Fouad Abou Nader: Nous exigeons un nouveau « pacte de partenariat » entre les Libanais

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Beyrouth, le 11 juin 2012 – Entretien avec Dr. Fouad Abou Nader, président du Front de la liberté.

Question: Que pensez-vous de l’action du gouvernement ?

Réponse: Au moment où M. Najib Mikati a été pressenti pour diriger le gouvernement, j’ai opté pour lui. Toutefois, malgré la détermination de certains ministres à réformer le Liban et à améliorer la vie des Libanais et de l’aveu même de formations politiques y participant, le gouvernement a échoué. En fait, c’est la République de Taëf qui est en échec et c’est cette classe politique dans son ensemble qui a échoué. Comme l’a dit le patriarche maronite Monseigneur Raï, Taëf n’est pas la Bible ou le Coran pour vouloir à tout prix s’y tenir ou l’appliquer dans son intégralité. Je suis d’accord avec Sa Béatitude. Il faut avoir le courage politique d’admettre l’échec de Taëf. Il est urgent de bâtir une nouvelle République. Depuis le départ de son tuteur syrien, la République de Taëf est paralysée : le système politique actuel peut uniquement fonctionner dans le cadre d’un compromis régional et international et la présence au Liban d’un tuteur ; et, est incapable de défendre l’ensemble du territoire libanais, protéger l’ensemble des citoyens et garantir « liberté, égalité, sécurité et dignité » pour tous.

Q : Que pensez-vous donc de l’appel de Sayyed Hassan Nasrallah à organiser une assemblée générale constituante ?

R : J’ai lancé un appel similaire bien avant lui et tous les autres. Néanmoins, je suis satisfait que Sayyed Hassan Nasrallah fasse la même analyse que moi, à savoir l’échec de la République de  Taëf. Toutefois, cette assemblée générale constituante ne devra pas se limiter aux députés car eux aussi ont échoué et beaucoup préfèrent le statut quo dont ils sont les seuls profiteurs au détriment du pays et du peuple. Nous exigeons un nouveau « pacte de partenariat » entre les Libanais où chacun se sentira égal à l’autre. Ainsi, nous créerons un modèle de coexistence unique au monde.

Q : Vous êtes donc déçu de l’opposition du président à cet appel ?

R : Lors de l’élection du général Michel Sleiman à la présidence de la République, nous l’avons tous soutenu afin de renforcer la fonction présidentielle amputée de tous ses pouvoirs depuis Taëf. Il lui reste encore quelque temps avant la fin de son mandat pour qu’il réalise enfin l’échec de Taëf et qu’il entreprenne de bâtir une nouvelle République.

Q : Y a-t-il quand même quelque chose de positif dans le débat politique actuel ?

R : Oui. Nous avons été les premiers à parler de l’échec de Taëf et de la nécessité de bâtir une nouvelle République reposant notamment sur le régionalisme, la neutralité positive et permanente avec une garantie internationale et le système uninominal majoritaire aux élections législatives. Le Front de la liberté veut instaurer une nouvelle République s’articulant autour: D’une décentralisation sous forme de régionalisme, permettant un développement économique et social équilibré des régions et impliquant une double autonomie garantissant à la fois une liberté d’action à l’État lui permettant de défendre et de consolider l’indépendance recouvrée ; et, une autonomie des communautés afin qu’elles ne soient pas étouffées dans leur personnalité et le développement de leurs régions. D’une neutralité positive et permanente garantie internationalement permettant un dialogue entre les religions et les cultures au Liban. D’une citoyenneté qui serait le fondement d’une identité libanaise plurielle et qui trouverait son essence dans une Charte intégrant les articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ceux de la Déclaration des Nations Unies sur l’Elimination de la Discrimination à l’égard des femmes et ceux de la Convention internationale des droits de l’enfant, rattachée à la Constitution afin d’octroyer des droits fondamentaux aux Libanais en tant que citoyens. D’un système uninominal aux élections législatives garantissant une véritable parité entre chrétiens et musulmans au Parlement. Un quota (30%) de candidatures féminines devra être garanti. D’autre part, avec une importante diaspora jouant un important rôle économique, il est primordial d’accorder le droit de vote aux émigrés et de leur restituer la nationalité libanaise et les droits civiques. Et, d’un pouvoir exécutif qui serait exercé par le président de la République, véritablement chef de l’État, avec la participation du Conseil des ministres. Pour édifier l’État de droit, il est nécessaire de miser sur l’éducation pour tous et sur un système reposant sur la promotion par le mérite. Aujourd’hui, nous entendons de plus en plus de responsables politiques ainsi que le patriarche maronite Monseigneur Raï parler notre langage. Nous sommes en train de gagner la bataille des idées. Et cela est positif pour le Liban et les Libanais. Parallèlement, il est urgent de répondre aux vrais problèmes des Libanais.

Q : Quels sont ces vrais problèmes des Libanais ?

R : Le principal problème des Libanais c’est la lutte pour le contrôle de l’État entre les différentes communautés et c’est ce qui paralyse le pays. Mais là où le bas blesse c’est qu’il n’y a pas même pas d’État de droit et de compétences. La promotion et l’emploi ne se font pas par le mérite. Le peuple souffre principalement d’un problème de pouvoir d’achat. Les gens vivent du crédit. Il n’y a plus de logement à prix ou loyers décents. Il n’y a pas d’électricité. La sécurité sociale et les indemnités de retraites sont dérisoires. Il y a des discriminations envers les femmes. Il n’y a pas de création d’emploi et donc pas d’avenir pour les jeunes. La santé et l’éducation ne sont pas pour tous. Il n’y a pas de sécurité, pas d’État, pas de président véritablement chef de l’Exécutif. Pourquoi devrions-nous garder cette classe politique qui ne se préoccupe pas de nos vrais problèmes ? Virons-les ! Le Liban et les Libanais ont besoin d’un État fort et d’un président fort.

Q : Concernant la sécurité, que pensez-vous de ce qui se passe en Syrie et au nord du Liban ?

R : Comme vous le savez, je suis en faveur de la neutralité du Liban. Je ne vais donc pas prendre position en faveur des uns ou des autres en Syrie. Nous sommes pour la liberté du peuple syrien, pour la sécurité des chrétiens syriens dans le cadre de l’État et non de la dhimmitude (protection des chrétiens par les musulmans) et pour l’égalité entre tous les citoyens indépendamment de leur religion. Cela n’est pas possible dans le cadre d’une dictature qu’elle soit baathiste ou islamiste. Je veux la suppression du traité de fraternité avec la Syrie qui est opposé à la souveraineté du Liban et à sa neutralité. La Syrie est le voisin du Liban. Je veux des relations équilibrées entre les États libanais et syrien, souverains et égaux. Je ne veux pas que le Liban porte atteinte à la sécurité intérieure de la Syrie et je ne veux pas non plus de l’exportation du conflit inter-syrien au Liban. Je suis avec l’Armée libanaise. Son principal problème n’est pas son incapacité à défendre le Liban et à protéger les Libanais mais l’absence de leadership et de décision ferme, courage et forte de la part du pouvoir politique civil qui jusqu’à maintenant n’a pas entrepris de rééquiper et moderniser l’Armée. Le Front de la liberté refuse l’implantation palestinienne et demande l’application de la résolution 1559 des Nations Unies prévoyant le désarmement au Liban de toutes les milices non-libanaises. D’autre part, le Front de la liberté appelle l’Autorité nationale palestinienne à délivrer des passeports palestiniens aux réfugiés présents au Liban. Les armes et les combattants du Hezbollah doivent intégrés une garde nationale regroupant des Libanais de toutes les régions et de toutes confessions. D’autre part, le Front de la liberté prône en effet la mise en place d’une garde nationale pour défendre le Liban dans un cadre légal c’est-à-dire sous l’autorité exclusive du chef de l’État et des forces armées.

Q : Un dernier mot ?

R : Oui, je veux dire aux jeunes que leur avenir n’est pas l’émigration et que nous pouvons changer les choses. L’engagement politique est le moyen pour y arriver. Un engagement réfléchi et muri et non clanique ou féodal. L’engagement utile n’est pas avec ceux qui nous ont dirigés ou qui nous dirigent. Les nouveaux députés ne sont pas à la hauteur des aspirations de la jeunesse libanaise car leurs beaux discours cachent uniquement des visées électorales et des ambitions personnelles. Je veux rassembler les jeunes, faire réellement entendre leurs voix et les faire accéder aux postes de responsabilités politiques par leur mérite et leur engagement et non en raison de leur nom ou de la fortune de leurs parents.

MF – Libnanews

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