Face aux bouleversements provoqués par la chute du régime de Bachar al-Assad et la prise de Damas par les forces rebelles, l’armée libanaise a annoncé dimanche le renforcement de sa présence le long de la frontière avec la Syrie alors que l’institution militaire doit également renforcer sa présence au sud du Liban conformément à l’accord de cessez-le-feu avec Israël.
Dans un communiqué, l’armée a déclaré : « À la lumière des développements rapides et des circonstances délicates que traverse la région, les unités chargées de surveiller et de contrôler les frontières nord et est ont été renforcées, en parallèle avec l’intensification des mesures de surveillance. »
Une frontière sous tension historique
La frontière libano-syrienne a été une zone de fragilité et de tensions depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011. L’effondrement du régime d’Assad, après plus de 13 ans de conflit, intensifie les risques de débordements dans cette région.
Ces dernières années, des groupes armés, notamment affiliés à des factions rebelles ou à des organisations djihadistes comme l’État islamique, ont souvent utilisé la frontière poreuse pour mener des opérations transfrontalières, infiltrer le territoire libanais ou se retrancher dans les montagnes.
L’annonce de l’armée libanaise souligne les préoccupations croissantes quant à la possibilité d’un nouveau flux de réfugiés, d’armes ou de militants à travers cette frontière.
Leçons tirées de l’occupation d’Aarsal en 2014
L’intensification des mesures de sécurité évoque un souvenir douloureux pour le Liban : l’occupation de la ville frontalière d’Aarsal en 2014. Cette ville avait été brièvement contrôlée par des groupes djihadistes liés à l’État islamique et au Front al-Nosra.
L’armée libanaise avait alors dû mener une bataille acharnée pour reprendre le contrôle, au prix de lourdes pertes et de tensions communautaires internes. Cet épisode a marqué un tournant dans la stratégie libanaise, avec une attention accrue portée à la sécurisation des zones frontalières vulnérables.
Depuis 2011, le Liban a été entraîné dans des tensions croissantes liées au conflit syrien. Les combats entre les forces loyalistes syriennes, les rebelles, et des groupes djihadistes comme l’État islamique (EI) et le Front al-Nosra (affilié à Al-Qaïda) ont régulièrement débordé sur le territoire libanais, notamment dans les zones frontalières comme Aarsal.
Aarsal, une ville sunnite majoritairement favorable aux rebelles syriens, a servi de refuge pour des combattants et des civils fuyant les affrontements en Syrie. Cependant, sa proximité avec des régions sous contrôle du Hezbollah, allié de Bachar al-Assad, en a fait une zone hautement stratégique et un point de friction entre les différentes factions impliquées dans le conflit.
L’occupation d’Aarsal par les groupes armés
En août 2014, des djihadistes affiliés au Front al-Nosra et à l’État islamique ont lancé une attaque contre Aarsal, prenant temporairement le contrôle de la ville et capturant des membres des forces de sécurité libanaises. Cette offensive a été déclenchée après l’arrestation d’un commandant rebelle syrien par l’armée libanaise, perçue par les djihadistes comme une provocation.
Les combats ont duré plusieurs jours, opposant les groupes armés aux forces armées libanaises (FAL), soutenues indirectement par le Hezbollah. Pendant cette période, des milliers de civils ont été pris au piège dans la ville, subissant des bombardements et des pénuries de ressources essentielles.
Les conséquences de l’incident
L’armée libanaise a réussi à reprendre le contrôle de la ville après plusieurs jours de violents affrontements. Cependant, les djihadistes ont capturé une trentaine de soldats et de policiers libanais, dont certains ont été exécutés, tandis que d’autres ont été libérés ou échangés au fil des mois. Cet épisode a marqué un tournant dans la gestion sécuritaire du Liban, soulignant les défis posés par la porosité de la frontière avec la Syrie.
Répercussions à long terme
L’occupation d’Aarsal a renforcé les tensions communautaires au Liban, notamment entre les Sunnites, accusés par certains d’abriter des groupes djihadistes, et les Chiites, soutiens du Hezbollah. Elle a également mis en évidence les limites de l’armée libanaise, qui a dû compter sur le soutien politique et logistique de puissances extérieures pour sécuriser la frontière. Enfin, cet incident a consolidé l’idée, chez de nombreux Libanais, que le conflit syrien représentait une menace existentielle pour leur pays.
L’occupation d’Aarsal reste un exemple marquant des effets déstabilisateurs du conflit syrien sur la sécurité et la stabilité du Liban, ainsi qu’un rappel des dangers liés à la fragilité des frontières dans une région en proie aux conflits.