samedi, juin 14, 2025

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Liban : blocage des investissements et infrastructures en déliquescence

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Dans un pays en quête de relance économique, les investissements privés devaient représenter un levier décisif pour la reprise. Pourtant, la réalité actuelle dément cette ambition. Les projets se figent, les capitaux s’éloignent, et les infrastructures essentielles sombrent dans un état critique. Entre incertitude juridique, paralysie administrative et érosion des ressources publiques, le Liban apparaît aujourd’hui comme un environnement hostile aux investissements. Ce diagnostic s’accompagne d’un constat accablant : l’État, miné par ses propres défaillances, n’est plus en mesure d’assumer la maintenance de ses équipements de base ni de garantir les conditions d’un partenariat efficace avec le secteur privé.

Un climat d’investissement miné par l’instabilité juridique et politique

Plusieurs projets d’investissement en partenariat public-privé ont été suspendus ou abandonnés au cours des derniers mois. À Zahlé, une zone industrielle censée créer plus de 2000 emplois directs n’a jamais dépassé le stade des études préparatoires. À Tyr, un ambitieux plan d’aménagement des réseaux d’assainissement s’est arrêté après l’évaluation technique. Ces deux initiatives illustrent les blocages multiples qui frappent l’investissement productif : changements de gouvernements successifs, non-publication des décrets d’application, retards dans les autorisations environnementales, absence de garanties bancaires fiables.

Cette incertitude découle directement de la dégradation du cadre institutionnel. Dans un système où les postes de décision sont fréquemment vacants ou politiquement disputés, les partenaires privés peinent à identifier des interlocuteurs stables. Les autorisations nécessaires à la poursuite des projets s’empilent dans les ministères, sans hiérarchie claire ni coordination interservices. À cela s’ajoute un environnement juridique incertain, marqué par la lenteur des tribunaux, l’absence d’arbitrage crédible et une opacité contractuelle qui fait fuir les investisseurs internationaux.

Témoignages économiques : un pays incapable d’absorber les flux régionaux

Les représentants économiques ne mâchent plus leurs mots. Le pays, affirment-ils, n’est plus en mesure d’absorber les flux d’investissements régionaux. Non pas faute d’atouts, mais parce qu’aucune structure ne permet de les canaliser efficacement. La lourdeur bureaucratique, les carences administratives et les incertitudes politiques forment une barrière dissuasive.

Les procédures liées à l’octroi de terrains ou de permis de construire illustrent cette inefficacité. Dans certaines municipalités, l’obtention d’un simple certificat de conformité peut prendre plusieurs mois. À Beyrouth, des investisseurs évoquent des pratiques “informelles” devenues indispensables pour accélérer le traitement des dossiers. Le recours systématique aux contacts personnels ou aux paiements non officiels devient une étape implicite du processus décisionnel.

Le coût d’entrée pour tout projet devient ainsi exponentiel. Entre les frais de notariat, les commissions de consultation et les marges d’incertitude juridique, un entrepreneur doit souvent injecter 20 à 30 % de surcoût avant même d’envisager la mise en œuvre de son projet. Cette dynamique décourage les initiatives industrielles, au profit de micro-investissements à faible valeur ajoutée et fort rendement immédiat, dans l’immobilier ou le commerce informel.

Infrastructures essentielles à l’abandon : l’exemple criant de Baalbeck

La crise des infrastructures traduit avec une clarté brutale les effets de cette désorganisation. À Baalbeck, la distribution d’eau ne dépend plus du réseau public. Faute de réparations, plusieurs quartiers sont alimentés exclusivement par des camions-citernes privés. L’eau est livrée selon la disponibilité des fournisseurs, sans contrôle sanitaire ni régularité.

Le réseau en place, construit pour l’essentiel dans les années 1990, souffre de multiples ruptures de canalisation et de pompes en panne. Les municipalités n’ont plus les ressources nécessaires pour intervenir : leurs budgets, réduits depuis la crise de la livre libanaise, ne permettent ni l’achat de pièces détachées, ni le financement des appels d’offres. Certaines municipalités n’ont pas même les moyens de faire intervenir une société d’ingénierie pour établir un état des lieux technique.

Cette situation a des conséquences directes sur la vie quotidienne. Les familles les plus modestes doivent acheter des jerricans ou des bidons d’eau, à des prix souvent supérieurs au tarif officiel. Les écoles publiques ne peuvent garantir une alimentation suffisante en eau potable, et plusieurs dispensaires locaux ont dû fermer temporairement leurs portes en raison d’une absence d’eau courante.

Les partenariats public-privé piégés entre opacité et défaillance de l’État

Face à cette crise, le partenariat public-privé a longtemps été présenté comme une solution. Permettre au secteur privé d’investir dans des infrastructures contre rémunération ou concession : le modèle, appliqué dans de nombreux pays, devait pallier les déficiences de l’État. Mais dans le contexte libanais, ce mécanisme s’est heurté à l’absence d’un cadre transparent et régulé.

Aucun organe indépendant ne contrôle aujourd’hui l’attribution des marchés de partenariat. Les procédures d’appel d’offres restent opaques, les critères d’évaluation varient selon les administrations, et les décisions sont parfois prises à huis clos. Plusieurs projets ont été attribués à des entreprises dont la solidité financière n’était pas vérifiée. D’autres ont été annulés sans justification officielle.

Cette opacité alimente un climat de méfiance. Les banques refusent d’accorder des crédits aux entreprises candidates à des projets publics, faute de visibilité sur le cadre réglementaire. Les sociétés étrangères, pourtant intéressées par des domaines comme la gestion des déchets ou la production d’énergie solaire, se retirent dès les premiers stades des négociations.

En l’absence d’un organisme de régulation, chaque ministère développe ses propres méthodes, parfois contradictoires. Les cahiers des charges techniques ne sont pas harmonisés. Les délais de paiement aux prestataires dépassent souvent les 18 mois. Dans ce contexte, rares sont les acteurs privés prêts à s’engager sur des projets dépassant les 5 millions de dollars.

Comment reconstruire un climat propice à l’investissement ?

Sortir de cette impasse exige bien plus qu’une série de mesures techniques. C’est un rééquilibrage complet de la relation entre l’État, les collectivités territoriales et le secteur privé qui doit être entrepris. La mise en place d’un guichet unique d’investissement, géré de manière indépendante et doté de compétences juridiques claires, constituerait un premier pas. Ce guichet pourrait simplifier les démarches, coordonner les autorisations, et offrir un point d’entrée fiable aux investisseurs étrangers.

Parallèlement, une réforme de la législation encadrant les partenariats public-privé apparaît indispensable. Cette réforme devrait inclure la création d’une commission de contrôle indépendante, la publication obligatoire des contrats, et la possibilité pour les collectivités locales de lancer leurs propres appels d’offres sous supervision.

Enfin, la reconstruction de la confiance passera par l’exécution effective d’un ou deux projets pilotes dans des délais respectés. Qu’il s’agisse de rénover un réseau d’eau, de bâtir une école ou de moderniser un centre de tri des déchets, l’objectif est simple : démontrer que l’administration est capable de planifier, d’attribuer, d’exécuter et d’évaluer une infrastructure publique en toute transparence.

Sans cette preuve tangible de compétence publique, aucun discours ne suffira à restaurer la crédibilité nécessaire à l’investissement.

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