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La visite de la délégation du FMI au Liban : entre réformes indispensables et blocages persistants

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Une crise économique structurelle et une situation financière critique

Depuis 2019, le Liban traverse l’une des crises économiques les plus sévères de son histoire contemporaine. En mars 2025, le taux de change officiel atteint 89 700 LL/USD, traduisant une perte de plus de 95 % de la valeur de la livre libanaise en cinq ans​. Cette dévaluation a provoqué une flambée incontrôlable de l’inflation, rendant les biens de première nécessité inaccessibles pour une grande partie de la population. La situation est aggravée par la hausse des prix des denrées alimentaires, des médicaments et des services de base.

Le pays est plongé dans une récession prolongée, avec une contraction du PIB estimée à 40 % depuis 2019​. Plus de 70 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, un chiffre alarmant qui reflète l’effondrement du pouvoir d’achat et l’augmentation du chômage. La dette publique a dépassé 150 % du PIB, un niveau insoutenable qui empêche le pays d’accéder aux financements internationaux sans garanties sérieuses de réformes.

Dans ce contexte alarmant, la délégation du Fonds monétaire international (FMI), dirigée par Ernesto Ramírez Rigo, est venue à Beyrouth pour évaluer l’état d’avancement des réformes et négocier un programme d’aide financière conditionné à des mesures strictes​. Les discussions s’annoncent particulièrement tendues en raison des désaccords entre les autorités libanaises et l’opposition croissante des banques et de certaines factions politiques.

Rencontres clés entre le FMI et les autorités libanaises

Entretien avec le président Joseph Aoun

Lors de sa réunion avec la délégation du FMI, Joseph Aoun a affirmé que le Liban était prêt à adopter des réformes structurelles pour restaurer la confiance des investisseurs et des institutions financières internationales​. Il a insisté sur le fait que ces réformes ne devaient pas être considérées comme une obligation imposée par le FMI, mais bien comme une nécessité nationale. Cependant, il a aussi mis en garde contre des mesures trop brutales qui risqueraient d’aggraver la précarité d’une grande partie de la population.

Le chef de l’État a souligné que la stabilisation de la monnaie était une priorité absolue et que la transparence budgétaire devait être améliorée. Le FMI, de son côté, a rappelé que l’adoption d’un régime de change unifié et une réforme fiscale sérieuse étaient essentielles pour garantir un programme de soutien financier.

Discussion avec le Premier ministre Nawaf Salam

Le FMI a insisté sur la nécessité d’un cadre de gouvernance clair et transparent pour garantir la réussite des réformes​. Nawaf Salam a expliqué que son gouvernement s’efforçait d’accélérer la mise en place des réformes financières, mais il a alerté sur les tensions sociales croissantes qui risquent de paralyser leur application. Selon lui, sans mesures sociales adaptées, ces réformes pourraient provoquer une instabilité politique et des manifestations de grande ampleur.

Le Premier ministre a insisté sur le fait que les subventions ne pouvaient être supprimées du jour au lendemain et qu’une approche progressive était nécessaire pour éviter des conséquences désastreuses sur la population la plus vulnérable. Le FMI a exprimé son inquiétude face à ces résistances, rappelant que tout retard dans l’application des réformes compromettrait la viabilité du programme d’aide financière.

Rencontre avec le président du Parlement Nabih Berri

Les discussions avec Nabih Berri ont été particulièrement complexes en raison des blocages législatifs qui entravent la mise en place des réformes​. Le président du Parlement a reconnu que les réformes étaient inévitables, mais il a également souligné que leur adoption devait tenir compte des conséquences sociales et politiques.

Nabih Berri a exprimé son désaccord avec certaines des conditions du FMI, notamment en ce qui concerne la suppression des subventions sur les produits de base, qui pourrait entraîner une flambée des prix insoutenable pour la population. Il a demandé des garanties sur un plan d’accompagnement social afin d’atténuer l’impact de ces mesures. Le FMI a rappelé que le Liban devait avant tout réduire son déficit public et améliorer la collecte des impôts pour obtenir un soutien international.

L’influence politique du secteur bancaire : un obstacle majeur aux réformes

L’un des plus grands obstacles aux négociations entre le Liban et le FMI est la proximité entre le pouvoir politique et le secteur bancaireDe nombreux actionnaires majoritaires des principales banques libanaises occupent également des postes clés au sein du gouvernement et du Parlement, ce qui crée un conflit d’intérêts majeur​.

Ces liens étroits entre les milieux financiers et politiques expliquent en grande partie pourquoi aucune restructuration bancaire sérieuse n’a été menée jusqu’à présent. Plusieurs figures politiques possèdent des parts dans des institutions financières, ce qui leur permet d’exercer une influence considérable sur les décisions économiques. En retour, les banques financent les campagnes électorales de nombreux responsables politiques, consolidant ainsi une relation de dépendance mutuelle.

Cette collusion entre la sphère politique et le secteur bancaire a freiné toute tentative de réforme. Chaque mesure visant à réorganiser le système financier ou imposer une restructuration bancaire est immédiatement combattue par les élites économiques qui craignent de voir leur patrimoine affecté. Le FMI a clairement exprimé son impatience face à cette situation, soulignant que sans séparation entre les intérêts politiques et bancaires, aucune solution viable ne serait trouvée​.

Les blocages des négociations depuis 2019

Depuis cinq ans, toutes les tentatives d’accord entre le Liban et le FMI ont échoué. La principale raison est l’absence de consensus politique sur les réformes à adopter. Chaque gouvernement successif a tenté de négocier des conditions plus favorables, mais ces discussions n’ont jamais abouti en raison de conflits internes entre les factions politiques.

Les banques libanaises refusent toujours de reconnaître leurs pertes, ce qui empêche toute restructuration. Elles exigent que l’État compense leurs déficits, tandis que le FMI estime que ces pertes doivent être réparties équitablement entre les banques et les déposants​.

Le FMI a également imposé des conditions strictes qui ont été perçues comme trop rigoureuses par le gouvernement. L’exigence d’une suppression rapide des subventions, d’une augmentation des impôts et d’une privatisation de certains services publics a provoqué une opposition féroce au sein du Parlement​.

Le manque de transparence dans la gestion des finances publiques a également pesé dans l’échec des négociations. Le FMI exige un audit indépendant des finances de l’État libanais, mais cette initiative s’est heurtée à des résistances, notamment de la part des responsables politiques impliqués dans des détournements de fonds​.

Conférence de presse du FMI et scénarios possibles

Le FMI a réaffirmé que seule une application immédiate des réformes pourrait permettre le déblocage d’une aide de 3 milliards de dollars​. Trois scénarios restent possibles dans les semaines à venir : un accord rapide, un compromis progressif ou un nouvel échec des négociations, qui plongerait le Liban encore plus profondément dans la crise​.

Le pays se trouve désormais à un tournant décisif. Sans réformes, le risque d’un effondrement total du système bancaire et d’une explosion sociale est plus que jamais une menace tangible.

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Newsdesk Libnanews
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