Ghazi Zeaiter, ancien ministre des transports et des travaux publics s’est rendu auprès du juge Fadi Sawwan comme témoin dans le cadre de l’enquête en cours portant sur l’explosion du port de Beyrouth.

Ghazi Zeaiter était notamment ministre quand le stock de nitrate d’ammonium à l’origine du drame a été débarqué en 2014 du navire poubelle, le Rhosus.

Le juge en charge des affaires urgentes de la ville de Beyrouth à l’époque, Jad Maalouf et qui avait refusé les demandes répétées des services sécuritaires à ce que puisse être éliminé cette cargaison en raison des dangers posés par elle, a également été entendu par le juge d’instruction.

Ce jeudi, le juge Sawwan devrait également entendre le président du haut conseil de la défense, le Général Mahmoud al Asmar.

Des responsabilités multiples mais avant tout, la faillite d’un système paralysé

Selon les informations disponibles à l’heure actuelle, les autorités sécuritaires dont celle des douanes et les responsables du port et des douanes se sont adressés à 5 reprises, entre 2014 et 2017, à la justice locale pour obtenir les autorisations nécessaires pour pouvoir se débarrasser de cette marchandise stockée dans des conditions inadéquates et dangereuses dans l’entrepôt Amber 12 du port, situé entre le 3ème et le 4ème bassin.

Dès mai 2016, Chafic Marhi, le directeur des douanes d’alors, avait noté sur sa demande qu’il existait “un danger sérieux posé en gardant cette cargaison dans les entrepôts dans un environnement inapproprié.” Dans cette même lettre, il demandait à ce que “l’agence maritime puisse réexporter ce matériel immédiatement”.

Par la suite, un an plus tard, en 2017 donc, l’autorité de la douane a proposé d’autres solutions, comme la donation de ces tonnes de nitrate d’ammonium à l’armée libanaise, la vente via la compagnie Libanaise pour les Explosifs sans toutefois obtenir une réponse des autorités judiciaires.

Cette version avait été confirmée par le directeur général du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, a qui la justice libanaise aurait promis que le navire et sa marchandise seraient mis en vente aux enchères, ce qui ne se produira pas… jusqu’à aboutir à la catastrophe du 4 août, une journée funeste marquée par la destruction, outre du port, d’une grande partie de la partie est de la ville de Beyrouth avec le cortège de ses nombreuses victimes.

25 personnes actuellement sous les barreaux

Selon le dernier bilan actuel, le ministère de la santé indique que 192 personnes sont décédées, 9 personnes toujours portées disparues et plus de 6 500 personnes ont été blessées dans l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth et une grande partie de la capitale libanaise. 300 000 personnes seraient également sans logement des suites de cette explosion.

La piste d’une explosion accidentelle, le 4 août 2020, de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium à l’intérieur d’un entrepôt du port de Beyrouth, saisies en 2014 à bord d’un navire poubelle, le Rhosus battant pavillon moldave, est pour le moment privilégiée par les autorités libanaises. Cette explosion équivaudrait à celle de 600 tonnes de TNT ou encore à un tremblement de terre de 3.3 sur l’échelle de Richter.
Elle aurait ainsi causé un cratère de 110 mètres de long sur 43 mètres de profondeur, indique, le dimanche 9 août, une source sécuritaire citant les propos d’experts français présents sur place.

L’enquête sur les responsables se poursuit

Pour l’heure, 25 personnes seraient actuellement détenues dans le cadre de l’enquête concernant cette explosion. Parmi eux, le directeur du port de Beyrouth, Hassan Koraytem, ainsi que le directeur des services de la douane libanaise Badri Daher, tous 2 mis en examen par le juge d’instruction Fadi Sawwan, en charge de l’enquête.

Au total, plusieurs responsables sécuritaires et du port de Beyrouth ont ainsi été arrêtés.

Certaines sources soulignent que les différents partis politiques libanais s’étaient partagés les revenus du port de Beyrouth , rendant difficile actuellement de connaitre les responsabilités de chacun dans cette explosion.

Plusieurs partis politiques, de la majorité comme de l’opposition, souhaiteraient également conclure de manière rapide l’enquête étant impliqués dans différents trafics qui ont lieu depuis ou vers le port de Beyrouth. Ils souhaiteraient ainsi éviter à ce qu’on puisse découvrir le degré d’implication de chacun et des violations sécuritaires nécessaires à la poursuite de ses trafics. 

Aussi, des responsables sécuritaires avaient prévenu les autorités politiques à plusieurs reprises au cours des dernières années, les autorités judiciaires n’ont pas décidé de la mise en œuvre des mesures de transfert nécessaires de la cargaison.

Certaines sources proches du dossier soulignent également la responsabilité de plusieurs administrations dans le port de Beyrouth, d’autant que de hauts responsables étaient informés du danger posé par le stockage de manière inadéquate de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium depuis 2014.

S’exprimant dans les colonnes du Washington Post dans son édition du 7 septembre, le Procureur de la République, le juge Ghassan Oweidat, a révélé qu’outre les 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, du kérosène, du gazoil, 25 tonnes de feux d’artifices et détonateurs à usage pour les mines se trouvaient également présents dans ce même entrepôt.

La présence de ces produits aurait ainsi pu entretenir le feu et lui permettre d’atteindre les températures permettant l’explosion du nitrate d’ammonium, soulignent certains experts.

Les dégâts seraient estimés entre 10 milliards à 15 milliards de dollars.