(Colloque au Sénat français le 24 mars 2016)

Tout d’abord je remercie, le forum des experts  libanais et sa  dynamique présidente madame Nada Chehab, de m’offrir la possibilité de m’exprimer à ce sujet et d’aborder, la dimension culturelle inséparable, aujourd’hui dans la mondialisation, de la dimension politique et économique.

L’excellence libanaise, outre les qualités individuelles de tout un chacun, puise une partie de ses ressources dans le système d’éducation au Liban et  dans la culture libanaise.

Concernant le système d’éducation au Liban, il est diversifié et offre toute une palette de formations et de spécialisations, toutes basées sur l’exigence et la compétence actualisée. Cette diversité offre un  vaste choix et alimente la stimulation et la compétitivité positive.

 Dès le départ les Libanais misent et investissent, dans le domaine éducatif, qui est pour plus de 50 % privé, ce qui nécessairement les entraîne à l’émulation et  la performance .Ce système peut présenter d’autres travers mais il a le mérite, de favoriser le choix, l’encadrement et  de maintenir, une obligation de résultat. C’est un système transcommunautaire (pour exemple, 24 % des élèves musulmans fréquentent des écoles catholiques, à part les missions laïques et les lycées qui pour la plupart, dispensent  conjointement, les deux baccalauréats libanais et français) Le système public, quant à lui bénéficie, depuis quelques années du pacte linguistique. L’apprentissage des langues est essentiel dans le système d’éducation au Liban.

Au niveau des universités, la plupart des universités privées sont régies, par des accords avec des universités à l’étranger (francophones ou anglophones), ce qui permet la possibilité de poursuivre facilement, des études supérieures à l’extérieur. Concernant l’université nationale libanaise, elle suit également ce mouvement  et excelle, dans  plusieurs domaines notamment  scientifiques,  tel  celui de la médecine .Le Liban étant un petit  pays pluriculturel, avec une économie  essentiellement de services, le principe de la mixité et  des vases communicants, fonctionne bien la plupart de temps.

Ce qui nous amène, à la culture libanaise qui présente certaines spécificités. L’éducation est un apprentissage de connaissances mais la culture, est une intériorisation de certains usages et d’un certain mode de vie. Les Libanais se distinguent, par une vision du monde qui les relie entre eux et  qu’ils se transmettent, à travers les espaces et les générations. Cette approche est le fruit de l’histoire et de la géographie et d’un vécu, plusieurs fois centenaire voire millénaire, vérifié et partagé. Nous savons aujourd’hui, que l’identité culturelle d’une collectivité, est à la fois dynamique, évolutive et en même temps constante, continue et répétitive. C’est comme un code génétique qui s’inscrit, dans des déterminations et des données de base mais évolue, au gré des évènements, dans la liberté et la prise de conscience.

  De part leur géographie atypique, à la fois ouverte et enclavée, formée de la juxtaposition paradoxale  et de l’interpénétration, d’éléments naturels et de par leur histoire, à la fois continue et tourmentée, les Libanais ont développé depuis leurs lointains ancêtres  phéniciens, une vocation unique, de médiateurs culturels et commerciaux, basée sur la diversité, qui partiellement  les structure et définit une logique comportementale. Cette disposition s’inscrit dans leur patrimoine. Le Liban est un pays mondialisé, avant l’heure et avant la révolution des moyens de communication. Le Libanais développe une faculté double de se mouvoir, de se déplacer, et de s’ancrer, de s’enraciner.

Les Libanais sont portés naturellement vers les langues et les échanges. Ce n’est pas un hasard, s’ils sont les inventeurs reconnus, du premier alphabet phonétique, en tant qu’outil de communication et de commerce. Cette aptitude est toujours présente au Liban ainsi que la double ouverture, à l’Orient et à l’Occident. De part leur structure sociologique et leur économie (agriculture et services) les Libanais sont à la fois, libéraux et conservateurs  mais surtout capables, de s’adapter, de comprendre  et d’adopter  rapidement, la culture de leur lieu d’accueil.

 En tant que pays pluriel, le Liban est à mi chemin, entre un système démocratique, basé sur les droits de l’homme  et un système patriarcal, basé sur la cohésion du groupe. Les Libanais reconnaissent l’importance des libertés individuelles comme issues des libertés accordées aux groupes. La Liberté d’expression est structurante de l’identité libanaise et n’a jamais été remise en question par les autorités publiques Libanaises, même durant les pires moments de la guerre. La Femme Libanaise a d’emblée son espace de participation, à la vie active car elle accède aux hautes études et aux professions libérales,  autant que l’homme. Même si sa participation à l’espace politique est plus restreinte. De même pour la société civile dans son ensemble .Le libéralisme, tant  économique que de mœurs, fait partie intégrante, de la manière de vivre  des Libanais qui  interagissent, avec leur environnement et conservent sinon cultivent, un esprit renouvelé d’initiative et d’entreprise.

Le fait d’avoir vécu des épreuves, rend également les Libanais résilients.  C’est  également le  fait de vivre, dans un espace de rencontres, pouvant facilement se transformer, en un espace de conflits. Les Libanais ont donc développé une capacité de faire face, à des situations inédites ou d’urgence et de trouver rapidement, des solutions de rechange ou de survie. Il faudrait comprendre que notre monde d’aujourd’hui, nous contraint, à intégrer des impondérables et des aléas et que notre réactivité peut parfois, être un moteur essentiel. Souvent le Libanais est préparé, à ce type d’exercice car tout en évaluant les risques, il se ménage une marge d’initiative  et sait qu’il doit aller de l’avant et innover.

Certes toutes ces qualités peuvent également présenter, des revers de la médaille  car on a les défauts de ses qualités mais il s’agit dans cette présentation, de mettre en relief, les points forts que l’expérience libanaise offre et qui peut constituer, dans plusieurs domaines une valeur ajoutée. Le succès des experts libanais et la confiance qu’ils inspirent, trouvent certaines explications, du fait qu’étant de part leur appartenance  d’origine, dans le compromis et la synthèse, ils essaient de concilier le savoir et le savoir faire, l’étude théorique et l’application pratique, la démarche conceptuelle  abstraite et le sens des relations humaines. Le Libanais sait dès le départ, qu’il existe dans un vaste monde, sans frontière fixe et définitive  et qu’il doit agir, entreprendre  et communiquer.

Avec la mondialisation, il trouve facilement comment s’aventurer, s’adapter et se repérer. Il sait que le mouvement est à la base, paradoxe et dialectique. Que la vie est une négociation continue. Et qu’il  faut toujours donner le meilleur de soi même.

Bahjat Rizk
Avocat à la cour, écrivain libanais, professeur universitaire, attaché culturel à la délégation du Liban auprès de l’UNESCO (depuis 1990) a représenté le Liban à de multiples conférences de l’UNESCO (décennie mondiale du développement culturel-patrimoine mondial

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