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Nucléaire civil et réalignement régional : l’Iran propose un marché commun énergétique

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Un projet iranien inspiré de l’Europe d’après-guerre

À Istanbul, les pourparlers sur le programme nucléaire iranien sont entrés dans leur quatrième phase. L’Iran y a surpris ses interlocuteurs en proposant la création d’un marché commun du nucléaire civil à l’échelle régionale. L’idée évoque directement la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), moteur de la construction européenne après 1945. En mutualisant la production et le retraitement de l’uranium, Téhéran souhaite établir une coopération énergétique durable avec ses voisins arabes — en dehors de toute visée militaire ou nucléaire stratégique déclarée.

Cette proposition vise à transformer un domaine historiquement conflictuel — l’atome — en levier d’intégration économique, tout en offrant à l’Iran un retour au centre du jeu régional comme acteur technologique et industriel majeur.

La crise énergétique arabe : après le pic pétrolier, la mutation forcée

Ce projet s’inscrit dans un contexte de transition énergétique accélérée dans les pays arabes. Depuis plusieurs années, le monde arabe fait face aux effets structurels de l’après-pic pétrolier :

  • La production décline ou plafonne, même dans les pays les plus riches en réserves,
  • La demande intérieure explose, en raison de la croissance démographique et urbaine,
  • Les revenus pétroliers chutent, sous l’effet combiné de la baisse des volumes exportables et des pressions sur les prix à moyen terme.

Résultat : pour maintenir leur capacité exportatrice et assurer leur propre sécurité énergétique, ces pays ne peuvent plus compter sur le tout-pétrole. Ils doivent économiser leur pétrole pour l’export et développer des alternatives pour la consommation domestique.

Dans ce cadre, l’énergie nucléaire civile s’impose comme pilier stratégique.

  • Les Émirats arabes unis ont inauguré leur centrale de Barakah, un jalon symbolique de leur transition énergétique.
  • L’Arabie Saoudite prévoit de bâtir plusieurs réacteurs d’ici 2040.
  • L’Égypte, en coopération avec la Russie, développe la centrale d’El-Dabaa.
  • Des projets émergent également en Jordanie et au Maroc.

Le nucléaire n’est plus seulement un choix technologique : c’est une nécessité post-pétrolière, un outil de souveraineté énergétique, et un signal politique fort de modernisation.

Une réminiscence iranienne : du Shah à la République islamique

L’ambition nucléaire iranienne n’est pas nouvelle. Déjà dans les années 1970, le Shah Mohammad Reza Pahlavienvisageait la construction de 20 réacteurs nucléaires à l’horizon 2000. Ce projet fut interrompu par la Révolution islamique de 1979. Mais les logiques économiques qui le sous-tendaient — diversification énergétique, maîtrise technologique, sécurité nationale — demeurent inchangées.

Aujourd’hui, Téhéran relance l’idée, non plus en solitaire, mais dans une logique de coopération régionale, avec une ambition partagée : construire une ère post-pétrolière stable et intégrée.

Israël mis à l’écart : une marginalisation stratégique ?

Un élément central de cette nouvelle donne est l’exclusion d’Israël, seul État de la région disposant d’un programme nucléaire militaire, non reconnu officiellement mais documenté autour du site de Dimona. Israël, qui refuse toute intégration dans un cadre régional de régulation nucléaire, est de fait isolé dans cette dynamique de coopération civile.

Plus largement, l’État hébreu se retrouve progressivement marginalisé sur plusieurs dossiers majeurs au Moyen-Orient :

  • Les États-Unis ont négocié un cessez-le-feu avec les Houthis au Yémen sans passer par Tel-Aviv,
  • Ils ont entamé des négociations directes avec l’Iran sur le nucléaire,
  • Ils ont traité avec le Hamas pour la libération d’un otage sans implication israélienne,
  • Ils mènent aussi des discussions sur la Syrie en l’absence d’Israël.

Cette tendance traduit un rééquilibrage diplomatique : Washington cherche désormais des résultats concrets plus que des postures idéologiques, même si cela suppose de contourner ses partenaires historiques.

Vers un nouveau paradigme régional ?

L’initiative iranienne, tout comme les grands projets nucléaires du Golfe, signale un changement de paradigme énergétique mais aussi géopolitique au Moyen-Orient.

D’un côté :

  • Les pays arabes, contraints par la fin de l’ère pétrolière, se dotent de nouveaux instruments d’indépendance énergétique,
  • L’Iran, en proposant une logique de marché commun, se repositionne comme acteur rationnel et coopératif,
  • Les États-Unis, soucieux de désengagement, encouragent des architectures régionales autonomes.

De l’autre :

  • Israël, pourtant nucléarisé depuis des décennies, se trouve hors-jeu diplomatiquement,
  • Son refus de toute intégration régionale l’isole dans une phase où la coopération devient la norme,
  • Son statut d’exception, autrefois valorisé, devient un facteur d’exclusion.
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Newsdesk Libnanews
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