Un rebond modéré mais significatif du trafic portuaire
Selon les dernières données de l’Autorité du port de Beyrouth (APB), le premier trimestre 2025 marque une hausse de 11 % du volume de marchandises traitées par le port, comparé à la même période en 2024. Cette progression, bien que modeste en valeur absolue, constitue un signal encourageant dans un contexte économique toujours marqué par l’incertitude institutionnelle, les restrictions bancaires et un taux de change instable.
Durant les trois premiers mois de l’année, le volume total a atteint 1 589 211 tonnes, contre 1 432 776 tonnes au T1 2024. Ce regain d’activité logistique intervient alors même que les infrastructures portuaires restent partiellement détruites et que les conditions de gouvernance du port ne sont toujours pas clarifiées, quatre ans après l’explosion du 4 août 2020.
Évolution du trafic global au T1
Période | Volume total (tonnes) | Évolution annuelle |
---|---|---|
T1 2024 | 1 432 776 | — |
T1 2025 | 1 589 211 | +10,9 % |
La croissance repose essentiellement sur les importations, avec une reprise des flux de produits alimentaires, pharmaceutiques et de matériaux de construction. En revanche, les exportations stagnent, freinées par les obstacles bancaires et les coûts logistiques élevés.
Reprise du trafic conteneurisé : +7,5 % sur un an
Le port a aussi enregistré une hausse de 7,5 % du nombre de conteneurs traités, avec 143 257 EVP (équivalents vingt pieds) au T1 2025 contre 133 235 un an plus tôt. Cette performance est attribuée à :
- L’intensification du transbordement régional
- La réactivation partielle de certains circuits commerciaux via Chypre et la Jordanie
- La reprise des importations industrielles pour les besoins de sous-traitance
Mais les niveaux actuels restent largement inférieurs à ceux d’avant-crise : en 2018, le port traitait encore près de 500 000 EVP par trimestre.
Indicateur | T1 2024 | T1 2025 | Évolution |
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Conteneurs EVP | 133 235 | 143 257 | +7,5 % |
Moyenne journalière | 1 480 | 1 592 | +7,6 % |
Recettes en hausse, mais dépendantes de la dévaluation
Sur le plan financier, les recettes du port ont augmenté de 12,8 %, atteignant 20,1 millions USD contre 17,8 millions USD au T1 2024. Cette progression reflète à la fois l’augmentation du volume d’activité, mais aussi une revalorisation comptable liée à la dépréciation de la livre libanaise, qui pousse les opérateurs à régler leurs frais en devises.
La dépendance croissante aux revenus en dollars frais rend toutefois l’équilibre budgétaire du port très vulnérable aux fluctuations du taux de change. L’absence d’un cadre tarifaire clair, unifié et indexé fragilise également les perspectives de prévisibilité à moyen terme.
Gouvernance en suspens : une structure administrative provisoire
Le port de Beyrouth est toujours géré par une commission temporaire, sans conseil d’administration légalement constitué ni audit indépendant publié depuis 2021. Cette situation compromet toute tentative sérieuse de modernisation, d’attractivité internationale ou de partenariat public-privé. Les appels d’offres pour les terminaux restent suspendus, et le plan de reconstruction post-explosion est en suspens, en attente de financement international.
Plusieurs projets proposés par des consortiums européens et chinois sont restés lettres mortes faute de visibilité politique.
Lecture critique : une croissance non consolidée
La reprise de 11 % du trafic marchand est incontestablement un point positif dans un environnement régional instable. Toutefois, elle ne saurait être interprétée comme un signe de redressement structurel du secteur logistique libanais. Elle est davantage le résultat :
- De l’adaptation de certains opérateurs privés
- De la réallocation de flux logistiques régionaux
- D’une meilleure coordination douanière ponctuelle
En l’absence de réforme de la gouvernance portuaire, de régulation claire, et d’investissement dans les infrastructures, le port de Beyrouth risque d’atteindre rapidement un plafond logistique, limitant toute croissance future. Il fonctionne à capacité dégradée, sur une base juridique fragile, et sans vision stratégique nationale à long terme.