samedi, mars 15, 2025

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Touch et Alfa en crise : le Liban risque-t-il un blackout télécom ?

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Des infrastructures en péril et une qualité de service en chute libre

Le secteur des télécommunications au Liban, autrefois l’un des plus performants de la région, est aujourd’hui au bord de l’effondrement. Avec l’effondrement économique, la dévaluation de la livre libanaise et la crise énergétique, les deux principaux opérateurs du pays, Touch et Alfa, peinent à assurer un service de qualité aux abonnés.

Autrefois considérées comme des entreprises rentables et stratégiques pour l’économie nationale, ces compagnies publiques sont désormais sous pression, incapables d’investir dans le développement de leurs infrastructures et confrontées à des coûts d’exploitation qui explosent. Face à ces défis, peuvent-elles encore garantir un réseau stable et abordable pour les Libanais, ou le pays risque-t-il une coupure totale des télécommunications dans les mois à venir ?

L’effondrement financier du secteur des télécoms : des coûts insoutenables

Depuis le début de la crise en 2019, le Liban a vu les coûts de fonctionnement de ses infrastructures exploser, notamment en raison de la flambée des prix du carburant et de l’électricité. Les opérateurs Touch et Alfa, qui dépendent des générateurs pour alimenter leurs antennes-relais, doivent composer avec des factures énergétiques exorbitantes et une monnaie en chute libre, rendant l’achat de matériel et de services presque impossible.

En 2018, Touch et Alfa enregistraient des revenus annuels combinés de 1,4 milliard de dollars. En 2022, ce chiffre est tombé à 75 millions de dollars, soit une chute de près de 95 %. Parallèlement, les dépenses annuelles des deux entreprises sont passées de 560 millions de dollars en 2018 à 255 millions de dollars, sans compter les dettes accumulées auprès des fournisseurs, qui s’élèvent à 40 millions de dollars par an.

En raison de ces difficultés, de nombreuses antennes-relais tombent en panne régulièrement, laissant des zones entières du pays sans réseau pendant des heures, voire des jours. Le manque d’entretien et l’incapacité à importer de nouvelles pièces détachées aggravent encore la situation, créant une instabilité permanente du réseau mobile et internet.

En parallèle, les abonnés sont de plus en plus nombreux à se plaindre de la qualité de service, avec des coupures fréquentes, des appels interrompus et un internet mobile de plus en plus lent. Dans un pays où les télécommunications sont vitales pour les entreprises et la diaspora, cette détérioration du réseau menace l’ensemble du tissu économique.

Des hausses tarifaires impopulaires et une perte de clients

Pour tenter de compenser l’augmentation des coûts, le gouvernement libanais a décidé d’augmenter drastiquement les tarifs des abonnements mobiles et internet en 2022, en liant les prix au taux de change fluctuant du dollar. Cette mesure a eu des conséquences désastreuses pour des millions de Libanais, dont le pouvoir d’achat a été sévèrement réduit par l’hyperinflation.

Les forfaits qui étaient autrefois abordables sont devenus hors de portée pour une grande partie de la population, poussant des milliers d’abonnés à réduire leur consommation, voire à résilier leurs abonnements. Résultat : Touch et Alfa ont enregistré une baisse significative du nombre d’utilisateurs actifs, ce qui réduit encore plus leurs revenus et complique leur survie.

Malgré la crise, le nombre d’abonnés a connu une hausse, avec 2,243 millions d’abonnés chez Alfa fin août 2021. Cependant, la valeur réelle des revenus a chuté de 40 % en seulement trois mois entre septembre et décembre 2021, en raison de la dépréciation continue de la livre libanaise.

De nombreuses entreprises, qui comptaient sur des connexions internet fiables pour maintenir leurs activités, ont été contraintes de chercher des alternatives coûteuses, comme l’utilisation de connexions satellites ou de réseaux privés. Cette situation fragilise l’ensemble de l’économie numérique du pays, qui peine déjà à attirer des investissements en raison de l’instabilité politique et financière.

Un secteur miné par la corruption et le manque de réformes

Outre les difficultés économiques, le secteur des télécoms libanais souffre d’une mauvaise gestion chronique et d’une corruption endémique. Touch et Alfa, bien qu’étant des opérateurs officiellement publics, sont souvent accusés de mauvaise gestion des fonds, d’attributions douteuses de contrats et d’un manque total de transparence sur l’utilisation des revenus générés par les abonnements.

Les experts estiment que si les revenus des télécommunications étaient correctement gérés, le secteur pourrait être autosuffisant et ne nécessiterait pas de hausses de tarifs aussi brutales. Cependant, en raison des détournements de fonds et du manque de réformes structurelles, Touch et Alfa restent des entreprises fragilisées, incapables de moderniser leurs infrastructures ou d’adopter une politique de prix équitable.

Malgré les appels répétés à une libéralisation du marché et à l’ouverture du secteur aux investisseurs privés, le gouvernement libanais continue de contrôler étroitement les télécommunications, empêchant toute réelle concurrence qui pourrait réduire les coûts et améliorer la qualité des services.

Un risque de paralysie totale du réseau ?

Si aucune solution n’est trouvée rapidement, le Liban pourrait se retrouver dans une situation catastrophique, où le réseau mobile et internet deviendrait totalement instable, voire inutilisable. Certains experts alertent sur le risque de voir certaines régions du pays complètement privées de connexion en raison de la fermeture progressive des stations-relais, faute de maintenance et d’approvisionnement en électricité.

Face à cette menace, plusieurs scénarios sont envisageables :

  • Une intervention d’urgence du gouvernement, avec des subventions temporaires pour maintenir les services essentiels, mais sans réelle réforme du secteur.
  • Une privatisation partielle, permettant aux entreprises étrangères d’investir et de moderniser le réseau en échange d’une gestion plus transparente.
  • Un effondrement progressif du secteur, avec une augmentation continue des coupures et une dépendance accrue aux solutions alternatives (générateurs privés, satellites, réseaux clandestins).

Dans tous les cas, le sort des télécommunications libanaises est lié à la capacité du pays à réformer son économie. Tant que les problèmes structurels et la corruption ne seront pas résolus, Touch et Alfa resteront des opérateurs en sursis, avec des services de plus en plus dégradés.

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Newsdesk Libnanews
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