Une échéance incertaine sous forte pression diplomatique
Alors que la date du 18 février approche, la situation au sud du Liban s’enlise dans un bras de fer diplomatique entre Beyrouth, Tel-Aviv et les puissances internationales. Le président Joseph Aoun a intensifié ses contacts diplomatiques pour garantir que l’armée israélienne quitte entièrement le territoire libanais à cette date, comme prévu par l’accord de cessez-le-feu signé le 27 novembre 2023.
Lors d’une réunion avec une délégation du Syndicat de la presse libanaise, Aoun a insisté sur son engagement à œuvrer pour une solution définitive. Il a affirmé que des discussions étaient en cours avec Washington et Paris, deux acteurs clés du cessez-le-feu, afin d’obtenir un respect strict du calendrier initialement fixé. Cependant, les signaux envoyés par Israël et les États-Unis ces derniers jours laissent entrevoir une tout autre issue.
Israël refuse de quitter cinq positions stratégiques
Malgré les engagements pris dans l’accord, Israël ne semble pas prêt à un retrait total. Le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a affirmé dans un entretien avec le média américain Bloomberg que l’armée israélienne resterait positionnée sur cinq hauteurs stratégiques à l’intérieur du Liban après le 18 février.
D’après Dermer, cette occupation partielle se poursuivra tant que Beyrouth ne respectera pas pleinement ses engagements en matière de désarmement du Hezbollah. L’homme politique, proche du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a insisté sur le fait que le retrait du Hezbollah ne se limite pas à un simple éloignement de la frontière, mais qu’il doit inclure une démilitarisation complète de la milice chiite dans cette région.
Ces déclarations ont provoqué une levée de boucliers au Liban, où la présence militaire israélienne reste une ligne rouge infranchissable pour l’ensemble des dirigeants politiques, toutes sensibilités confondues. L’idée même de permettre à Tsahal de conserver un pied au Liban constitue une menace directe pour la souveraineté du pays, en plus de fragiliser davantage la stabilité régionale.
Un rejet catégorique de Beyrouth face aux exigences israéliennes
Face à ces manœuvres, le président du Parlement, Nabih Berri, a affirmé jeudi que le Liban rejette totalement toute tentative israélienne de pérenniser une présence militaire sur son territoire. D’après lui, les États-Unis, principaux médiateurs du cessez-le-feu, ont confirmé que l’armée israélienne se retirerait bien des villages encore occupés, mais que cinq points stratégiques resteraient sous contrôle israélien.
Berri a tenu à faire savoir que cette proposition a été formellement rejetée par les plus hautes autorités libanaises, y compris le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam. Pour lui, il est hors de question de négocier un quelconque prolongement de la présence israélienne au Liban, quelle que soit la justification avancée.
Ce rejet s’est également exprimé au cours de réunions de haut niveau avec des représentants américains. L’ambassadrice des États-Unis au Liban, Lisa Johnson, et le général américain Jasper Jeffers, coprésident du comité de surveillance du cessez-le-feu, ont rencontré Nabih Berri. À l’issue de ces échanges, le président du Parlement a déclaré qu’il refusait de discuter d’un report du retrait israélien, soulignant que le respect de la date du 18 février était une priorité absolue.
Berri a aussi averti les États-Unis qu’en cas de non-retrait israélien total, Washington porterait une lourde responsabilité dans ce qui constituerait un échec diplomatique majeur. La crédibilité américaine en tant que médiateur du cessez-le-feu pourrait être sérieusement remise en cause, notamment vis-à-vis de ses alliés régionaux.
Doutes sur la volonté américaine d’imposer un retrait total
Dans ce climat de tension, de nombreuses voix au Liban doutent de la volonté réelle des États-Unis de faire pression sur Israël. D’après des proches de Nabih Berri, ce dernier n’accorde que peu de crédit aux assurances américaines, les considérant comme de simples déclarations diplomatiques sans portée concrète.
Ces doutes sont également partagés par la France, qui participe au comité de surveillance du cessez-le-feu. Des sources diplomatiques françaises ont confié à Al-Joumhouria que Paris ne cache pas son scepticisme quant à la volonté de Washington de garantir un retrait total des troupes israéliennes. Selon ces sources, la France est en contact permanent avec Israël et déploie des efforts considérables pour obtenir un retrait complet avant la date butoir du 18 février.
Du côté libanais, le gouvernement a intensifié ses démarches diplomatiques pour rappeler que l’occupation de ces cinq hauteurs stratégiques constitue une violation du droit international. La pression sur la communauté internationale s’accroît pour que l’accord soit intégralement respecté, sans compromis ni modifications unilatérales.
Un risque réel d’escalade militaire
Si Israël persiste dans sa volonté de maintenir une présence militaire au sud du Liban, la situation pourrait rapidement dégénérer. L’accord de cessez-le-feu prévoit en effet un retrait total, et une modification unilatérale des termes pourrait être perçue par le Hezbollah comme une violation.
Le parti chiite, qui s’est engagé à se retirer des zones frontalières en parallèle du retrait israélien, pourrait alors reprendre ses activités militaires si Israël maintient une occupation partielle. Une telle décision mettrait en péril la stabilité fragile du Liban et risquerait de raviver les hostilités, après plus d’un an de tensions ayant culminé en deux mois de guerre ouverte.
L’envoyée spéciale adjointe des États-Unis, Morgan Ortagus, est attendue au Liban la semaine prochaine pour tenter de désamorcer la crise. Mais pour l’instant, aucun compromis ne semble possible. La tension continue de monter à mesure que la date du 18 février approche, laissant planer l’incertitude sur l’issue de ce dossier explosif.