron parce qu’ils ont choisi, au lendemain de la guerre, de passer une loi, non pas d’amnistie mais d’amnésie, permettant à des seigneurs de guerre de se reconvertir en hommes politiques dont certains iront jusqu’aux plus hautes sphères de l’état. Oui, les libanais sont coupables d’avoir élu ces mêmes seigneurs de guerre, année après année, voire aujourd’hui leurs rejetons, à des postes clés, comme représentants du peuple. C’est cette loi d’amnistie qui a, au final, abouti à la corruption qui ravage les administrations publiques. Cette loi a amené ces derniers à un sentiment d’impunité, les laissant abuser de la population année après années, jusqu’à ce drame, qui, on peut l’espérer, amènera à ce sursaut également, ce même mot utilisé par le Président de la République Française.

Il est dur d’écrire sur ce gâchis de tant d’années jusqu’à ce que cette catastrophe se produise. C’est le peuple qui a échoué au final et non seulement des hommes pas vraiment politiques qui pensaient plus à leurs poches et intérêts personnels qu’à l’intérêt général.

Il y aurait beaucoup à dire, il serait dur de désigner des coupables parce qu’il n’y en a pas qu’un mais tout un système politique, économique, administratif, financier et social qui est en faillite. Un mot hier m’a interloqué, celui d’une faillite morale qui englobe toutes ces faillites. Le système, cette mentalité du Maalachi, toujours de positiver en dépit des circonstances qui vont de mal en pis, est en faillite, ce ne sont pas seulement les hommes mais ce système qui a permis de les protéger qu’il s’agit de changer.

La résilience du Peuple, chose mise en avant durant tant d’années, ne doit pas faire oublier la comptabilité des hommes politiques face à leurs actes, d’autant plus que ces derniers pensaient jouir d’une culture d’impunités multiples. Ils étaient excusés de tous leurs crimes quelqu’ils soient, durant même des années. Cette culture d’impunité a été accordée par un peuple dont l’immense majorité était menfichiste, servile, plus prompt à fuir qu’à se battre pour sa dignité dans son propre pays, jusqu’à en avaler couleuvre après couleuvre, crise après crise.

Il est vrai qu’il y a de quoi être en colère pour les personnes qui se sont éveillées face à ces abus.

Cette colère est saine et compréhensible. Cette colère de la rue fait suite à des années d’abus, de maltraitance d’hommes politiques qui se pensaient intouchables réfugiés dans leurs palais construits par les deniers publiques alors qu’aujourd’hui, sans même évoquer les victimes, 300 000 personnes vivent dans des maisons désormais insalubres.

Cette colère de la rue est l’émergence d’une révolution des esprits mais la prise de conscience avait déjà trouvé ses racines dans les différentes crises que les libanais ont traversé depuis des années.

Il doit y avoir un avant et il doit y avoir un après 4 août 2020, une rupture est nécessaire.

À juste titre aussi, Emmanuel Macron a appelé à l’émergence d’une nouvelle classe politique. Il ne s’agit pas de demander seulement à l’ancienne classe politique de quitter ses fonctions. Le vide n’est pas possible à accepter quand il y a tellement de travail à effectuer pour reconstruire un pays, à remettre en place un système capable d’affronter les défis à venir et seul Dieu sait combien ils sont nombreux face à nous. Il s’agit de la remplacer par des personnes plus vertueuses, celles qui ont le sens des responsabilités et de l’état, celles qui auront à servir un peuple et non qui qui l’asservissent.

C’est cela la noblesse de la politique en réalité, servir et il est temps de s’organiser pour avoir des personnes de ce calibre.