Les tensions autour du conflit israélo-libanais révèlent des divergences ostensibles entre les approches de la diplomatie israélienne et du ministère de la Défense, une dichotomie qui pourrait bien être une stratégie délibérée. Tandis que le ministre israélien des Affaires étrangères évoque des « progrès diplomatiques » vers une possible trêve, le ministre de la Défense adopte une posture radicalement différente, insistant sur le fait qu’il n’y aura ni cessez-le-feu ni fin du conflit sans une capitulation du Hezbollah. Cette discordance apparente entre la diplomatie et la défense semble bien orchestrée, visant à gagner du temps en attendant un possible réalignement politique international avec une éventuelle intronisation de Donald Trump aux États-Unis en janvier prochain.
Une dualité stratégique : diplomatie et intransigeance militaire
D’un côté, le ministre des Affaires étrangères israélien laisse entendre que des canaux diplomatiques pourraient permettre d’aboutir à une désescalade. Ces déclarations, qui se veulent rassurantes pour la communauté internationale, peuvent être perçues comme un moyen d’apaiser les tensions globales et de montrer une image d’ouverture au dialogue. Elles permettent également d’entretenir l’idée d’une issue diplomatique qui offrirait à Israël une marge de manœuvre, tout en laissant entrevoir la possibilité d’un accord favorable.
À l’opposé, le ministre de la Défense adopte un discours inflexible. En affirmant qu’Israël ne cessera ses frappes contre le Hezbollah qu’après une capitulation totale, il place le conflit sur un registre de confrontation totale et joue la carte de la fermeté militaire. Cette intransigeance sert non seulement à maintenir la pression sur le Hezbollah, mais elle rassure aussi les partisans d’une ligne dure au sein d’Israël, tout en envoyant un message dissuasif aux alliés du Hezbollah dans la région.
Une tactique de temporisation en vue de l’intronisation de Donald Trump ?
Cette stratégie semble s’inscrire dans un calendrier politique bien calculé. Avec l’élection récente de Donald Trump, dont le soutien indéfectible à Israël est bien connu, l’État hébreu pourrait attendre un alignement diplomatique plus favorable aux États-Unis. En effet, Trump, s’il reprend ses fonctions en janvier, pourrait réitérer son soutien aux positions israéliennes, voire encourager une redéfinition des résolutions de l’ONU, notamment la résolution 1701, qui encadre les opérations militaires au sud du Liban.
L’actuel président américain, Joe Biden, bien qu’allié d’Israël, adopte une position plus équilibrée en maintenant des canaux de communication ouverts avec d’autres acteurs régionaux. Israël pourrait donc voir dans la réélection de Trump une opportunité pour renforcer sa marge d’action au Liban. En attendant, la stratégie de double discours permet de maintenir la situation en suspens, sans s’engager dans des négociations précipitées ou dans une trêve qui pourrait affaiblir ses positions.
Des tactiques déjà employées à Gaza
Cette stratégie d’ambiguïté calculée n’est pas nouvelle. Depuis plus d’un an, Israël adopte une approche similaire à Gaza, un conflit largement oublié aujourd’hui dans l’agenda international. Ce double discours entre diplomatie et intransigeance militaire a permis à Israël de maintenir la pression sur le Hamas tout en limitant les interventions extérieures. Cette méthode permet d’user du temps comme un levier, sans avancer concrètement vers une résolution. En se positionnant entre la fermeté militaire et des « efforts diplomatiques », Israël parvient ainsi à contenir les tensions tout en avançant ses propres objectifs sécuritaires.
Un gouvernement dominé par les ultraorthodoxes et les profils des ministres clés
Le gouvernement israélien actuel est dominé par des figures ultraorthodoxes et nationalistes, influençant de manière significative les décisions stratégiques de l’État. Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, est une figure conservatrice, prônant une approche dure vis-à-vis du Hezbollah et des groupes armés dans la région. Sa posture est en ligne avec celle des autres membres du gouvernement, bien qu’il tempère parfois son discours pour apaiser les acteurs internationaux.
Le ministre de la Défense, Israel Katz, qui a récemment remplacé Yoav Gallant, est connu pour sa fermeté et son soutien indéfectible à l’expansion des politiques de sécurité israélienne. Sa nomination accentue la ligne dure de la Défense israélienne. Enfin, le ministère des Finances, dirigé par Bezalel Smotrich, figure de l’extrême droite, adopte des politiques qui renforcent le pouvoir des colonies en Cisjordanie et soutiennent indirectement les actions militaires. Cette coalition au sein du gouvernement de Netanyahou renforce l’orientation nationaliste et conservatrice, en limitant l’espace pour un véritable dialogue.
Les implications pour le Liban et la communauté internationale
Du côté libanais, cette dualité stratégique en Israël alimente la méfiance et complique toute avancée vers une solution. Le président de la Chambre, Nabih Berri, qui est le principal interlocuteur diplomatique libanais, s’en tient fermement à la demande de respect de la résolution 1701, sans céder aux exigences israéliennes de modifications permettant des incursions plus fréquentes. Face à une ligne diplomatique ambiguë en Israël, le Liban continue de renforcer ses alliances régionales, tandis que le Hezbollah refuse toute discussion directe avec Israël.
Sur le plan international, cette situation crée une dynamique de complexité accrue. Les alliés européens d’Israël, bien que soucieux de préserver la stabilité régionale, se trouvent dans une position délicate face à une diplomatie israélienne en apparence favorable à la trêve, mais contredite par des actions militaires intensifiées et des discours bellicistes. Cette ambiguïté complique la lecture de la situation par les observateurs internationaux et entrave les efforts de médiation.