Sanctions contre l’Iran : un tsunami américain qui menace de noyer le Liban
En mars 2025, les États-Unis ont dégainé une nouvelle salve de sanctions contre l’Iran, visant à étrangler son secteur énergétique et les entreprises qui facilitent ses exportations de brut. Cette offensive, inscrite dans une stratégie de pression maximale, cible le ministre iranien du Pétrole, Javad Owji, et des sociétés pétrochimiques accusées de contourner les restrictions internationales. Objectif clair : réduire les capacités économiques et militaires de Téhéran, pilier de l’axe chiite au Moyen-Orient. Avec un baril iranien déjà sous embargo, ces mesures visent à assécher les 40 milliards de dollars annuels tirés du pétrole (U.S. Energy Information Administration, 2023).
Mais ce durcissement ne frappe pas que l’Iran : le Liban, fragile satellite économique et politique de Téhéran via le Hezbollah, est pris dans la tourmente. Déjà au bord du gouffre – PIB réduit de 55 à 31 milliards de dollars (Banque mondiale, 2024) – Beyrouth subit les retombées d’un conflit géopolitique qui le dépasse. Les sanctions américaines, en resserrant l’étau sur l’Iran, menacent de couper des lifelines vitales pour un pays où 82 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (UNICEF, 2024).
Iran-Liban : un cordon ombilical sous tension
Le Liban est historiquement lié à l’Iran par un cordon ombilical politique et économique, incarné par le Hezbollah. Fondé en 1982 avec le soutien de Téhéran, ce parti-milice contrôle 30 % du Parlement, une armée parallèle de 100 000 roquettes, et un réseau financier opaque estimé à 1,5 milliard de dollars annuels (Arab Center Washington DC, 2023). L’Iran, via des livraisons de pétrole à prix préférentiels – 500 000 barils mensuels en 2023 – et des flux monétaires, soutient cette influence, un pilier de sa stratégie régionale contre Israël et les États-Unis.
Mais cette alliance est un boulet pour Beyrouth face à Washington. Les sanctions contre l’Iran, intensifiées depuis le retrait de l’accord nucléaire en 2018, placent le Liban dans une position intenable. Dépendant à 80 % des importations pour son énergie (Banque du Liban, 2023), le pays voit ses fragiles équilibres économiques et politiques menacés par cette nouvelle escalade. Le gouvernement de Nawaf Salam, en poste depuis février 2025, doit jongler entre la nécessité d’éviter les foudres américaines et celle de préserver ses liens avec un allié iranien sous perfusion.
Choc pétrolier : le Liban paie le prix de la guerre Iran-USA
Les sanctions contre le secteur énergétique iranien frappent le Liban de plein fouet. Avant 2025, Téhéran livrait du mazout à Beyrouth à des tarifs défiant toute concurrence – 20 % sous le marché mondial – une bouée de sauvetage pour un pays où l’électricité est limitée à 2 heures par jour et les pénuries d’essence paralysent les routes. Avec ces nouvelles restrictions, les exportations iraniennes, déjà réduites à 1 million de barils par jour (U.S. Energy Information Administration, 2023), risquent de chuter encore, privant le Liban d’un approvisionnement vital.
La facture énergétique explose : un baril à 90 dollars en mars 2025 pourrait grimper à 110 dollars d’ici l’été, alourdissant les coûts pour un pays qui dépense déjà 2 milliards annuels en carburant (Banque mondiale, 2024). Les entreprises locales, comme la Compagnie nationale d’électricité (EDL), déjà exsangue, devront se tourner vers des fournisseurs plus chers – Arabie saoudite, Irak – sans garantie de crédit. Pour les Libanais, cela signifie des prix à la pompe doublés – 500 000 LBP le litre d’essence – et une inflation, déjà à 180 %, prête à bondir à 300 %. « Je ne peux plus conduire ni chauffer ma maison », se lamente Fatima, 42 ans, mère de trois enfants à Tripoli.
Sanctions secondaires : le Liban dans le viseur de l’Oncle Sam ?
Le vrai cauchemar pour Beyrouth, ce sont les sanctions secondaires américaines, une épée de Damoclès suspendue au-dessus de son économie moribonde. Ces mesures, qui pénalisent les entités commerçant avec l’Iran, visent directement les réseaux du Hezbollah. Les banques libanaises – Audi, Byblos – sont sous surveillance accrue, soupçonnées de blanchir 200 millions de dollars annuels pour le parti chiite (U.S. Treasury, 2024). Toute transaction douteuse pourrait les exclure du système SWIFT, un coup fatal pour un secteur déjà à 60 % de pertes.
Les exportateurs et importateurs libanais, qui acheminent carburant et biens via des circuits iraniens, risquent des interdictions commerciales. En 2023, 10 % des importations pétrolières passaient par des intermédiaires liés à Téhéran ; aujourd’hui, ces réseaux sont dans le collimateur. L’économie informelle, qui représente 40 % du PIB et dépend des flux iraniens pour le commerce parallèle, vacille. « Si on coupe avec l’Iran, on perd tout », confie un commerçant de Baalbek en 2025. Salam tente une neutralité fragile, mais Washington ne tolère pas les demi-mesures.
Tensions nucléaires : un brasier régional qui brûle le Liban
Ces sanctions s’inscrivent dans un contexte explosif : les négociations sur le nucléaire iranien sont au point mort. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) alerte en 2025 : l’Iran enrichit l’uranium à 60 %, proche des 90 % nécessaires pour une bombe (IAEA, 2024). Washington menace de déclencher le « Snapback », rétablissant toutes les sanctions de l’accord de 2015, tandis que Téhéran promet de claquer la porte de l’AIEA si la pression monte.
Le Liban, otage de cette escalade, subit les ondes de choc. Une guerre froide irano-américaine renforcée dope les tensions régionales – Israël en alerte, le Hezbollah en première ligne – et complique les espoirs de stabilisation. « On est un pion dans leur jeu », déplore un diplomate libanais en mars 2025. Sans accord nucléaire, les sanctions s’éternisent, et le Liban, déjà à bout, risque de devenir un dommage collatéral dans ce brasier géopolitique.
Le Liban au pied du mur : des options désespérées dans la tempête
Face à ce déluge, Salam dispose de peu de cartes pour sauver son pays. Renforcer les liens avec d’autres partenaires pétroliers est une piste : l’Irak offre 1 million de barils mensuels depuis 2021, mais à des prix 30 % plus élevés que l’Iran ; les pays du Golfe, comme l’Arabie saoudite, exigent des réformes et une rupture avec le Hezbollah en échange de pétrole (Arab Center Washington DC, 2023). Ces alternatives, coûteuses, nécessitent des fonds que Beyrouth n’a pas – réserves à 8 milliards contre 35 en 2019.
Maintenir une diplomatie équilibrée est un autre pari. Salam esquive un alignement clair avec l’Iran pour éviter les foudres américaines, tout en ménageant Téhéran pour préserver le carburant. « Nous sommes neutres par nécessité », a-t-il déclaré en mars 2025. Mais cette danse sur un fil risque de ne convaincre ni Washington ni ses alliés, laissant le Liban dans un no man’s land diplomatique.
Négocier des exemptions humanitaires est une bouée fragile. Beyrouth pourrait plaider pour des dérogations auprès des États-Unis – carburant, médicaments – comme en 2020 lors de l’explosion du port (Élysée, 2021). Mais dans un climat de défiance, obtenir ces faveurs relève du miracle. Chaque option est un pari risqué, et le temps joue contre un pays au bord de l’asphyxie.
Un Liban à la dérive : un futur sombre dans l’ombre des sanctions
Ces sanctions contre l’Iran plongent le Liban dans un gouffre encore plus profond. Les prix du pétrole, déjà insoutenables, écrasent une population où un salaire de 40 dollars ne couvre pas une semaine de survie. Les banques, sous pression américaine, risquent une paralysie totale, coupant les derniers flux de dollars – la diaspora, qui envoyait 7 milliards annuels, réduit ses transferts de 30 % (UNICEF, 2024). L’isolement s’accélère : sans pétrole iranien ni aide occidentale, le Liban pourrait sombrer dans une crise énergétique et financière irréversible d’ici 2026.
Salam, pris entre le marteau américain et l’enclume iranienne, n’a ni les ressources ni le pouvoir pour trancher. Si Beyrouth ne trouve pas un miracle diplomatique – exemptions, nouveaux alliés, ou apaisement régional – les sanctions contre l’Iran pourraient être le coup de grâce pour un pays déjà à terre. Le Liban, pion malgré lui, vacille au bord du vide.