Dans un regain de tensions au Proche-Orient, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné à l’armée de « saisir davantage de territoire » dans la bande de Gaza, avec l’intention explicite de l’annexer si le Hamas ne libère pas les otages qu’il détient. Cette décision, accompagnée d’une offensive militaire massive reprenant après une trêve de deux mois, marque une escalade significative dans le conflit israélo-palestinien. Alors que les bombardements s’intensifient et que les opérations terrestres redessinent le contrôle de l’enclave, les frappes contre le Hezbollah au Liban et les appels internationaux à la retenue soulignent les répercussions régionales d’une stratégie qui divise jusqu’au sommet de l’État israélien.
Une directive claire : saisir et annexer
Israël Katz, figure influente du gouvernement de Benyamin Netanyahou, a annoncé dans un communiqué officiel avoir donné l’ordre à Tsahal de prendre possession de nouvelles portions de territoire dans la bande de Gaza. « Plus le Hamas continuera à refuser de libérer les otages, plus il perdra de territoire, qui sera annexé à Israël », a-t-il déclaré, précisant que ces zones pourraient devenir des « zones de sécurité » sous occupation permanente. Cette menace d’annexion, conditionnée à la libération des 58 otages encore retenus par le Hamas, reflète une volonté de durcir la position israélienne après des mois de négociations infructueuses.
Cette stratégie intervient après une trêve de deux mois, qui avait offert une pause précaire dans les hostilités. Katz, connu pour ses positions hawkish, semble s’appuyer sur une logique punitive : chaque refus du Hamas de céder sur les otages se traduirait par une perte territoriale, avec l’objectif ultime d’étendre le contrôle israélien sur Gaza. Cette approche rappelle les débats sur l’annexion de la Cisjordanie sous Netanyahou, mais elle marque un tournant audacieux dans un territoire évacué par Israël en 2005, après 38 ans d’occupation.
Une offensive militaire tous azimuts
L’application de cet ordre s’est traduite par une reprise brutale des opérations militaires. Après des bombardements massifs lancés dès le début de la semaine, Tsahal a déployé des forces terrestres dans plusieurs secteurs de Gaza, du nord au sud. À Rafah, près de la frontière égyptienne, des opérations ont ciblé le quartier de Chaboura, tandis que des incursions simultanées ont eu lieu dans le centre et le nord de l’enclave. David Mencer, porte-parole du gouvernement, a affirmé que l’armée contrôle désormais le centre et le sud de Gaza, créant une zone tampon visant à couper le territoire en deux et à isoler les bastions du Hamas.
Le bilan humain de cette offensive est déjà lourd. Selon la Défense civile de Gaza, au moins 504 personnes, dont plus de 190 mineurs, ont été tuées depuis la reprise des frappes, un chiffre qui illustre l’ampleur des pertes civiles dans une enclave densément peuplée. Les bombardements, combinés aux combats au sol, ont ravivé une crise humanitaire déjà dramatique, avec des milliers de déplacés cherchant refuge dans des zones de plus en plus réduites.
Cette intensification a suscité une rare prise de position du président israélien, Isaac Herzog, qui s’est dit « profondément troublé » par la situation. Dans une déclaration vidéo, il a déploré la « dure réalité » des combats, soulignant qu’il est « impensable » de poursuivre les opérations militaires tout en cherchant à ramener les otages. Sans nommer directement Netanyahou, ses propos laissent entrevoir une fracture au sein des dirigeants israéliens, entre ceux qui soutiennent une ligne dure et ceux qui privilégient une solution négociée.
Le Hamas riposte et le Hezbollah sous pression
Face à cette offensive, le Hamas a réagi en revendiquant des tirs de roquettes sur Tel-Aviv, qualifiant ces attaques de réponse aux « massacres de civils » perpétrés par Israël à Gaza. L’armée israélienne a intercepté un projectile, tandis que deux autres sont tombés dans des zones inhabitées, limitant les dégâts mais rappelant la capacité du mouvement à frapper le cœur d’Israël. Le Hamas a également appelé la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique à intervenir pour « mettre fin au génocide » dans l’enclave, une tentative de rallier un soutien régional face à l’escalade.
Parallèlement, Israël a étendu ses opérations au-delà de Gaza, ciblant le Hezbollah au Liban, un allié clé du Hamas. Des frappes aériennes ont visé des positions dans le sud et l’est du pays, intensifiant les tensions le long de la frontière nord. Dans la nuit suivante, Tsahal a intercepté un missile tiré par les Houthis yéménites, autre groupe pro-Hamas, signalant une multiplication des fronts qui menace de transformer le conflit en une confrontation régionale plus large.
Une menace d’annexion aux implications profondes
La déclaration de Katz sur une possible annexion soulève des enjeux juridiques et stratégiques majeurs. En droit international, annexer des territoires occupés militairement viole la quatrième Convention de Genève, qui interdit à une puissance occupante de modifier le statut des terres conquises. Une telle décision rappellerait l’annexion du plateau du Golan en 1981, unanimement condamnée sauf par les États-Unis sous Trump. À Gaza, où Israël s’est retiré en 2005, une annexion marquerait un retour en arrière spectaculaire, ravivant les accusations de colonialisme et compromettant davantage la perspective d’un État palestinien viable.
Sur le plan interne, cette politique divise. Les partisans de Netanyahou, notamment au sein de la coalition de droite et d’extrême droite, y voient une opportunité de réaffirmer la souveraineté israélienne sur des terres revendiquées historiquement. Mais des voix comme celle d’Herzog, ou même de certains généraux en retraite, mettent en garde contre une occupation prolongée qui pourrait engloutir des ressources militaires et économiques dans un bourbier ingérable, tout en radicalisant davantage la population palestinienne.
Une stratégie à haut risque
L’ordre de Katz de saisir plus de territoire à Gaza reflète une stratégie à double tranchant. D’un côté, elle vise à accentuer la pression sur le Hamas, dont la résilience dépend de son contrôle territorial et de sa capacité à négocier la libération des otages. En créant des « zones de sécurité » et en menaçant d’annexion, Israël cherche à modifier les rapports de force, potentiellement pour imposer des termes favorables dans d’éventuelles négociations futures. De l’autre, cette approche risque d’enliser Tsahal dans une occupation prolongée, d’exacerber la crise humanitaire et d’isoler davantage Israël sur la scène internationale.
Les 58 otages, au cœur de la justification de Katz, restent un enjeu émotionnel et politique majeur. Leur sort mobilise l’opinion publique israélienne, mais la reprise des combats, comme l’a noté Herzog, pourrait compromettre leur retour, le Hamas pouvant durcir sa position face à l’offensive. La création d’une zone tampon, si elle se concrétise, transformerait la géographie de Gaza, réduisant encore l’espace viable pour ses 2 millions d’habitants et accentuant leur dépendance aux aides extérieures.
Un conflit aux ramifications régionales
Les frappes contre le Hezbollah et l’interception d’un missile houthi montrent que l’escalade à Gaza ne se limite pas à l’enclave. Le Liban, déjà fragilisé par sa propre crise, risque de devenir un théâtre secondaire du conflit, avec des implications pour la stabilité régionale. La frontière sud-libanaise, sous surveillance de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), reste un point chaud où les violations de la résolution 1701 se multiplient, compliquant les efforts de désescalade.
L’implication des Houthis, bien que marginale en termes de menace directe, illustre l’axe de soutien au Hamas qui s’étend de l’Iran au Yémen, renforçant l’idée d’un conflit interconnecté. Cette dynamique place Israël dans une position délicate : chaque frappe au Liban ou chaque menace d’annexion à Gaza alimente la rhétorique anti-israélienne dans le monde arabe, rendant une sortie de crise plus difficile.
Vers une impasse ou une redéfinition ?
En conclusion, l’ordre d’Israël Katz de « saisir » plus de territoire à Gaza en vue de l’annexer marque un tournant audacieux et risqué dans la politique israélienne. Soutenue par une offensive militaire massive, cette stratégie vise à briser le Hamas et à sécuriser les otages, mais elle expose Israël à des critiques internes, à une crise humanitaire aggravée et à une pression internationale croissante. Alors que Macron plaide pour un cessez-le-feu et que le Hezbollah et les Houthis ripostent, la menace d’annexion pourrait redéfinir les contours de Gaza – ou plonger la région dans une instabilité encore plus profonde.