mardi, mai 20, 2025

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Liban : l’accès aux dépôts bancaires toujours restreint

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Depuis 2019, les banques libanaises ont gelé l’accès aux comptes en devises, empêchant ainsi des centaines de milliers de déposants de récupérer leurs fonds. Ce gel, appliqué sans base légale claire, a engendré un sentiment de colère et d’injustice généralisé parmi la population. À ce jour, aucune solution concrète n’a été trouvée pour résoudre cette crise, exacerbant davantage la défiance envers le secteur bancaire et les institutions financières du pays​.

Le principal problème réside dans le refus des banques libanaises d’assumer leur part de responsabilité. Dès les premiers signes de crise, les grandes institutions bancaires ont adopté une posture défensive, transférant la responsabilité de la faillite du système financier vers l’État et la Banque du Liban. Pourtant, plusieurs enquêtes ont révélé que les banques avaient permis à des élites politiques et économiques de transférer massivement leurs capitaux à l’étranger, alors que les déposants ordinaires étaient empêchés d’accéder à leurs économies​.

Ce gel des comptes a eu des conséquences dramatiques sur l’économie et la vie quotidienne des Libanais. De nombreux citoyens, privés de leurs fonds, ont été contraints de vendre leurs biens, de quitter le pays ou de se retrouver dans une précarité financière inéditeLes associations de déposants, qui ont multiplié les manifestations et recours juridiques, accusent les banques d’opérer un véritable hold-up sur les avoirs des citoyens​.

Les propositions gouvernementales pour résoudre cette crise ont été largement rejetées par les associations de déposants. La dernière initiative en date, qui consiste à rembourser une partie des dépôts en livres libanaises à un taux largement défavorable, a suscité un tollé général. En effet, avec la dévaluation massive de la monnaie nationale, une telle mesure reviendrait à spolier une fois de plus les épargnants en leur imposant des pertes colossales​.

Des négociations dans l’impasse entre les banques, la Banque du Liban et le gouvernement

Face à la pression croissante des déposants et des institutions internationales, le secteur bancaire tente de négocier une sortie de crise, mais les discussions avec la Banque du Liban (BDL) et le gouvernement restent bloquées. Depuis plusieurs mois, les principaux dirigeants bancaires cherchent à imposer un compromis qui leur permettrait d’étaler les remboursements sur plus de 10 ans, un scénario largement rejeté par la société civile et les économistes, qui y voient une tentative de gagner du temps sans réelle volonté de résoudre la crise​.

L’une des principales raisons de cette impasse réside dans l’influence considérable des grandes banques sur les décisions économiques du pays. De nombreuses institutions financières libanaises sont détenues ou contrôlées par des figures politiques et des élites économiques, ce qui leur permet d’imposer des conditions favorables à leurs intérêts, au détriment des déposants. Ce conflit d’intérêts a paralysé toute tentative de réforme sérieuse du secteur bancaire, malgré les pressions exercées par les associations de déposants et les instances internationales​.

La Banque du Liban, sous la direction d’un nouveau gouverneur nommé après le départ de Riad Salamé, tente de trouver une solution qui éviterait une faillite systémique du secteur bancaire. Cependant, le manque de consensus entre la BDL, le gouvernement et les banques commerciales empêche toute avancée concrète. Chaque acteur défend ses propres intérêts :

  • Les banques veulent limiter leurs pertes en imposant une restructuration qui ne toucherait ni leurs actionnaires ni leurs dirigeants, ce qui signifie faire peser l’essentiel des pertes sur les déposants et l’État.
  • Le gouvernement, sous pression des instances internationales, tente de négocier un compromis pour éviter une crise sociale encore plus profonde.
  • La Banque du Liban cherche à préserver la stabilité du système financier, tout en tentant d’éviter des effondrements en chaîne si certaines banques venaient à faire faillite​.

Dans ce bras de fer, les grands perdants restent les citoyens, qui voient leurs économies bloquées indéfiniment sans qu’aucune solution ne soit mise en place. Plusieurs plaintes ont été déposées par des associations de déposants, dénonçant l’inaction des autorités et l’impunité dont bénéficient les banques​.

L’une des propositions évoquées récemment est d’imposer un « haircut » (une réduction forcée des dépôts) sur les comptes dépassant un certain seuil, afin de limiter l’impact sur les petits épargnants. Toutefois, cette solution est rejetée par les banques, qui redoutent un effondrement total de la confiance et un exode massif des capitaux restants​.

Alors que les négociations continuent sans issue visible, le FMI insiste sur la nécessité d’une restructuration complète du secteur bancaire, conditionnant toute aide financière à la fermeture des banques non viables et à l’imposition de pertes aux actionnaires. Or, les grandes institutions financières libanaises s’opposent fermement à ces exigences, refusant de reconnaître leurs responsabilités dans la crise actuelle​.

Les institutions financières libanaises : un rempart contre les réformes du FMI

Malgré l’effondrement du système bancaire et l’urgence d’une restructuration profonde, les grandes banques libanaises continuent de bloquer toute tentative de réforme imposée par le Fonds monétaire international (FMI). Ces institutions, autrefois considérées comme le pilier de la stabilité financière du pays, se sont transformées en un obstacle majeur à la sortie de crise, cherchant avant tout à préserver les intérêts de leurs actionnaires et de leurs dirigeants plutôt que de restaurer la confiance des déposants​.

Un refus catégorique des pertes et de la fermeture des banques non viables

Le FMI, conditionnant toute aide financière à une restructuration complète du secteur bancaire, a exigé la fermeture des établissements non viables, une mesure qui permettrait d’assainir le système en éliminant les banques insolvables et en redirigeant les actifs vers des institutions plus solides​.

Cependant, les grandes banques libanaises rejettent catégoriquement cette approche. Elles refusent d’assumer les pertes générées par la crise, préférant transférer la responsabilité à l’État, et donc aux contribuables et aux déposants. Cette résistance s’explique par plusieurs facteurs :

  1. Des liens étroits entre les banques et les élites politiques :
    • Une grande partie du capital des banques est détenue par des familles influentes et des politiciens de premier plan, qui refusent de voir leurs actifs dilués par une restructuration imposée​.
    • Ces connexions permettent aux banques d’exercer une pression constante sur le gouvernement, empêchant l’adoption de toute réforme contraire à leurs intérêts.
  2. La peur d’un précédent dangereux pour les actionnaires :
    • Le FMI recommande d’imposer des pertes aux actionnaires des banques, une pratique courante dans d’autres pays en crise financière.
    • Or, les dirigeants bancaires craignent qu’une telle mesure ne fasse fuir les investisseurs, aggravant encore la situation du secteur financier libanais​.
  3. Une volonté de reporter indéfiniment la restructuration :
    • Les banques proposent d’étaler les remboursements des déposants sur 10 à 15 ans, une solution qui leur permettrait de limiter l’impact immédiat de la crise sur leur bilan financier, sans véritablement résoudre le problème​.
    • Cette stratégie de temporisation ne fait que prolonger l’incertitude et accentuer la méfiance des Libanais envers leur système bancaire.

Les conséquences d’un refus de réformes : un isolement financier accru

En s’opposant aux exigences du FMI, les banques libanaises mettent en péril toute possibilité de financement international, rendant le redressement du pays encore plus difficile. Aucune aide extérieure ne sera débloquée tant que les réformes bancaires ne seront pas mises en œuvre, ce qui signifie que le Liban restera dans une impasse financière aussi longtemps que ce blocage perdurera​.

Les investisseurs étrangers, déjà réticents à injecter des capitaux dans un pays où l’instabilité règne et où les fonds restent bloqués sans justification légale, ne reviendront pas tant que le système bancaire libanais ne prouvera pas sa capacité à fonctionner de manière transparente et efficace.

En refusant toute réforme structurelle, les banques libanaises prennent donc un risque énorme :

  • Elles aggravent la fuite des capitaux vers l’étranger, affaiblissant encore plus l’économie.
  • Elles prolongent la crise de confiance, empêchant toute reprise de l’investissement privé.
  • Elles isolent le Liban du système financier international, rendant l’accès aux financements extérieurs de plus en plus difficile.

Le sort des déposants : la grande inconnue

Le FMI, en accord avec certaines propositions gouvernementales, a suggéré d’instaurer un cadre de remboursement progressif des dépôts, avec une priorité donnée aux comptes de faible montant. Mais les banques refusent de supporter ces pertes sans compensation, laissant des millions de Libanais dans l’incertitude totale quant à l’avenir de leurs économies​.

Aucune solution acceptable n’a encore été trouvée, et chaque jour qui passe aggrave la frustration des déposants, qui voient leurs économies bloquées sans perspective de récupération. Certains ont déjà tenté de récupérer leurs fonds par la force, donnant lieu à une multiplication des attaques contre les agences bancaires, un phénomène qui risque de s’intensifier si aucune issue n’est trouvée​.

En conclusion, le blocage imposé par les banques libanaises est l’un des principaux freins au redressement économique du paysTant que ces institutions refuseront d’accepter les réformes demandées par le FMI et de partager les pertes, la crise restera sans issue, et le Liban continuera de sombrer dans un isolement économique et financier de plus en plus profond​.

Scénarios possibles pour résoudre la crise et conséquences d’un échec prolongé

Le Liban est aujourd’hui face à un dilemme majeur : soit il engage des réformes bancaires douloureuses mais nécessaires, soit il continue dans la voie de l’inaction et de la paralysie financière, avec des conséquences catastrophiques sur l’économie et la société. Les scénarios de sortie de crise existent, mais tous impliquent des sacrifices et des choix difficiles, que le gouvernement et le secteur bancaire semblent toujours éviter​.

Scénario 1 : Un accord avec le FMI et une restructuration du secteur bancaire

L’option la plus rationnelle et souhaitée par les instances internationales est un accord formel entre le gouvernement libanais et le FMI, permettant de débloquer une aide financière cruciale et de stabiliser le système bancaire. Cet accord inclurait plusieurs mesures clés :

  • La fermeture des banques non viables, afin de consolider le secteur autour d’institutions plus solides et fiables.
  • L’imposition de pertes aux actionnaires et aux grands déposants, au lieu de faire peser la crise sur les petits épargnants.
  • La mise en place d’un plan progressif de remboursement des dépôts, garantissant un retour partiel des fonds bloqués sur une période définie​.

Cette solution, bien que difficile, est le seul moyen de restaurer la confiance du marché et d’attirer de nouveaux investissements. Toutefois, elle se heurte toujours à la résistance des banques libanaises, qui refusent d’accepter des pertes importantes et de voir certaines de leurs institutions disparaître​.

Scénario 2 : Une restructuration bancaires sans accord avec le FMI

Dans ce cas, le Liban pourrait tenter de restructurer son secteur bancaire de manière autonome, en mettant en place un plan national de redressement sans l’appui du FMI. Cela impliquerait un partage des pertes entre les banques, l’État et les déposants, mais risquerait d’être mal perçu par la communauté financière internationale. Sans garantie d’un soutien extérieur, cette option pourrait simplement prolonger la crise sans la résoudre complètement​.

Le gouvernement pourrait aussi créer une “bad bank”, une structure qui absorberait les créances douteuses et les dettes toxiques du secteur bancaire, permettant aux banques saines de reprendre leurs activités normalement. Cependant, ce type de mécanisme demande une gestion rigoureuse et transparente, chose qui a toujours fait défaut au Liban​.

Scénario 3 : Le maintien du statu quo et l’aggravation de la crise

Le scénario le plus probable, si aucune décision courageuse n’est prise rapidement, est le maintien du statu quo actuel, avec un secteur bancaire toujours en faillite, des dépôts gelés et une méfiance totale des citoyens.

Si rien ne change, les conséquences à moyen et long terme seront dramatiques :

  • L’économie continuera de s’effondrer, faute de financements et de liquidités.
  • Les déposants, désespérés, multiplieront les recours à la force contre les banques, augmentant l’instabilité sociale et les violences.
  • Le Liban restera isolé du système financier mondial, rendant tout projet d’investissement pratiquement impossible.
  • L’émigration des jeunes talents et des entrepreneurs s’accélérera, vidant le pays de sa main-d’œuvre qualifiée​.

Si ce scénario persiste, le Liban pourrait basculer vers une économie informelle, où les échanges se feront essentiellement en espèces et en devises étrangères, renforçant le marché noir et la corruption.

Le temps presse : une décision doit être prise

Face à ces trois options, la nécessité d’agir devient urgenteLe gouvernement, la Banque du Liban et les institutions financières ne peuvent plus se permettre de repousser les décisions. Si aucune réforme n’est engagée d’ici quelques moisle Liban pourrait perdre définitivement toute possibilité de relancer son économie​.

Les prochaines semaines seront déterminantes : soit un accord est trouvé pour restructurer le secteur bancaire, soit le Liban s’enfoncera encore plus profondément dans la crise, avec des conséquences irréversibles sur son avenir économique et social​.

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