Les derniers articles

Articles liés

L’économie informelle au Liban : moteur de survie ou obstacle à la relance ?

- Advertisement -

L’économie informelle au Liban a pris une ampleur sans précédent ces dernières années, exacerbée par la crise financière et l’effondrement du système bancaire. De plus en plus d’activités échappent au contrôle de l’État, posant un double enjeu : d’une part, elle permet à de nombreux citoyens de subvenir à leurs besoins dans un contexte économique désastreux, mais d’autre part, elle prive l’État de ressources fiscales cruciales et alimente un cercle vicieux d’instabilité économique.

Un secteur informel en pleine expansion

Depuis le début de la crise économique en 2019, la part de l’économie informelle dans le PIB libanais a explosé. Selon Nida’ Al Watan (7 février 2025), celle-ci représente désormais 46 % du PIB, contre environ 30 % en 2020​. Cette progression reflète l’effondrement de la confiance dans le secteur bancaire et l’incapacité du gouvernement à assurer un cadre économique stable.

Les transactions en dollars cash dominent désormais le marché, notamment dans les secteurs du commerce de détail, des services et du transport. D’après Al Akhbar (7 février 2025), près de 60 % des paiements dans ces secteurs se font désormais en liquide, échappant ainsi aux circuits financiers officiels​. Cette tendance est également visible dans le marché du travail, où le travail non déclaré a explosé. Environ 55 % des travailleurs libanais seraient désormais employés sans contrat officiel, contre 38 % en 2018, ce qui entraîne une perte massive de cotisations sociales et d’impôts sur le revenu​.

Une nécessité économique pour de nombreux Libanais

Face à l’inflation galopante et à l’effondrement du pouvoir d’achat, l’économie informelle est devenue un filet de sécurité pour une grande partie de la population. Selon Al Bina’ (7 février 2025), le salaire minimum officiel au Liban est de 9 millions de livres libanaises par mois (environ 100 dollars au taux du marché noir), un montant insuffisant pour couvrir les besoins essentiels​. Pour compenser cette perte de pouvoir d’achat, beaucoup de Libanais cumulent des emplois informels, notamment dans le secteur des services, de la restauration et du commerce ambulant.

Le marché parallèle des devises joue également un rôle clé dans cette dynamique. De nombreuses entreprises, y compris de grandes enseignes, refusent désormais les paiements en livres libanaises et exigent des transactions en dollars, souvent sans facture officielle. Cela leur permet de contourner les restrictions bancaires et de minimiser leur exposition à la volatilité de la monnaie locale. Selon Al Liwa’ (7 février 2025), environ 70 % des commerces opèrent aujourd’hui en grande partie en dehors du cadre légal​.

Un frein au redressement économique

Si l’économie informelle permet à de nombreux citoyens de survivre, elle constitue un obstacle majeur à la relance financière du Liban. L’État libanais, déjà en grande difficulté budgétaire, subit une perte considérable de recettes fiscales en raison de cette informalisation massive de l’économie.

D’après Ad Diyar (7 février 2025), la fraude fiscale et l’évasion des cotisations sociales représenteraient plus de 4 milliards de dollars par an, soit environ 35 % des recettes potentielles du Trésor public​. Cette situation limite gravement la capacité du gouvernement à financer les infrastructures, les services publics et les réformes économiques nécessaires pour stabiliser le pays.

Par ailleurs, l’essor du commerce informel et des circuits parallèles favorise l’émergence d’une économie de rente dominée par des réseaux mafieux. Dans plusieurs secteurs stratégiques, comme l’importation de carburant et de médicaments, des circuits illégaux se sont développés, échappant totalement au contrôle des autorités et rendant les politiques publiques inefficaces. Selon Al Sharq (7 février 2025), près de 40 % des importations de produits pétroliers transiteraient aujourd’hui par des filières illégales, alimentant ainsi la corruption et le blanchiment d’argent​.

Face à ce constat, plusieurs pistes sont envisagées pour limiter les effets négatifs du secteur informel tout en permettant une transition progressive vers une économie plus régulée.

Selon Al Sharq Al Awsat (7 février 2025), une réforme du cadre fiscal est indispensable pour inciter les petites entreprises à opérer légalement​. Les experts recommandent notamment :

  • Une réduction des charges fiscales pour les petites entreprises, afin de leur permettre d’intégrer progressivement le circuit légal sans pression excessive.
  • Une simplification des démarches administratives, afin que l’enregistrement des entreprises ne soit plus un processus long et coûteux.
  • Un accès facilité au crédit bancaire, permettant aux travailleurs indépendants et aux PME de bénéficier de financements sans passer par des circuits informels.

D’autres pays ayant fait face à une situation similaire, comme l’Égypte et le Maroc, ont mis en place des politiques d’intégration progressive qui ont permis de réduire la part du secteur informel dans l’économie nationale. Au Liban, une telle approche nécessiterait une forte volonté politique et un engagement des institutions financières à accompagner cette transition.

Un équilibre à trouver entre flexibilité et régulation

L’économie informelle constitue un paradoxe : elle offre une solution temporaire pour la population et les entreprises face à la crise, mais elle empêche toute stabilisation durable du pays. L’État libanais se trouve donc face à un défi majeur : comment formaliser une partie de cette économie sans asphyxier les travailleurs qui en dépendent pour survivre ?

Une approche équilibrée, combinant incitations fiscales, simplification administrative et régulation intelligente, pourrait permettre de réduire progressivement l’informalité sans provoquer de choc économique brutal. En attendant, l’économie parallèle continuera de dominer le paysage économique libanais, avec toutes les conséquences que cela implique sur le long terme.

- Advertisement -
Newsdesk Libnanews
Newsdesk Libnanewshttps://libnanews.com
Libnanews est un site d'informations en français sur le Liban né d'une initiative citoyenne et présent sur la toile depuis 2006. Notre site est un média citoyen basé à l’étranger, et formé uniquement de jeunes bénévoles de divers horizons politiques, œuvrant ensemble pour la promotion d’une information factuelle neutre, refusant tout financement d’un parti quelconque, pour préserver sa crédibilité dans le secteur de l’information.

A lire aussi