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Liban : réformes ou sanctions, l’ultimatum occidental

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En ce 20 mars 2025, le Liban fait face à une montée en puissance de la pression diplomatique exercée par les États-Unis et l’Union européenne. Washington et Bruxelles, exaspérés par l’inaction persistante de Beyrouth, exigent des réformes économiques et judiciaires immédiates pour enrayer la chute libre du pays et combattre une corruption endémique. Les menaces de sanctions ciblées contre des figures politiques clés planent, visant ceux accusés de détourner des fonds publics ou de bloquer tout progrès. Alors que l’administration Trump insiste sur une refonte du secteur bancaire et que l’UE met l’accent sur une justice indépendante, la classe politique libanaise, sous la direction fragile de Nawaf Salam, reste profondément divisée. Entre appels à la coopération et cris d’ingérence étrangère, le pays vacille au bord d’un précipice.

Une double offensive diplomatique

Les États-Unis, sous Donald Trump, ne mâchent pas leurs mots. Depuis son retour au pouvoir en janvier, l’administration américaine a fait de la restructuration du secteur bancaire libanais une priorité absolue. Ce secteur, jadis fleuron de l’économie, est en ruines depuis la crise de 2019, avec des pertes estimées à plus de 70 milliards de dollars et des déposants privés de leurs économies par des restrictions informelles. Trump, dans une déclaration relayée par des sources diplomatiques le 18 mars, a qualifié cette situation de « désastre évitable » et pressé Beyrouth d’adopter des réformes pour débloquer des financements internationaux, notamment via le Fonds monétaire international (FMI). « Pas de réformes, pas d’argent », aurait-il averti lors d’un entretien avec des responsables libanais en marge des négociations à Washington.

L’Union européenne, de son côté, concentre ses efforts sur la réforme judiciaire. Lors d’une réunion à Bruxelles le 17 mars, des diplomates européens ont insisté sur la nécessité d’un pouvoir judiciaire indépendant pour garantir la transparence dans la gestion des fonds publics et mettre fin à l’impunité des élites. Cette demande fait écho à des années d’appels pour une justice capable de s’attaquer à la corruption, un fléau qui a vidé les caisses de l’État de dizaines de milliards de dollars sur des décennies. L’UE, qui a prolongé son cadre de sanctions ciblées jusqu’en juillet 2025, menace d’agir contre ceux qui entravent ces réformes, avec des noms comme Nabih Berri, président du Parlement, ou Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, souvent cités dans les cercles diplomatiques.

Les deux puissances brandissent la menace de sanctions ciblées comme un levier. Ces mesures viseraient des responsables politiques et financiers soupçonnés de détournements ou de sabotage des efforts de redressement. Des sanctions similaires ont déjà frappé l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, en 2023, accusé par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada d’avoir orchestré un système de corruption massive. Aujourd’hui, la liste pourrait s’élargir, incluant des figures influentes soupçonnées de bloquer l’accord avec le FMI ou de protéger les intérêts des grandes banques.

Une économie au bord du gouffre

La pression diplomatique s’exerce dans un contexte économique désespéré. Le PIB libanais a chuté de plus de 38 % depuis 2019, et l’inflation galope à plus de 150 % en 2025. La livre libanaise, dévaluée de 50 % rien que cette année, rend les produits de base inaccessibles pour une population dont 80 % vit sous le seuil de pauvreté. Les réserves de devises de la Banque du Liban, tombées à 8 milliards de dollars contre 36 milliards en 2019, ne permettent plus d’importer carburant, médicaments ou blé sans une aide extérieure massive. Pourtant, cette aide reste conditionnée à un accord avec le FMI, bloqué depuis 2022 par l’incapacité des dirigeants à s’entendre sur des réformes.

La restructuration bancaire, au cœur des exigences américaines, est un nœud gordien. Les banques, insolvables, détiennent encore des dépôts gelés de millions de Libanais, tandis que leurs actionnaires, souvent liés à l’élite politique, refusent de reconnaître leurs pertes. Un plan proposé par Salam en février prévoyait de répartir ces pertes entre les banques, leurs propriétaires et les gros déposants, mais il s’est heurté à une levée de boucliers. Les États-Unis insistent pour une recapitalisation et une unification du taux de change, des mesures jugées essentielles pour relancer l’économie et restaurer la confiance des investisseurs internationaux.

L’UE, quant à elle, voit dans une réforme judiciaire le préalable à toute avancée. L’indépendance des juges est cruciale pour enquêter sur les scandales financiers, comme l’explosion du port de Beyrouth en 2020, toujours sans responsables condamnés, ou les détournements dans le secteur électrique, qui coûte 2 milliards de dollars par an à l’État pour un service quasi inexistant. Sans une justice autonome, les fonds publics risquent de continuer à s’évaporer, rendant vaine toute tentative de redressement.

Une classe politique fracturée

Face à ces pressions, la réponse libanaise est loin d’être unanime. Nawaf Salam, Premier ministre désigné depuis janvier, tente de jouer les équilibristes. Soutenu par une partie de la communauté internationale pour son profil réformateur, il plaide pour une coopération avec Washington et Bruxelles. Le 19 mars, il a appelé à « un consensus national » pour répondre aux exigences du FMI, mais ses efforts se brisent sur les divisions internes. Des ministres proches des partis traditionnels, comme le Hezbollah ou Amal, dénoncent une « ingérence étrangère » et accusent l’Occident de vouloir imposer une restructuration économique au profit des banques étrangères. « Ce n’est pas à Washington ou à Bruxelles de dicter nos lois », a lancé un député influent le 18 mars, reflétant une méfiance historique envers les interventions extérieures.

D’autres, notamment au sein des Forces libanaises et des indépendants issus de la révolte de 2019, soutiennent les pressions internationales comme un levier pour briser l’emprise de l’élite corrompue. Ils y voient une chance de forcer des réformes structurelles, même au prix d’une austérité douloureuse. Mais cette division paralyse toute action concrète. Le Parlement, où aucun bloc n’a de majorité claire, échoue à voter des lois clés, comme une législation sur les contrôles de capitaux ou une refonte du système judiciaire, tandis que le gouvernement de Salam, encore en formation, manque de légitimité pour imposer des décisions.

Les implications : entre espoir et chaos

Cette pression diplomatique pourrait être un tournant pour le Liban. Si les réformes avancent, elles ouvriraient la voie à une aide internationale vitale, stabilisant l’économie et restaurant une confiance perdue. L’accord avec le FMI, par exemple, permettrait de recapitaliser les banques, de relancer les importations et de réduire l’inflation, offrant un répit à une population exsangue. Une justice indépendante pourrait aussi commencer à démanteler les réseaux de corruption qui gangrènent le pays depuis des décennies.

Mais le risque d’échec est tout aussi réel. Si la classe politique persiste dans son immobilisme, les sanctions occidentales pourraient frapper des figures clés, paralysant davantage un système déjà à l’agonie. Une austérité imposée sans filet social risquerait de déclencher des troubles, dans un pays où les manifestations de 2019 ont montré la colère populaire. Pire, un rejet des exigences étrangères pourrait pousser le Hezbollah et ses alliés à chercher un soutien accru auprès de l’Iran, accentuant les tensions régionales et l’isolement du Liban.

Un ultimatum à double tranchant

En ce 20 mars 2025, le Liban se tient à la croisée des chemins. Les États-Unis et l’UE, lassés des promesses non tenues, posent un ultimatum clair : réformes ou sanctions. Nawaf Salam, coincé entre des pressions extérieures et des divisions internes, doit naviguer dans un champ de mines politique. Pour un pays au bord de l’effondrement, l’issue de ce bras de fer déterminera s’il peut encore éviter le chaos ou s’il sombrera plus profondément dans l’abîme.

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