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Liban: La crise de liquidités et la défiance croissante envers les banques s’accentue

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Le 21 mars 2025, la situation des banques libanaises demeure au cœur des préoccupations, marquée par une crise de liquidités persistante et une défiance généralisée des déposants. Ce jour-là, un article met en lumière les tensions croissantes au sein du secteur bancaire, qualifiant l’état actuel de « conflit de gamins entre institutions financières ». Ces tensions émergent alors que des désaccords opposent certaines banques privées aux nouvelles règles de restructuration imposées par la Banque du Liban (BDL), révélant un système financier fragilisé et des déposants confrontés à des restrictions arbitraires, renforçant leur méfiance envers les institutions bancaires.

Tensions entre banques et refus de mutualisation

Au centre des frictions figure un mécanisme de mutualisation des pertes, proposé dans le cadre de la restructuration du secteur bancaire par la Banque du Liban. Ce plan vise à répartir les pertes colossales accumulées depuis le début de la crise économique en 2019, estimées à des dizaines de milliards de dollars, entre les banques, leurs actionnaires et, dans une certaine mesure, les déposants. Cependant, plusieurs banques privées ont refusé d’y adhérer, le jugeant désavantageux pour leurs actionnaires. Ces institutions estiment que les nouvelles règles favorisent certaines banques au détriment d’autres, créant une inégalité dans la prise en charge des pertes.

Ce désaccord illustre une fracture au sein du secteur bancaire libanais, qui comptait autrefois parmi les piliers de l’économie nationale. Avant 2019, les banques attiraient des dépôts massifs, notamment de la diaspora, grâce à des taux d’intérêt élevés, soutenant un système de ponction déguisée via la dette publique. La crise a révélé l’insolvabilité de nombreuses institutions, incapables de rembourser les déposants ou de maintenir leurs opérations sans un soutien massif de la BDL. Le refus de certaines banques de participer à la mutualisation des pertes complique davantage les efforts de restructuration, retardant une solution globale à la crise financière.

Restrictions sur les retraits et conversions forcées

Pour les déposants, la situation reste critique. Les retraits en espèces sont toujours strictement limités, une mesure en place depuis novembre 2019, lorsque les banques ont imposé des plafonds informels face à une ruée sur les guichets. Ces restrictions, initialement présentées comme temporaires, sont devenues une norme, fluctuant selon les établissements et les clients sans cadre légal clair. Les montants autorisés oscillent souvent entre 100 et 400 dollars par mois pour les comptes en devises, loin des besoins réels des ménages dans un pays où l’inflation a pulvérisé le pouvoir d’achat.

Les demandes de restitution en dollars, monnaie dans laquelle la majorité des dépôts ont été effectués, sont systématiquement rejetées ou converties en livres libanaises à des taux défavorables. Ces taux, fixés par les banques, diffèrent du taux officiel de la Banque du Liban (15 000 livres par dollar en mars 2025) et du taux du marché parallèle, qui avoisine 89 000 livres. Par exemple, un déposant souhaitant retirer 1 000 dollars pourrait recevoir l’équivalent en livres à un taux intermédiaire – souvent autour de 30 000 à 40 000 livres par dollar – perdant ainsi une part significative de la valeur réelle de son argent. Cette pratique, surnommée « haircut » informel, alimente la frustration des clients, qui se sentent spoliés par un système bancaire incapable de garantir l’accès à leurs fonds.

Une défiance généralisée envers le système bancaire

Ces restrictions ont engendré une méfiance profonde envers les banques libanaises. Les déposants, privés d’accès libre à leurs économies, se détournent progressivement du système formel pour leurs transactions significatives. Le recours au cash, souvent obtenu via le marché noir ou des réseaux informels, est devenu courant, même pour des montants importants. Les transferts d’argent passent désormais par des circuits alternatifs, tels que les bureaux de change ou les applications de paiement internationales, contournant les banques traditionnelles. Cette économie parallèle, bien que risquée et coûteuse, est perçue comme une solution plus fiable face à l’arbitraire des institutions financières.

La crise de liquidités a des racines profondes. En 2019, le système bancaire libanais, surendetté par des décennies de prêts au secteur public et à la BDL, s’est effondré sous le poids d’une crise de confiance et d’une fuite des capitaux. Les réserves en devises, estimées à plus de 30 milliards de dollars avant la crise, ont fondu, en grande partie utilisées pour maintenir un taux de change artificiel de la livre avant son abandon en 2023. Aujourd’hui, les banques manquent de liquidités pour répondre aux demandes des déposants, dépendant des injections limitées de la BDL et des rares rentrées de devises.

Un secteur bancaire en crise depuis 2019

Avant la crise, le secteur bancaire libanais comptait plus de 60 banques commerciales, employant des milliers de personnes et gérant des dépôts dépassant 170 milliards de dollars. Depuis 2019, ce modèle a volé en éclats. La valeur des dépôts a été érodée par la dévaluation de la livre, passée de 1 500 à près de 89 000 livres par dollar sur le marché parallèle en mars 2025. Les pertes, estimées entre 60 et 70 milliards de dollars selon les audits réalisés avant 2025, ont rendu la plupart des banques techniquement insolvables, incapables de restituer les fonds sans une restructuration profonde ou un renflouement externe.

Les efforts de restructuration, menés sous la supervision de la Banque du Liban, se heurtent à des obstacles majeurs. Le mécanisme de mutualisation des pertes, au cœur des tensions actuelles, fait partie d’un plan plus large visant à recapitaliser les banques viables et à liquider celles qui ne le sont pas. Cependant, l’opposition de certaines institutions privées reflète une crainte de voir leurs actionnaires assumer une trop grande part du fardeau, au détriment des déposants ou d’un éventuel soutien étatique. Cette impasse prolonge l’incertitude, alors que le gouvernement, dirigé par Nawaf Salam depuis 2025, peine à finaliser un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour débloquer des fonds.

Conséquences pour les Libanais

Pour la population, les conséquences sont immédiates et lourdes. Les restrictions bancaires ont anéanti la capacité des ménages à accéder à leurs économies, forçant beaucoup à vendre des biens ou à dépendre de l’aide de la diaspora. Les entreprises, privées de liquidités, réduisent leurs opérations ou ferment, aggravant un chômage déjà rampant. L’économie informelle, dopée par le recours au cash, échappe à tout contrôle fiscal, creusant davantage le déficit public.

La défiance envers les banques a également un impact social. Les manifestations de 2019, déclenchées par la crise bancaire, ont laissé des cicatrices, et les Libanais associent désormais le secteur à la corruption et à la mauvaise gestion des élites. Cette perte de confiance complique toute tentative de réforme, les citoyens doutant de la volonté ou de la capacité des autorités à restaurer un système financier viable.

Perspectives incertaines

La crise de liquidités et les tensions entre banques privées et la Banque du Liban ne trouvent pas de résolution immédiate. Le refus de certaines institutions de participer au mécanisme de mutualisation retarde la restructuration, tandis que les déposants restent pris en otage d’un système dysfonctionnel. Sans injection massive de capitaux extérieurs – hypothèse improbable dans le contexte actuel – ou un accord politique interne sur le partage des pertes, le secteur bancaire risque de stagner dans cet état de paralysie.

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Newsdesk Libnanews
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