Le 14 mars 2021, à l’occasion du congrès annuel du Courant patriotique libre (CPL), Gébran Bassil a présenté un document politique avec une vision politique, économique, sociale et sécuritaire tout en assurant ne pas être candidat (pour le moment seulement ?) à l’élection présidentielle de 2022.  

Cette date du 14 mars marque le lancement de la guerre de libération lancée par le général Michel Aoun contre la Syrie le 14 mars 1989 ainsi que la grande manifestation réclamant le départ de l’armée syrienne du Liban le 14 mars 2005. 

Le chef de la formation créée par le Président de la République Michel Aoun a tenté un grand écart impressionnant : appuyer l’armée mais critiquer les États-Unis, tendre la main au patriarche maronite mais ménager le Hezbollah, ne pas s’opposer à son concept de neutralité mais y préférer la distanciation et le non-alignement, s’opposer au fédéralisme mais appeler à une décentralisation et prôner comme beaucoup de contestataires la laïcité mais dans le cadre d’un dialogue présidé par le chef de l’État. 

Concernant le Hezbollah et ses armes très critiqués par le patriarche maronite Monseigneur Béchara Raï qui appelle à l’adoption d’une neutralité active ou positive et permanente reconnue internationalement, Gébran Bassil a appelé à l’adoption d’une stratégie de défense, à la distanciation du Liban des conflits et son non-alignement et à revoir le document d’entente entre le parti chiite et le CPL. 

Il a ainsi déclaré : « Le CPL est déterminé à revoir le document d’entente entre lui et le Hezbollah dans une volonté d’améliorer ce document afin de protéger le Liban à travers une stratégie de défense, l’édification de l’État à travers une vraie lutte contre la corruption et la mise en œuvre de toutes les réformes ».

Le Président du Parlement Nabih Berri que beaucoup de Libanais accusent d’être à la tête de la « mafia des générateurs » s’oppose aux réformes. Or, depuis novembre 1990, le Hezbollah forme avec son mouvement, Amal, ce qu’on appelle le « tandem chiite » et cherche à éviter tout conflit avec lui. Si pour le Hezbollah l’entente avec le CPL est stratégique, l’alliance avec le mouvement Amal est quant à elle sacrée malgré les tensions. Il est donc peu probable que le Hezbollah aille vraiment dans le sens de la confrontation avec Nabih Berri pour mettre en œuvre les réformes. Cela malgré le désamour entre Nabih Berri et Bachar el-Assad sur fond de désaccord : le premier reproche au second d’avoir préféré la Russie et l’Iran aux pays arabes, d’adhérer à la théorie de l’alliance des minorités et de lui préférer le Hezbollah et le second reproche au premier de lui préférer Saad Hariri et Walid Joumblatt et de ne pas l’avoir vraiment soutenu depuis le déclenchement du conflit syrien le 15 mars 2011. 

Le chef du CPL a préconisé que « les armes soient entre les mains de l’État, afin que les Libanais n’en aient plus peur » tout en déclarant : « Le CPL veut renforcer le Liban face à toute agression israélienne ou terroriste et considère que l’armée libanaise est la première responsable de la défense des frontières. En attendant que la levée de l’embargo sur la fourniture des armes nécessaires à l’armée, et en attendant l’instauration de la paix espérée, le CPL estime nécessaire d’adopter une stratégie de défense basée sur l’entente interne, la préservation des éléments de force du Liban afin de maintenir un équilibre de dissuasion, et la centralité de la décision étatique, sans abandonner le droit sacré et légal à l’auto-défense ».

Gébran Bassil a appuyé le principe de monopole de la violence légitime de l’État et donc celui du monopole des armes par l’armée libanaise tout en ménageant le Hezbollah et en critiquant l’embargo des États-Unis alliés d’Israël quelques jours après les tensions entre le CPL et le général Joseph Aoun, commandant en chef de l’armée libanaise et proche des Américains, possible présidentiable même si cela nécessite une modification de la Constitution pour permettre son élection. 

Le chef du CPL a également affirmé que « la stratégie de défense constitue en elle-même une garantie pour le Liban et lui impose de rester à l’écart de tout conflit qui ne le concerne pas. La neutralité est un concept défini par le droit international et nécessite une entente interne, tout en étant accepté par les pays régionaux et internationaux », que « le CPL veut la distanciation du Liban » et « que les Libanais s’accordent sur un seul concept : celui du refus du Liban de s’ingérer dans les affaires qui ne le concernent pas et qui ne sont pas dans son intérêt ». « Cela ne veut pas dire, a-t-il ajouté, qu’il doit être tenu à l’écart des questions qui touchent ses intérêts ou celles qui ont trait au conflit avec Israël ».

Au sujet de la laïcité, il a prôné un dialogue présidé par le chef de l’État autour de la question de l’édification d’unÉtat civil : « Le projet du CPL pour un État civil doit se réaliser à travers un dialogue entre les Libanais autour d’une table présidée par le chef de l’Etat. Ce projet doit faire l’objet d’une entente totale et être mis à exécution de manière progressive, en traitant les appréhensions qu’il suscite ». Ce projet repose notamment sur la décentralisation administrative et financière (« qui préserve l’unité du Liban et contribue à son développement ») et le code civil unifié du statut personnel. 

Enfin, sur le fédéralisme, Gébran Bassil a expliqué que le CPL a des appréhensions à l’égard de son adoption qui pourrait conduire selon lui à une division confessionnelle à travers des cantons.

Ce grand écart du chef du CPL peut-il fonctionner électoralement ? politiquement ? avec le patriarche maronite ? avec le Hezbollah ? avec les contestataires ? 

Ces questions restent posées. 

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